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Le jardin de Bernadette Calméjane quelque part dans le Lot

 

Le Jardin de Bernadette Calméjane évoque le « Palais Idéal » du Facteur Cheval. On y est accueilli tout d’abord par d’étranges individus : un couple enlacé, un randonneur, un ours dressé. On devine qu’il s’agit de statues de bois mais lorsqu’on s’en approche, on remarque qu’elles ne sont pas dissociées de leur socle qui lui même n’est pas dissocié du sol. Il s’agit bel et bien de sapins encore enracinés que leur propriétaire jugeant souffreteux a transformé en personnages par la magie de ses mains comme on change une citrouille en carrosse. Plus loin se dresse un champignon géant, vestige d’un cyprès moribond. Ça et là, d’autres figures de bois parsèment l’endroit : un aigle au bec acéré, une chouette perchée au coin d’une fenêtre qui vous fixe de ses yeux grands comme des soucoupes, un globe lumineux serti dans sa gangue ligneuse, un arbre dénudé aux fruits étranges, boules en rameaux de châtaigner semblables à des entrelacs de méridiens célestes. Ces tiges souples et solides qu’on utilisait autrefois pour lier les fagots de petit bois ramassés dans la forêt, Bernadette en a gardé une maîtrise impressionnante. Témoin ces trois taureaux monumentaux, chefs d’œuvres de vannerie, qui semblent vous observer depuis la prairie en surplomb du bâtiment et dont la ramure imite à ce point leur anatomie qu’on les dirait prêts à charger.
Car l’artiste, bien que totalement autodidacte, maîtrise de nombreuses techniques. Dernière d’une longue lignée de cultivateurs éleveurs lotois, elle en a hérité certaines d’anciennes traditions dont elle est l’ultime dépositaire. Ce jardin qu’elle peaufine un peu chaque jour entoure la maison qui l’a vue naître. Témoin privilégié des changements qu’a connus la région, elle n’éprouve pas de nostalgie particulière. D’ailleurs, dans sa boulimie de création, elle n’hésite pas à se tourner vers des matières résolument modernes. Ainsi elle sculpte le béton cellulaire, à la fois tendre et résistant. C’est que le mari de Bernadette avait une entreprise de maçonnerie et disposait de toute sorte de matériaux. Elle en a perçu les possibilités et les a détournés de leur fonction d’origine. Fidèle à la tradition autarcique de la paysannerie locale, elle n’utilise que ce qu’elle peut glaner : souches, bois façonné par les intempéries, restes de ciment, fil de fer, fonds de peintures… Influencée par l’art primitif, elle réalise des tableaux à partir de ces reliquats et, miracle de la sérendipité qui est le don de faire par hasard des découvertes fructueuses, elle se rend compte que les différents diluants des pigments, acryliques, glycérophtaliques, mats, satinés, laqués qu’elle n’hésite pas à mélanger refusent de s’amalgamer de façon fluide et produisent d’étonnants effets moirés.
Artiste complète, peintre, sculpteur, plasticienne, Bernadette en refuse pourtant le titre. Elle ne recherche pas la notoriété. Ses œuvres sont souvent intransportables, comme ces sculptures encore enracinées. Elle est semblable à ces chasseurs cueilleurs du paléolithique qui ont orné les grottes de sa région sans se soucier d’y apposer leur signature. 
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Marc-Antoine Gallice

 

 

 

 

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