Un premier recueil, un coup de maître… Autrement dit, l’évidence d’un poète majeur ! Non que Cathy Garcia-Canalès, n’ait que peu publié : elle l’a fait, et souvent, dans diverses revues, dont la sienne (Nouveaux Délits) et chez différents éditeurs [Voir ci-dessous (*)] Puis dans les autoéditions à tire d’ailes…où, à propos de Salines, je disais le bonheur éprouvé à découvrir une poésie d’une ampleur rare et d’une totale liberté dans le verbe qu’elle fait détaler et courir selon les pentes d’un tempérament qui, outre sa générosité, ne se conçoit pas dans les retenues dictées par les bienséances de l’heure, la volonté de ne heurter quiconque ou quoi que ce soit… Reprenons ici quelques moments de la postface que j’écrivis alors, c’était en 2007 :
« Il n’est pas de faux-semblants, ni dans le dire, ni dans l’image, ni dans la trajectoire chez Cathy Garcia, et moins qu’ailleurs peut-être dans SALINES. Ce beau titre assume une amplitude et un regard qui, d’emblée, nous rapprochent de la mer et du vent, de la peau chargée des odeurs chaudes de l’amour, et, pour tout dire, d’un élan vital originel… »
J’y relevais le rétablissement de l’âme humaine « dans les beautés et les grandeurs terrestres », et jusqu’à l’impudeur, « cette ostentation de l’être féminin - totalement féminin -, entièrement soi, protéiforme… :
Je suis femme
Unique multiple
Je suis la grande saline
Une poésie établie dans le vivant absolu, « parce qu’être femme c’est cela, ni plus ni moins, c’est être dans la germination, l’efflorescence, l’offrande et le plaisir :
J’aime à fleurir
clandestinement
m’ouvrir à des nuits étoilées de plaisir
éclater sous la brûlure d’un soleil mâle »
J’évoquais le grand Pan, et le regret qu’en avait exprimé Michelet… la sauvagerie d’une poésie jouissive et jouissante, réjouissante donc, non pas apeurée, mais fière, où le carpe diem « n’a plus à se signaler comme ambition et désir, car il est désormais et explicitement, l’existence elle-même… »
J’aime donc et admire cette poésie aussi crue ici qu’elle se montre délicate là-bas… cette poésie de la célébration qui ne tombe jamais dans la niaiserie, ni dans le solennel et l’ennuyeux ! Qui va son train, mais ne méconnaît pas « le versant périlleux et bouleversant des choses » :
L’illusion
est si belle
vaut bien la blessure
que tu ne manqueras pas
de me faire
Je voulais aussi la ramener, non seulement à une lignée et à un puissant courant de la poésie française féminine (de Marie de France et Pernette du Guillet à Madame Colette !), mais surtout à cette longue respiration du vivant, à « cette force infinie et lointaine des fontaines résurgentes. » J’ajoutais ceci, que je confirme aujourd’hui encore : « Mon admiration est sans mesure. »
Silvaine Arabo et les Editions de l’Atlantique, en réunissant Salines et Mystica Perdita dans un même recueil intitulé ESKHATIAÏ (les confins, les limites), ne semblent pas m’avoir donné tort. La vision, je le souligne en préface, s’élargit, s’approfondit, veut toucher à la totalité de notre monde : « Ses poèmes vibrent de ce contraste implicite entre le Jardin de la Création, que nous n’avons plus que le choix de regarder en songe, et ce jardin mutilé que, sous nos yeux, salit et martyrise la modernité cupide. » Mystica perdita lance les mots comme on lance des fusées, au grand loin, au-delà des eskhatiaï que, malgré leur fragilité, ils franchissent :
Mots d’hommes en langues aguerris
De verre d’entailles de boue de bruit
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Mots esprits sables reptiles
Sueur sperme salive
Mots salis de nos sexes vortex
Façonnés à faire tourner
Ciel tête bol monde
Cette poésie magnifique, grande sans grandiloquence, nous porte, nous transporte, nous élève en somme ; elle tremble et rit et pleure dans son « Chant Chaos-Harmonie » :
Plaie obscure de la nuit
Dans nos paumes accolées
Rêve bu au carreau du destin
Elle est écrite par quelqu’un qui ne se disjoint pas, ne se divise pas en tranches séparables, opposables… Ici la main droite sait à tout moment ce que fait la main gauche. Le visage regarde et voit devant. Cathy Garcia-Canalès vit et écrit comme elle avance, droit devant elle et sans nulle crainte. Je me cite une fois encore, qu’on me pardonne, mais je ne sais mieux dire : « Le Poème qu’entreprend d’écrire sa sensibilité toute tendue vers l’intelligence de soi-même et du monde, n’est ni de contingence ni de hasard. Il est grand comme sa vie. Il va comme elle, il avance dans ses pas. »
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Extrait du bulletin La Mère Michel V - Poiesis-Poésie - Automne-Hiver 2010-2011 qu'on peut lire dans son intégralité sur:
http://delitdepoesie.hautetfort.com/archive/2011/01/18/la-mere-michel-a-lu-special-poesie.html