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HF Thiéfaine

 

PAGE NOIRE

nous n’avons plus le temps d’imaginer le pire
d’imaginer la peur à l’heure du temps zéro
nous n’avons plus le temps pour les larmes & les rires
plus le temps de flirter avec les chaînes-info
notre besoin de paix, d’amour & d’illusions
s’est perdu dans le feu de notre hypocrisie
quand nous cherchions en vain là-bas dans les bas-fonds
sous le marbre des morts l’entrée d’un paradis

nous n’avons plus le temps d’imaginer le pire
d’imaginer nos yeux de chiens hallucinés
nous n’avons plus le temps pour les larmes & les rires
plus le temps d’éviter à nos corps de sombrer
les rats inoculés ont quitté l’arrière-cour
& les mouches tombent avant de goûter aux festins
quand de joyeux banquiers cherchent un nouveau tambour
pour battre le retour du veau d’or clandestin

nous n’avons plus le temps d’imaginer le pire
d’imaginer nos lois tombant d’un Sinaï
nous n’avons plus le temps pour les larmes & les rires
plus le temps d’oublier ceux qui nous ont trahis
le décalogue se brise en milliards de versions
mais les nouveaux Moïse n’intéressent plus Rembrandt
& dans les ruines obscures des salles de rédaction
les rotatives annulent le sacre du printemps

nous n’avons plus le temps d’imaginer le pire
d’imaginer nos pleurs d’esclaves à Babylone
nous n’avons plus le temps pour les larmes & les rires
plus le temps de prier les vierges & les madones
j’entends les harmonies d’un chant de rémission
d’un cantique atonal aussi vieux que nos races
& puis j’entends les cloches de la résurrection
quand j’arrache le suaire qui nous colle à la face

nous n’avons plus le temps d’imaginer le pire
d’imaginer nos rêves au rythme du chaos
nous n’avons plus le temps pour les larmes & les rires
plus le temps d’affronter la beauté de nos maux
j’ai rangé nos désirs au fond de l’univers
entre deux météores & une comète en feu
& j’ai mis de côté Telemann & Mahler
pour ne pas oublier la BO de nos jeux

nous n’avons plus le temps d’imaginer le pire
d’imaginer l’amour au temps des sentiments
nous n’avons plus le temps pour les larmes & les rires
la nuit gronde & se lève du côté de l’Orient
les visions incolores des peuples asservis
demain joueront peut-être avec un jour nouveau
quand les enfants-cosmos en visite à Paris
caresseront les chevreuils aux sorties du métro

 

 

 

Commentaires

  • Texte d'une très grande force. Merci

  • et en concert c'était fortissimo !!!

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