Otto Greiner - Le mortier, 1900

 RÉSURGENCE 
 
 Je suis la Truie dit-elle
 et la Lionne.
 Mon jardin fut des plus fertiles,
 ma fontaine des plus sacrées.
 Je contiens tous les âges, 
 le temps devant moi
 docilement s’inclinait.
  
 Ils sont venus
 en mon ventre
 arracher le soleil.
 Ils m’ont liée à la lune,
 jetée à la nuit
 mais jamais lumière 
 ne fut plus blanche
 qu’entre mes cuisses
  
 Toi le frère, le fils, le père 
 et l’Ancien qui a trahi,
 tu te dresses en conquérant
 sur des ruines et des cendres.
 Tu invoques l’amour 
 glaive à la main,
 des fusils des roquettes,
 innombrables phallus 
 de destruction.
 
 Tu n’as jamais été pourtant
 aussi impuissant, 
 homme émasculé du sens,
 depuis que les déesses de l’amour 
 tu as maudites.
 
 Innana, Ishtar, Astarté
 Brûlés le fruit le jardin
 Symboles de ta perdition
 
 Tu as réduit les mères nourricières 
 au rang de putains de l’agro-industrie,
 tu leur a mis le joug
 de tes folies mécanistes. 
 
 Cérès Déméter pleurent sans fin,
 quelle que soit la saison,
 Perséphone ne quitte plus les enfers.
 La vulve de Gaïa est sèche,
 ses seins sont crevés,
 ses veines lourdes et souillées.
 
 La vérité n’est plus voilée,
 elle est violée sans répit
 mais tu as beau pilonner homme
 je reste l’Inviolable
 et la Vierge éternelle
 
 « car je suis la première et la dernière.
 Je suis l’honorée et la méprisée.
 Je suis la prostituée et la sainte.
 (…)
 Ayez du respect pour moi.
 Je suis la scandaleuse et la Magnifique. » *
CG in Salines, 2008
Eskhatiaï, Ed de l'Atlantique 2010
 
 * transcrit de papyrus gnostiques traduits en copte au IIIe ou Ive siècle, 
 découvert vers 1945 à Nag’ Hammâdi, en Haute-Egypte