Roger Caillois - L'écriture des pierres
Un très beau livre, très poétique, pour qui, comme moi, a une fascination pour le caillou...
Flammarion, Les sentier d'e la création, coll. Champs, 1987.
"De toute façon, les pierres possèdent on ne sait quoi de grave ,de fixe et d'extrême, d'impérissable ou de déjà péri. Elles séduisent par une beauté propre , infaillible ,immédiate , qui ne doit de compte à personne."
En présence de cette humanité sentie plus que jamais comme éphémère, en présence même de ce monde animal et végétal dont nous accélérerons la perte, il semble que l'émotion et la dévotion de Caillois se refusent; il cherche une substance plus durable, un objet plus pur. Il le trouve dans le peuple des pierres: «le miroir obscur de l'obsidienne», vitrifiée voici des milliers de siècles, à des températures que nous ne connaissons plus; le diamant qui, encore enfoui dans la terre, porte en soi toute la virtualité de ses feux à venir; la fugacité du mercure, le cristal, donnant d'avance des leçons à l'homme en accueillant en soi les impuretés qui mettent en péril sa transparence et la rectitude de ses axes — les épines de fer, les mousses de chlorite, les cheveux de rutile — et en poursuivant malgré elles sa limpide croissance : le cristal dont les prismes, Caillois nous le rappelle en une formule admirable, pas plus que les âmes, ne projettent des ombres.
Extrait de l'éloge de Roger Caillois prononcé par Marguerite Yourcenar, lors de sa réception à l'académie française, janvier 1981.
"Vint la vie : une humidité sophistiquée, promise à un destin inextricable; et chargée de secrètes vertus, capable de défis, de fécondité. Je ne sais quelle glu précaire, quelle moisissure de surface, où déjà s'enfièvre un ferment. Turbulente, spasmodique, une sève, présage et attente d'une nouvelle manière d'être, qui rompt avec la perpétuité minérale, qui ose l'échanger contre le privilège de frémir, de pourrir, de pulluler."