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Guy Tirolien

 

Ghetto

 

Pourquoi m'enfermerai-je dans cette image de moi qu'ils voudraient pétrifier ? pitié je dis pitié ! j'étouffe dans le ghetto de l'exotisme

non je ne suis pas cette idole d'ébène humant l'encens profane qu'on brûle dans les musées de l'exotisme

je ne suis pas ce cannibale de foire roulant des prunelles d'ivoire pour le frisson des gosses

si je pousse le cri qui me brûle la gorge c'est que mon ventre bout de la faim de mes frères

et si parfois je hurle ma souffrance c'est que j'ai l'orteil pris sous la botte des autres

le rossignol chante sur plusieurs notes finies mes complaintes monocordes !

je ne suis pas l'acteur tout barbouillé de suie qui sanglote sa peine bras levés vers le ciel sous l'œil des caméras

je ne suis pas non plus statue figée du révolté ou de la damnation je suis bête vivante bête de proie toujours prête à bondir

à bondir sur la vie qui se moque des morts à bondir sur la joie qui n'a pas de passeport à bondir sur l'amour qui passe devant ma porte

je dirai Beethoven sourd au milieu des tumultes car c'est pour moi pour moi qui peux mieux le comprendre qu'il déchaîne ses orages

je chanterai Rimbaud qui voulut se faire nègre pour mieux parler aux hommes le langage des genèses

et je louerai Matisse et Braque et Picasso d'avoir su retrouver sous la rigidité des formes élémentales le vieux secret des rythmes qui font chanter la vie

oui j'exalterai l'homme tous les hommes j'irai à eux le cœur plein de chansons les mains lourdes d'amitié car ils sont faits à mon image

 

 

 

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