Alexandre Marius Jacob (1879-1945)
« Plus un homme travaille, moins il gagne ; moins il produit, plus il bénéficie. Le mérite n’est donc pas considéré. Les audacieux seuls s’emparent du pouvoir et s’empressent de légaliser leurs rapines. De haut en bas de l’échelle sociale tout n’est que friponnerie d’une part et idiotie de l’autre. […] Vous appelez un homme “voleur et bandit”, vous appliquez contre lui les rigueurs de la loi sans vous demandez s’il pouvait être autre chose. A-t-on jamais vu un rentier se faire cambrioleur ? J’avoue ne pas en connaître. Mais moi qui ne suis ni rentier ni propriétaire, qui ne suis qu’un homme ne possédant que ses bras et son cerveau pour assurer sa conservation, il m’a fallut tenir une autre conduite. La société ne m’accordait que trois moyens d’existence : le travail, la mendicité, le vol. le travail, loin de me répugner, me plaît, l’homme ne peut même pas se passer de travailler ; ses muscles, son cerveau possèdent une somme d’énergie à dépenser. Ce qui m’a répugné, c’est de suer sang et eau pour l’aumône d’un salaire, c’est de créer des richesses dont j’aurais été frustré. En un mot, il m’a répugné de me livrer à la prostitution du travail. La mendicité c’est l’avilissement, la négation de toute dignité. Tout homme a droit au banquet de la vie. […] Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend. […] Le vol c’est la restitution, la reprise de possession. Plutôt que d’être cloîtré dans une usine, comme dans un bagne ; plutôt que mendier ce à quoi j’avais droit, j’ai préféré m’insurger, combattre pied à pied mes ennemis en faisant la guerre aux riches, en attaquant leurs biens. Certes, je conçois que vous auriez préféré que je me soumette à vos lois ; qu’ouvrier docile et avachi j’eusse créé des richesses en échange d’un salaire dérisoire et, le corps usé et le cerveau abêti, je m’en fusse crever au coin d’une rue. Alors vous ne m’appelleriez pas “bandit cynique”, mais “honnête ouvrier”. Usant de la flatterie, vous m’auriez accordé la médaille du travail. »
Extrait de sa défense qu‘il a assuré lui-même lors de son procès, texte publié dans Germinal le 19 mars 1905. Il prendra 25 ans de bagne, il est le modèle de l'’Arsène Lupin de Maurice Leblanc.
Commentaires
Pour Lupin, je pense plutôt Leblanc que Genevoix...
oui merci, j'avais Genevoix en tête par rapport à un autre écrit et j'ai mélangé