Revue Nouveaux Délits n°64
Je ne sais pas si cela vient de ce mois de septembre qui crépite de tensions, de nervosité ou de mon côté hyperactif, multitâche, de mon cerveau zébré en arborescence, de mon mental de Gémeaux capable de non seulement penser à plein de choses à la fois mais de les faire aussi simultanément, tout en réfléchissant, avec gourmandise, à toutes celles que j’ai envie de faire. Créer chez moi est compulsif, faire du lien aussi, transmettre, partager, pas étonnant que je me sois fait piéger par face de bouc.
Je ne sais cependant pas si c’est l’afflux incessant de sollicitations, de données, d’informations, de questions exigeant réponse instantanée, qui nous submergent via toutes les nouvelles technologies — et encore je n’ai pas de portable (je ne suis pas loin de faire partie des derniers des Mohicans). Je ne sais pas si cela vient des individualités de plus en plus selfisées, de la paperasse à n’en plus finir, pire quand elle est dématérialisée, avec ce tsunami d’identifiants, de codes, de mots de passe, de captcha (attention, marque commerciale déposée) et paradoxalement d’un manque croissant de professionnalisme — wow, j’ai vraiment utilisé ce terme ? — en tous les domaines, car peu importe comment et pourquoi les choses sont faites, ce qui compte c’est le fric, le fric, le fric et les plus pauvres de ramer et suer après ou sombrer dans une hyperactivité pathologique (devrais-je consulter ?) et pour bien d’autres, les « élus », c’est le fricot, le régal, la bombance. Ceux-là aussi sont en Enfer, comme Tantale, mais ils ne le savent pas, tant il leur est doux de se gaver, mais plus ils en ont et plus ils en veulent, jamais rassasiés et la planète n’est pas assez vaste, pas assez nutritive pour leur goinfrerie. S’ils aimaient manger de la chair humaine, c’est certain, ils nous dévoreraient littéralement.
Je ne sais pas si c’est le fait que tant de mes convictions profondes, et qui ne datent pas d’hier, soient aujourd’hui à la une des médias et alors que je devrais m’en réjouir, j’ai pourtant l’impression que cela fait surtout du bruit, de la mode, du tweet et que la meilleure des intentions est récupérée, détournée, avant même d’avoir été énoncée. Je ne sais pas si c’est la sensation de vivre de plus en plus dans un gros fake, une cauchemardesque fête foraine, bien que je fasse partie de celles et ceux — il y en a — qui sont descendu-e-s du manège depuis longtemps.
Bref, je suis fatiguée et je voulais donc dire que je faisais pour ce numéro, une grève d’édito ! Trop tard ? C’est tout moi, incapable de ne pas faire les choses, surtout quand personne ne m’oblige à les faire. Mais j’avoue, encore une fois, ce fut un plaisir de m’adresser à vous, je suis descendue du manège mais pas du bateau, alors ramons les amis, ramons ensemble et chantons, chantons avec nos voix, nos mots, nos poumons, nos tripes. Et apprécions le silence qui suit, le vrai silence : celui qui nous permet de sentir le battement de nos cœurs à l’unisson. Tant qu’on le peut encore.
C.G.
Il faut faire attention : avoir le vent en poupe, c'est l'avoir dans le cul.
Pierre Peuchmaurd in Fatigues
Sommaire et plus : http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com
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