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J'en ai fini avec le monde,
dès qu'il va plus loin que mes yeux,
mais pas avec le temps qui sonde
le peu que je fais de mon mieux.
M'étant réveillé dans la peau
d'un inconnu qui veut que j'aime
son rôle de drôle héros,
je me rendors vite en moi-même.
J'ai éteint le jour électrique
qui éclairait les fausses vies
que j'ai menées en Amérique
au temps où j'étais l'ennemi
de qui je fus et quelques autres
que je n'ai jamais rencontrés
sinon dans ces films où se vautrent
les désirs qu'on n'a pas souhaités.
Les acteurs paraissent absents
de la fiction dont ils essaient
de s'extraire avec ce talent
d'y laisser leur ombre masquée.
Les écrans rougissent tout seuls,
maintenant que je ne fais face
de visage humain qu'à la gueule
du chien qui sur mon miroir passe.
À rebrousse-poil, à retrousse
babines, il me confie tout bas
comme un aveu en bout de course
n'avoir rien vu qui ne fût là ;
puis s'en retourne doucement
sous la caresse bleue des cieux
lançant très peu cyniquement
d'un signe de queue, un adieu :
"J'en ai fini avec le monde,
dès qu'il va plus loin que mes pas ;
et je ne crains le ciel qui gronde
que si c'est sur moi qu'il aboie."
L'air blanc et le sol noir se grisent.
La poussière écrit le mot "FIN"
sitôt dispersé par la brise.
L'horizon et lui ne font qu'un.