Alfred Kubin - The fear (1902-1903)
ALLONS-Y
Le passé. Le passé réfugié derrière les remparts de la mémoire. Une clé avalée en entrant, en naissant je veux dire, né sans… Trop pleine déjà pourtant ! Déjà tracée l’étoile truquée, pour finir au panier de toute façon, oubliée. Automatiquement, fantomatique-ment oubliée.
Dans mon passé à moi, mon cher passé, d’un puits profond, une flamme tremblante ne cesse de remonter, remonter. Les a t’on déjà connu ces vents froids qui passent entre les grilles ?
La mémoire ! Forteresse et oubliettes.
Depuis quand cherche t’elle à remonter cette flamme ronge-cœur ?
Veuve. Femme frappée du destin. Femme vidée, juste une enveloppe, refroidie, pétrifiée par les larmes.
L’enfant fuit à tire d’ailes, la femme deux fois amputée continue de marcher, continue de ronger. L’enfant fuit la mort, puis la défie à défaut de pouvoir la défaire. Attirer loin au-dehors cette contagieuse tristesse, afin que la vie puisse enfin éclairer le fond du puits. La vie, l’émoi, la joie d’être femme. Habitée, vivante !
Je suis l’enfant de la veuve. Ma mémoire aux fossés pleins de larmes, pose encore l’interdit sur la douleur, les mots que je voudrais expulser.
Tombe d’amour
Rongée de vers
Les vers, les vers
La rime et la mort
Toujours et encore
A jamais
Trop tard
Trop noir
Ce trou dans lequel on tombe et dont on ne se relève pas. Le couvercle se referme. Les prêtres corbeaux, les ombres affamées, les fleurs puantes déjà fanées. J’avais peur de ces journées trop grises où il fallait aller au cimetière. J’avais peur des larmes de ma mère, peur de mon désert. Peur de la pluie quand elle engloutit.
J’ai encore peur de la boite où Mimie Jolie dort avec les asticots.
J’ai grandi portant en moi cette terreur en gestation. Elle m’a façonnée de l’intérieur, creusant grottes et gouffres. J’y ai mis des cauchemars, des monstres, des mystères et de méchantes humeurs. Je suis la petite fille près de son papa endormi. J’attends qu’il se réveille comme une princesse de son long sommeil. Je suis petit prince impuissant à soulager sa mère.
L’écriture fleuve révèle des secrets enfouis, destins inaccomplis. Chercher, fouiller, sonder la vase, arracher de leur écorce moisie les vieilles douleurs muettes.
Pourquoi ?
CG, 2002
Commentaires
Quel dessin ! Quel texte !!