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Isabelle Bonat-Luciani

 

On va se séparer doucement, là
voilà,
gentiment,
comme on est venus
de l'un à l'autre
de l'autre à l'un.
On va apprendre à se désapprendre,
là, doucement
comme on est devenus
un peu
de l'un en l'autre
à se chercher l'horizon.
On va en rester là, les deux pieds
alignés bien droits.
On va garder pour après
C'est toute une vie ça, tu sais.
Et tout sera comme avant.

Il suffit d'écarter le coeur
et le ventre
De couper à la racine
que ça ne repousse pas
Couper chaque membre
l'un après l'autre
et demeurer silencieux à ce qu'on croit bouger encore.

Il suffit d'arracher les yeux
qu'il n'y ait plus de ciel trop grand
Il suffit d'ôter la peau, qu'une autre vienne
la même
mais pas tout à fait.
Il suffit de tailler les hanches
comme on taille les arbres pour qu'un printemps plus vif renaisse
Il suffit de remuer ce qui n'est pas tout à fait mort
Ailleurs
Laisser la place à ce qui fut
Chercher d'où vient le courant des eaux mortes du fleuve
Etreindre une fois encore les regrets
les mêmes
sans que l'on sache lequel est usure lequel est usé
On n'a jamais su vraiment
si on voulait savoir tout à fait

Il suffit d'être
sans toi
Il suffit qu'aimer ne suffit pas
là, gentiment
du fond de nos inutiles

 

 

 

 

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