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L’autre vie de Valérie Straub, de Stéphane Padovani

 Note parue sur : http://www.lacauselitteraire.fr/l-autre-vie-de-valerie-straub-stephane-padovani.html

 

L'autre vie de Valérie Straub, Stéphane Padovani

2012, 60 p. 5 €

Quidam Editeur

 

 

Valérie Straub « n’aspire plus qu’à la tranquillité des pierres ». Elle a passé plusieurs dizaines d’années en prison pour des idées mises en application de la manière la plus violente. Elle a tué pour ces idées-là, pour un idéal de justice, pour un monde meilleur, elle était jeune, rebelle, déterminée. « Ce combat, il t’a fallu quand même le mener jusqu’au bout, jusqu’à la mélancolie, jusqu’à une certaine forme de folie, au fond d’une prison ». Et quand elle en sort, c’est pour entrer dans un monde qu’elle ne reconnaît plus.

« Les gens t’ont oubliée. Ne reste vaguement que le bruit superficiel de tes éclats, d’armes ou de voix, dans un espace social replié comme un linge dans une armoire de réfectoire ».

Une ancienne compagne de cellule, Isa, va l’accueillir et l’aider à faire ses premiers pas, et la femme de son petit frère qu’elle avait à peine connu et qui est décédé, vient lui confier un journal qu’il n’a écrit, tout au long de ses années, que pour elle. Un journal plein d’amour mais aussi de questionnements, face au vide, que cette sœur inaccessible et constamment en révolte avait laissé suite à son arrestation. Valérie ne sait pas trop ce qu’être libre pourra bien vouloir signifier dans une société qui a poursuivi son cours vers quelque chose qu’elle et ses compagnons d’armes avaient combattu de toute leur âme.

« Pourquoi t’es-tu battue ? Le monde que tu souhaitais n’est pas advenu, n’aura jamais été que dans les interstices d’espoir, des alliances clandestines traquées par la violence d’État. C’était un monde déjà perdu au moment même où tu l’entrevoyais ».

Mais elle aspire cependant à la paix, à un peu de bonheur si jamais cela était encore possible, le chat écorché accepterait bien quelques caresses. Elle a beaucoup lu, étudié, médité lors de ses années d’incarcération. Elle a tué et elle a payé. Mais peut-on vraiment payer sa dette de mort ? Le cercle de la violence est un cercle infernal et chaque acte n’en finit jamais de porter à conséquence. Les peuples de la vendetta connaissent bien ça. Une agression en pleine rue va le lui rappeler alors qu’elle est sur le point de commencer à travailler avec son amie Isa, dans une pépinière. Elle se sent bien là-bas, chez ces espagnols, chez Pablo, sa sœur Clara et ses trois enfants. Elle s’y sent bien au point de ne plus les quitter, et très vite entre Pablo et Valérie, quelque chose de beau et de bon commence à lui faire oublier toutes ces années passées à l’ombre.

« Mon histoire est là à présent, sous les mains de Pablo et dans les miennes, dans les intervalles qu’il me reste à parcourir. Et je me dis que je n’aurais pas trop d’une troisième vie pour me rejoindre ».

Mais peut-on vraiment payer sa dette de mort ? Valérie Straub aspire à la paix mais elle n’est pas le genre de femme à se dégonfler devant son destin.

Un destin que vous découvrirez en lisant ce livre, court mais intense. Une écriture fluide et envoûtante pour un clin d’œil courageux à ces idéalistes, les gauchistes comme on dit, extrémistes certes, mais on sait bien que l’ennemi qu’ils combattent ne l’est pas moins, et qui ont choisi un jour ou l’autre la manière la plus directe, la plus brutale, et la plus vaine aussi, pour tenter de changer le monde.

Vraiment un très beau texte, fort et poignant, que l’on pourrait peut-être résumer ainsi : courage, dignité et désespoir.

Soulignons au passage aussi l’éditeur, Quidam, qui encore une fois, publie un texte de grande qualité, dans un ouvrage bien réalisé, pour un prix dérisoire.

 

Cathy Garcia

 

 

 

stéphane padovani_.jpgStéphane Padovani est né en 1966 à Courbevoie et a vécu en région parisienne jusqu’en 1999, dans différentes banlieues, où il a commencé à enseigner. 1995 : premières publications en revues. Il a obtenu la bourse « découverte » du CNL et animé quelque temps un atelier d’écriture en maison d’arrêt. Il vit et enseigne désormais en Bretagne. Il est aussi l’auteur de L’Homme de bois (2002) et Chiens de guerre (2004), tous deux chez Bérénice. Aux éditions Quidam, il a publié en 2007 La Veilleuse, où il poursuit, sur un fil toujours tendu, des itinéraires intimes pris dans la marche du monde.

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