Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : babouillec

  • Babouillec

     

    L’enjeu systématique de l’appartenance sociale inhibe ta résonance au monde,

    à toi-même, à elle-même.

     

    in Algorythme éponyme et autres textes

     

     

  • Un message de Babouillec

     

    Je suis touchée très en profondeur d'être intimement entendue. Merci pour vos retours très encourageants pour moi. A travers le film de Julie Bertuccelli un portrait de l'auteure est mis en valeur. On lit entre les lignes mes difficultés à vous ressembler et surtout mon manque d'envie d'appartenir à ce monde de l'ordre mental.
    Naitre avec des neurones survoltés ça arrive, se débrancher de la connexion de l'humain dans les cases ça arrive aussi , être en phase de branchement différent c'est mon cas. Dans ce système de l'hyper connexion j'écris avec des lettres en carton et je m'hyperconnecte avec le toit céleste, les antennes de l'univers.
    Nous sommes des êtres puérils. Nous jouons à faire semblant d'être branchés sur l'information inventée par nous-même et nous ignorons comment reproduire une cellule vivante , notre code identitaire.
    Je suis contente d'être restée coincée dans l’œuf de la conception où se joue l'apocalyptique résonance avec le grand tout. Ne soyons pas égarés , l'invisible big bang habite nos cerveaux et nos corps. Restons attentifs à la lumière des êtres accrochés à la lanterne du monde qui se balance entre la terre et le ciel.


    GOOD TRIP...

     

     

    Liens à suivre sur ce blog :

    http://cathygarcia.hautetfort.com/apps/search/?s=babouillec

     

     

  • Babouillec - Algorythme éponyme et autres textes

    004508453.jpgJe viens enfin de terminer un livre de Babouillec. En fait, je ne savais pas exactement ce que j'allais lire, mais je savais que ce serait une claque et puis au final c'est une formidable résonance, je retrouve tellement de mes propres ressentis, de mes questionnements, mes révoltes même, dans ses mots, que je me dis que moi aussi je dois être autiste, camouflée derrière une apparente normalité et que nous sommes même peut-être tous des autistes plus ou moins intégrés dans la normalité, et alors la question s'impose : qu'est ce que ça veut dire "être normal" ? La question que nous posent, parfois comme un flingue sur la tempe, tous les dits "anormaux", tous les "différents", peut-être pour nous montrer à quel point nous sommes éloignés, coupés de nous-mêmes, de notre être véritable, unique et extraordinaire dans son anormalité.

    Qu'est ce que ça veut dire "être normal" ?

    C'est la question qui vient nous remettre en question justement, qui vient nous réveiller. Une question qui dérange notre sommeil, une sorte de sommeil collectif hypnotique.

     

    Dans la folie de l’obéissance d’être en vie, j’accuse l’infinie gourmandise jubilatoire de mon cerveau, de m’inonder du désir impalpable de jouer avec les lettres et raconter l’invisible qui vit en moi.

    (…)

     

    L’enjeu systématique de l’appartenance sociale inhibe ta résonance au monde, à toi-même, à elle-même. (…) Fantômes itinérants et sans bagages, les corps s’alignent sur le modèle disponible.

    Je suis arrivée dans ce jeu de quille comme un boulet de canon, tête la première, pas de corps aligné, des neurones survoltés, une euphorie sensorielle sans limites. Les oreilles stand-by à la jacasserie humaine, les mains et les pieds sens dessus dessous, les yeux dans les yeux de moi-même. Modèle dispersé, gratuitement mis au monde par besoin de casser la mécanique culturelle.

     

    (...)

     

    Le regard des autres : à qui devons nous appartenir ressembler (…) Quality Street boulevard de notre déambulation linéaire alignés docilement par peur du vide. Ronde infernale high Tech ces rencontres compulsives moulinées dans nos boites à dialogue sous haute surveillance.

     

    (...) 

     

    On décore mal le paysage, jamais à la bonne place, dans la bonne attitude, bonne posture, bonne gueule de l’emploi. (…) Sortons les handicapés dans la rue et faisons une grande fresque vivante.

    Nous ne sommes pas des anges, la preuve, nous n’avons pas deux ailes pour fuir ce monde hostile.

     

    (…)

     

    Il faut se souvenir que nous ignorons l’origine du bing bang cellulaire.

    Apocalyptique pari illicite, cet éclatement des éléments pour fabriquer la mécanique humaine obsolète sous Prozac.

     

     

    Babouillec, alias Hélène Nicolas, jeune femme née autiste sans parole, en 1985. Diagnostiquée « déficitaire à 80 % », jamais scolarisée, son habileté motrice est insuffisante pour écrire, elle est enfermée dans le silence. Hélène a intégré vers l’âge de huit ans une institution médico-sociale qu’elle quitte en 1999. À partir de cette date, elle suit un programme de stimulations neurosensorielles accompagné d’activités artistiques et corporelles au domicile familial – un travail quotidien partagé entre Hélène et sa maman. Au bout de vingt ans, elle réussit, grâce et avec le soutien de sa mère, à écrire à l’aide de lettres en carton déposées sur une feuille blanche et toute la richesse de son être et ses talent se révèlent. Plusieurs livres sont  alors publiés, des pièces sont mises en scène. En 2016, Julie Bertucelli sort un documentaire sur Babouillec : Dernières nouvelles du cosmos.

     

    Bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=SkHtzY-9DEs

    Entretien avec Julie Bertucelli : https://www.youtube.com/watch?v=2NMFWE1gtf8

     

     

     

     

     

  • Rouge de soi de Babouillec

     

     

    Rivages éd., mars 2018

    9782743643416.jpg

    142 pages, 15 €.

     

    Expérience d’immersion totale, Babouillec nous offre avec son Rouge de soi, un roman spirale qui nous entraîne dans son tourbillon jusqu’au centre, là où l’auteur ne fait plus qu’un avec son personnage. Éloïse Othello est un alter ego plus intégré, indépendant, autonome à qui l’auteur peut confier ce qui se trouve à l’intérieur d’elle-même, au plus rouge de soi, au cœur de l’être : ses rêves, ses élans, ses désirs, sa liberté de voir, de penser, de bouger, ses profonds questionnements existentiels. Éloïse Othello danse, a des amis, des projets, des poids et des peurs aussi dont elle veut se libérer en suivant une thérapie. Elle est perçue comme différente mais c’est une nana qui rebondit. Cependant, plane sur elle une peur ultime et on ne peut s’empêcher de frissonner en lisant ceci parce qu’on comprend à quel point l’auteur est tout près derrière ces mots-là :

    « Entrer dans la confusion de l’amour et de la folie est ordinaire dans ce monde qui bombarde nos vies de slogans ordinaires, un amour fou, fou d’amour. Alors pour une personne traquée par la folie depuis son enfance, l’amour est synonyme de piège. Sa vie a pris des allures d’animal traqué. Pour dominer ses peurs, pour chasser ses angoisses, elle se réfugie dans ses entrailles où elle devient son ombre, une zombie sociale hantée par une peur ultime, la folie, l’enfermement. »

    Il y a de l’autofiction dans Rouge de soi car si on a lu Algorithme éponyme et autres textes, on ne peut que reconnaître Babouillec à travers Miss Othello, sa vision juste, percutante, inédite, aiguisée et brillante du monde et de l’humain, un monde dans lequel son personnage aussi doit se battre pour trouver sa place.

    « Le mécanisme de la survie de l’espèce humaine tisse habilement sa toile, le piège se referme rapidement et commence l’ascension sociale. Un peu comme les montagnes russes, on monte et on descend. »

    La danse pour Éloïse Othello, qui se perçoit comme nomade sociale et sauvagement mutante, c’est comme les mots pour Babouillec, ils permettent d’échapper à la pesanteur, à la solitude, à l’angoisse, à la sensation d’enfermement, aux difficultés des relations humaines.

    « Donner une définition de l’être en soi, sans déborder sur la ligne rouge du boulevard de l’autre, est un exercice compliqué. Nous mordons la poussière à pleines mâchoires de jour comme de nuit pour mettre la mécanique de l’existence sur les rails. »

    Éloïse Othello s’interroge beaucoup, son cerveau bouillonne en permanence, la fragilise, et l’écriture devient alors pour elle aussi l’issue de secours : « Avec l’écriture, j’ai enfin trouvé un moyen de me raconter sans parler de moi. »

    Rouge de soi n’est pas un roman comme les autres et ici ce n’est pas juste une formule, dans sa structure même, il est différent, déstabilisant. Une expérience vraiment étonnante car à la fois étrange et terriblement familière. L'écriture offre à Babouillec la possibilité de s’exprimer et elle le fait dans une quasi totale liberté, détachée des règles, des normes, des habitudes du genre, le résultat est inclassable, unique, plein de fraîcheur, de poésie et d’humour.

    « Marcher à contre-courant de la culture établie donne du fil à détordre, des nœuds à l’estomac, des cheveux en pétard, une vie dépareillée. »

    Le simple fait que ce roman existe est un merveilleux pied de nez justement à tout ce qui voudrait nous enfermer dans des cases et des limites.

    « Rouge comme les interdits, le sang, l'intimité, l'émotion suprême, la timidité, le dépassement de soi dans la profondeur de l'identité, le carrefour des sens interdits. »

    Rouge de soi, d’émotion et de plaisir.

     

    Cathy Garcia

     

    SI_6170701_1.jpgBabouillec, alias Hélène Nicolas, jeune femme née autiste sans parole, en 1985. Diagnostiquée « déficitaire à 80 % », jamais scolarisée, son habileté motrice est insuffisante pour écrire, elle est enfermée dans le silence. Hélène a intégré vers l’âge de huit ans une institution médico-sociale qu’elle quitte en 1999. À partir de cette date, elle suit un programme de stimulations neurosensorielles accompagné d’activités artistiques et corporelles au domicile familial – un travail quotidien partagé entre Hélène et sa maman. Au bout de vingt ans, elle réussit, grâce et avec le soutien de sa mère, à écrire à l’aide de lettres en carton déposées sur une feuille blanche et toute la richesse de son être et ses talent se révèlent. Plusieurs livres sont  alors publiés, des pièces sont mises en scène. En 2016, Julie Bertucelli sort un documentaire sur Babouillec : Dernières nouvelles du cosmos.

     

    Bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=SkHtzY-9DEs

    Entretien avec Julie Bertucelli : https://www.youtube.com/watch?v=2NMFWE1gtf8

     

     

     

  • Et pourquoi moi je dois parler comme toi ? écrits bruts (et non bruts) réunis par Anouk Grinberg

    Le Passeur éd. 15 octobre 2020

    1507-1.jpg

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    256 pages, 20,90 €.

     

     

    C’est en puisant, entre autres, dans la Collection de l’Art brut de Lausanne  que la comédienne et artiste peintre Anouk Grinberg a pu rassembler tous ces écrits, dits bruts car écrits par des personnes internées et considérées comme démentes ou délirantes. Des écrits souvent dessinés aussi car un bon nombre d’entre eux font l’objet d’un graphisme très particulier et c’est pourquoi on trouvera aussi dans cet ouvrage des photos de ce qui forme une œuvre brute complète.

     

    Anouk Grinberg a une histoire avec la folie, avec celle de sa mère dont elle a eu peur et même honte : « Je ne l’ai pas aimée, je n’ai pas réussi. J’étais de la famille humaine qui se détourne. ». Ce livre est sa façon de réparer : « Par un grand détour, ce sont ces hommes et ces femmes qui m’ont conduite vers cette mère, cette femme, et si j’ai négligé de son vivant toutes ses lettres affamées, je suis heureuse aujourd’hui d’être passeuse de textes jamais lus ». De cette mère, elle dit : « Ma mère était comme ça. Une petite femme fine, intelligente, mal adaptée à la vie bourgeoise. Elle aurait voulu peindre, et elle a été mère, épouse. (…) Elle n’a pas su dire non à la famille qui faisait une croix sur ses désirs, elle n’a pas su dire oui à la petite voix qui devait lui parler tout bas, et elle est descendue marche après marche dans le malheur, comme dans un refuge où on n’irait plus la chercher. On l’a mise dans des endroits pour fous, le désespoir a prospéré avec sa litanie de délires, alors qu’elle était une lumière sur la terre ». Alors, Anouk Grinberg dédie ce livre « à tous ces lumineux que le monde ne doit pas oublier. » Il ne s’agit pas de faire une anthologie d’écrits de fous mais de montrer plutôt la valeur littéraire de ces écrits, qui « ont inspiré les surréalistes et d’autres auteurs reconnus qui se sont fouillé les méninges pour atteindre leur liberté. »

     

    On ne sera pas surpris donc, de trouver aussi dans ce livre des écrits dit non-bruts, des écrits de poètes, car qui d’autre qu’eux s’approche le plus de cette forme d’indécente liberté ? D’ailleurs deux d’entre eux — et on note par ailleurs ici la curieuse absence d’Artaud — comme Paul Éluard ou Tristan Tzara, ont trouvé refuge durant la guerre, l’un en 1943, l'autre en 1945, à l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban-sur-Limagnole en Lozère où furent internés deux auteurs bruts figurant dans ce livre.

     

    La préface a été rédigée par Jean-Pierre Siméon dans laquelle il nous dit : « Les fous, donc, prétendument les plus dénués d’entre nous (ou faudrait-il dire les plus dénudés ?), ont ce talent inouï, et que l’on ne dira qu’avec prudence involontaire, de s’affranchir absolument des lois de la langue et de nous révéler en conséquence dans la langue même cet absolument impossible de la langue dont rêvent les poètes, mais que leur raison sociale empêche généralement d’assumer jusqu’au bout. »

     

    Et pourquoi moi je dois parler comme toi est donc « un livre sur la vie et la création, non sur la folie. » Si les fautes d’orthographe et la ponctuation n’ont pas été retouchées, certains passages ont cependant été volontairement coupés car trop incompréhensibles. Les auteurs de ces écrits bruts sont nés entre 1827 et 2005, mais plus spécifiquement au XIXe et XXe siècle. On trouvera une photo et une courte biographie pour chacun d’eux, mais une partie sont des textes anonymes, les auteurs n’ayant laissé aucune autre trace de leur passage sur terre.

    « (…) dans nos sociétés riches et prétentieuses, ce trop-plein d’antennes est sévèrement puni. Les sans-fard inspirent la honte et le mépris, alors ils fanent ou enragent, et c’est le début de l’enfer. On les met dans des hôpitaux, on les force à manger des médicaments pour les remettre droit, on leur enlève la parole puisqu’ils parlent mal la langue de papa et maman, on leur enlève leurs droits, parfois leurs noms. » nous dit Anouk Grinberg dans son prologue.

     

    Écrits compulsifs, écrits rageurs, écrits du désespoir et de la privation de liberté, mais aussi tentatives de communication, de tresser une passerelle entre des réalités qui s’entrechoquent. Des êtres humains « enfermés dans un faisceau de malentendus », comme si leur pensée, leur vision étaient erronées alors que, bien souvent, ils ont été surtout broyés par les conditions de leur existence quand ils n’ont pas été tout simplement et violemment mis à l’écart, parce qu’ils gênaient l’ordre et la raison établis ou bien considérés socialement comme définitivement idiots parce qu’incapables de contacter le monde extérieur comme ce fut le cas pour Babouillec, autiste sans paroles, diagnostiquée comme très déficitaire et qui n’a jamais appris à lire, écrire et parler et qui est auteur de plusieurs livres, grâce à sa mère qui l’a sortie des institutions spécialisées et a fini par trouver le moyen de communiquer avec elle, lui permettant ainsi de révéler et diffuser son génie littéraire et ses pensées dont l’acuité et la pertinence sont absolument jubilatoires.

     

    La postface de Sarah Lombardi, directrice de la Collection de l’Art Brut de Lausanne donne un éclairage sur l’origine et l’histoire des écrits issus de cette collection dont certains ont déjà été publiés précédemment et mentionne les personnes, médecins ou autres, qui s’y sont intéressés, non pas d’un point de vue pathologique mais sur le plan du processus créatif.

    Pulsion d’écrire, pulsion de vivre : de crier, défier et même rire et aimer dans le silence carcéral, que ce dernier soit imposé de l’intérieur ou de l’extérieur. Un bon nombre des textes publiés ici donnent envie justement de les lire à haute voix, ils ont quelque chose de théâtral, entre comédie et tragédie, le grand théâtre de la vie. Certains sont des pieds de nez au dogme de la normalité, d’autres sont peut-être bien trop en avance sur leur temps, d’autres encore font mal car ils sont paradoxalement des appels au bon sens de celui qui les lira… Beaucoup sont des blessures ouvertes qui débordent sur le papier et des flux de douleur qui frayent un chemin vers la lumière. La poésie est très souvent au rendez-vous.

     

    « Veuillez dire à ce langage

    Qu’il dise qu’il est là

    C’est une prière

    La vie ne peut pas vivre »

    Constance Schwartzlin-Berberat (1845-1911)

     

    Un ouvrage précieux qui, espérons-le, permettra de porter un autre regard sur ce que la société nomme trop facilement des folles et des fous.

    « Alors que la vie elle-même est démente, qui de nous peut dire où se trouve la folie ? Trop de bon sens, n’est-ce pas aussi de la folie ? (…) Et la folie suprême n’est-elle pas de voir la vie telle qu’elle est et non telle qu’elle devrait être ? » avait écrit Cervantès.

     

    Cathy Garcia Canalès

     

     

    dsc-0613.jpgAnouk Grinberg est née à  Uccle (Belgique), le 20 mars 1963. Fille du dramaturge Michel Vinaver, elle fait ses premiers pas sur les planches dès l'âge de 12 ans dans Remagen mis en scène par Jacques Lasalle. Malgré quelques apparitions au cinéma à partir de 1976, la jeune fille se consacre avant tout au théâtre et commence parallèlement des études d'ethnologie. Après quelques rôles secondaires la comédienne rencontre Bertrand Blier qui la révèle au grand public et dont elle devient la muse. Ils tournent trois films ensemble avant de se séparer : Merci la vie (1991), Un, deux, trois, soleil (1993) et Mon homme (1995). Malgré deux beaux rôles dans Un héros très discret de Jacques Audiard (1995) et Disparus de Gilles Bourdos (1997), Anouk Grinberg espace ses apparitions au cinéma. Elle se consacre au théâtre mais également à la peinture et à l'écriture.