James Cañon - Dans la ville des veuves intrépides

Tales from the town of widows, James Cañon 2007
Belfond, 2008, Livre de Poche 2010
Le 15 novembre 1992, un dimanche comme tous les autres, une troupe de guérilleros pénétra dans Mariquita, village de la cordillère colombienne, et emmenèrent ou tuèrent tous les hommes de plus de douze ans, excepté le padre Raphaël.
Ainsi commence cette chronique à la fois drôle et tragique d'une bourgade perdue au fin fond de la Colombie. Sous ses airs de fable sociale fantaisiste et baroque, féroce aussi, avec cet inimitable style latino-américain (bien que le livre ait été écrit en anglais) nommé réalisme magique, il y a dans ce roman plus de réalisme que de magie et c'est un véritable roman éco-queer-féministe qui se cache sous les jupons de ce village, jupons qui finiront d'ailleurs par être délaissés au profit d'une nudité saine et vigoureuse mais ça c'est bien plus tard, et je ne voudrais point trop en révéler car il faudra du temps et bien des péripéties avant que les femmes du village repoussent toute la violence du monde mais aussi en elles, pour créer une société équitable et efficace, fonctionnant au temps féminin et au partage du bien commun, en harmonie avec la nature, tandis que les hommes se détruisent et sont détruits par la guerre, qu'ils soient guérilleros de gré ou de force, paramilitaires ou militaires, c'est du pareil au même, la violence ne fait aucune différence. Des passages au fil du roman, comme glissés entre les pages, très brefs mais extrêmement percutants, des portraits de ces hommes pris à un moment de leur triste sort, contrastent avec le reste du roman et en accentuent la profondeur.
Foisonnant avec un rythme lent aussi qui permet de plonger totalement dedans, ce livre fait du bien et pointe là où ça fait mal de façon si juste, aussi quelle réussite car c'est le tout premier de cet auteur d'origine colombienne. Sa longue liste de remerciements qui figure à la fin se termine ainsi et n'en suis tellement pas étonnée : "Enfin, pour avoir enduré de si bonne grâce mon labeur d'écriture insensé, pour ta foi, ton amour et ta compréhension infinis, et pour avoir créé pour moi une vie merveilleuse en dehors de mes histoires, mil y mil gracias a tí, José, avec tout mon amour."
Mariquita, le nom de ce village imaginaire est une manière très péjorative de désigner en Colombie, les homosexuels. Clin d’œil appuyé.
James Cañón est né et a grandi en Colombie. Après des études universitaires à Bogotá, il s'installe à New York pour apprendre l'anglais. Tout en prenant des cours à la New York University, il commence à écrire. Diplômé de l'université Columbia, il a reçu en 2001 le Henfield Prize for Excellence in Fiction, et ses nouvelles ont été publiées dans de nombreuses revues littéraires. James Cañón vit aujourd'hui à Barcelone.






Gabrielle Filteau-Chiba écrit, traduit, illustre et défend la beauté des régions sauvages du Québec. Encabanée, premier volet d'une trilogie, paru au Québec en 2018, est inspiré par sa vie dans les bois du Kamouraska, il a été traduit dans plusieurs langues. Ont suivi Sauvagines en 2019, Bivouac en 2021. Un recueil de poésie La forêt barbelée en 2022, repris par Le Castor astral et Hexa en 2023, un roman dystopique toujours chez XYZ, éd. puis publié par Stock début 2025. Et La robe en feu, poésie encore, paru en 2025 au Québec et en France.
Witi Ihimaera, dont le nom véritable est Smiler, est né en 1944 à Gisborne, non loin de Whangara en Nouvelle-Zélande. Appartenant au clan Te Whanau A kai, il a passé son enfance à se nourrir des histoires liés à ses origines et ses ancêtres. D’abord journaliste, puis diplomate, il s’est mis, en parallèle, à imaginer des histoires liées à sa culture, pour le théâtre et pour le cinéma. Considéré comme un auteur majeur de la littérature post coloniale, il accorde une importance très forte à la préservation de la langue et de la tradition. Ihimaera n’est pas purement māori et a dû apprendre la langue de ses ancêtres à l’université, car il a souffert d’avoir été totalement coupé de son patrimoine culturel d’origine lorsqu’il faisait ses études secondaires dans une école, pourtant essentiellement fréquentée par des Māori. Il écrit pour différentes raisons : pour que la langue de ses ancêtres soit enfin portée au présent, enseignée, pour transmettre les traditions qui l’ont nourri, lui et pour son plaisir d’écrivain, aussi, et pour célébrer la culture maorie dans ce qu’elle a de plus majestueux porter sous nos yeux ravis la lecture de cette culture lointaine mais tellement palpable, intelligente, charnelle et lumineuse.
Louis Owens, né le 18 juillet 1948 à Lompoc, en Californie, aux États-Unis, et mort le 25 juillet 2002 à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, est un écrivain américain. 



Faire jardin
Pierre Gondran dit Remoux est né en 1970 à Limoges. Ingénieur agronome de formation, ce Parisien d'adoption n'a pas oublié l'étang limousin de l'enfance et vit entouré d'animaux, d'aquariums et de plantes, comme autant de compagnons nécessaires pour traverser la ville.
Une belle surprise ce roman et je remercie les éditions Au Vent des Iles de me l'avoir généreusement offert. La découverte déjà d'un auteur majeur en Australie, si bien que c'est incroyable qu'il soit inconnu chez nous et cela m'a donné envie de lire tous ses livres ! C'est donc une première traduction en français pour un roman paru en 1979 et qui a remporté le Prix Patrick White, le Nobel australien, la même année ! Roman très humain, au sens le plus authentique du terme, c'est ce qui sans doute lui donne l'air d'avoir été écrit hier. Il se déroule en 1959, sur une île reculée de Papouasie, alors australienne, et donne alternativement la parole à tous les protagonistes qui racontent des évènements antérieurs à la fin tragique de l'officier Alistair Cawdor. Une polyphonie rythmée et captivante, on ne s'ennuie pas une seconde, on est happé, c’est un régal. L’écriture pourrait rappeler certains romans amazoniens, en rapport avec la présence très forte de l'environnement naturel, sa chaleur, sa moiteur jusqu'à l'étouffement, cette fièvre toujours à la frontière de la folie que le lecteur peut ressentir comme s'il était lui-même parmi les protagonistes. Une très belle écriture vivante et franche qui nous plonge dans les tréfonds des uns et des autres en explorant notamment la douleur humaine et qui, et c'est un aspect essentiel de ce roman, donne à la culture indigène la place qui est la sienne : égale en humanité, respectable dans ses différences. C’est là une des qualités qui fait de ce roman une telle réussite : l'auteur qui s'est inspiré de sa propre expérience, ne tombe ni dans un travers colonialiste même repenti, ni dans une adulation trop naïve du bon indigène, un regard tout aussi colonialiste qui ôte à l'autre ses nuances, ses contradictions. Le choc des cultures est réel et il fait intégralement partie du récit, ce qui fait le lien, c'est l'humanité qui dans son essence est partout la même et comment chaque culture se modifie au contact de l’autre. Et on sent le respect que l’auteur a pour la culture Kiriwina qu’il a donc lui-même côtoyée et dont il a même commencé à apprendre la langue lors des quelques mois de séjours en Papouasie-Nouvelle-Guinée dans sa jeunesse. Une bonne façon de découvrir aussi une culture rarement abordée en littérature. Plus personnellement, je me sens très proche de l'auteur dans sa façon de ressentir les choses et la lecture de sa biographie détaillée a confirmé ce ressenti. J'ai hâte de voir ses autres livres traduits en Français, ce qui est donc le projet des éditions Au Vent des îles dont je ne peux que recommander le catalogue rempli de perles, que j'ai déjà évoqué lors d'une autre lecture, L’île des rêves écrasés de Chantal T. Spitz.
Randolph Stow (1935-2010) est un auteur du patrimoine australien, un grand classique maintes fois primé tant pour sa prose que pour sa poésie. Inconnu en France, il est le chaînon manquant, à côté du prix Nobel Patrick White (son contemporain), pour nous permettre d’appréhender toute la richesse du paysage littéraire australien et son importance pour la littérature mondiale d’aujourd’hui.
traduit de l’espagnol (Cuba) par Maïra Muchnik,
Marcial Gala est né à La Havane en 1965 et vit aujourd’hui entre Buenos Aires et Cienfuegos. La Cathédrale des noirs, son troisième roman, a été élu meilleur roman cubain en2012 et lauréat du prix Alejo Carpentier. Il conte les grandeur et décadence d’un peuple qui aspire à une profonde spiritualité, mais qui sombre dans ses contradictions. Gala est déjà considéré comme l’une des voix cubaines les plus originales de sa génération.