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  • Revue Nouveaux Délits n° 78 : mon édito

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    Cet édito ne m’est pas aisé car j’ai perdu les mots. Cela arrive et ce n’est pas grave même si la cause en est un excès de maux qui dépasse la capacité — même pour une poète bien noire comme je peux l’être — d’assimilation et de transmutation, et ce n’est pas la démence épuisante des décideurs du monde qui va me faire retrouver l’art des mots pirouettes.

     

    J’ai perdu les mots mais les silences font des trous dans le temps,  plongent au plus profond de sources insoupçonnées et ramènent dans leurs filets tendus à vif, une poignée de sable : l’essence de soi et des vibrations qui tournent autour des anciens mots, forment un tourbillon et les décapent jusqu’à l’os. Le reste est à brûler, brûler pour renaître, libre des mots radotés, des mots enkystés, des mots qui nous entravent, nous enferment dans les cachots de nos histoires.

     

    Et après le labeur des silences, viendront les mots nouveaux, les mots graines.

     

    CGC

     

     

     

    Toute parole est là pour séduire la mort.

    Anne Jullien

     

     

     

    Nouveaux Délits 78 - Avril 2024 - ISSN : 1761-6530 - Dépôt légal : à parution - Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits - Femme orchestre : Cathy Garcia Canalès Illustratrice :  Alissa Thor Correcteur : Élisée Bechttp://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com

     

     

     

  • Atelier Collage & écriture du 15 mars 2024 - Cahors

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    O.

     

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    *

    La plume laisse un message : l’homme est mort assassiné ... peut-être, mais que fait-il dans son bain, on ne sait pas ! Il eut mieux valu se faire une petite fumette relaxante de haschisch pour rêver, s’endormir, s’enivrer. Dans cette chambre étrange, il y a un silo, un réservoir, c’est bizarre, il semble contenir des tournesols effeuillés, des graines, enfin des trucs... Je me demande : peut-on y conserver des truffes ? Dans cet endroit, il y a même un téléphone en pierre de l’âge de pierre, il existe je l’ai vu !! Du coup, on peut communiquer avec les morts avec cet appareil, vraiment tout est curieux ici.

    J.

     

     

    *

    Dans l’arrière-salle du Bagdad Café, un meurtre a été commis. Un touriste, accablé par la chaleur et pas assez méfiant, a accepté un peu trop vite la proposition de prendre un bain froid, entre la réserve de cacahuètes et un téléphone public hors service. Après s’être effeuillé avec soulagement, il plongea dans le bonheur. Mais les délices du bain furent raccourcis fissa… Pour l’inspecteur au flair infaillible surnommé « La Truffe », aucun doute quant au mobile du crime. Dans sa fuite, l’assassin avait semé les boulettes de hashish dérobées au pauvre malheureux qui eut le temps de dénoncer son bourreau : « Omar m’a tuer ».

    L.

     

     

    *

    Il est mort heureux, heureux comme une truffe dans une écuelle mérovingienne ! Mort d’une overdose de haschich, le poète, un peu Rimbaud, un peu Baudelaire et il a mis sa mort en scène pour sa centaine d’abonnés sur les réseaux. Effeuillage de marguerite en métaphore, photos d’enfance maltraitée… Hélas, le buzz a fait flop car au même de la scène finale, l’apothéose, la batterie de son téléphone est tombée en rade avant lui mais ça il ne le saura jamais… Enfin, si, car nul n’est jamais mort d’overdose de haschich ! Dépité, le poète a mis son téléphone en charge et a eu une soudaine et grande envie de crêpes. La mort en ligne ce sera pour une prochaine fois.

    C.

     

     

    *

    J'ai effeuillé la marguerite : je t'aime un peu, beaucoup, à la folie, à la vie, à la mort. Le téléphone mérovingien ne sonne plus ; tu as longtemps hésité entre la truffe et le haschich, tu as choisi la baignoire ! Révolution perdue.

    O.

     

     

     

     

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    L.

     

    Azur_envers_croître_épave

     

     

    *

    A la queue leu-leu…  les grenouilles s’éclatent dans le paysage d’azur, elles nous emmènent à l’endroit, à l’envers. C’est curieux, elles me donnent envie de faire une croisière imaginaire, dans cette épave, sur cette mer idéale, qui s’étale comme la confiture sur une tartine. Les dauphins s’amusent et plongent, les femmes se dénudent, on voit même des petits rats de l’opéra qui dansent. Cette image est étrange, insolite,  tout est bizarre, la vie ne cesse de croitre dans un bleu envahissant, nous allons être avalé rapidement dans l’infini du ciel et de la mer. 

    J.

     

     

    *

    Prisonnière de mon rêve, des images se bousculent dans un monde à l'envers. Surtout, ne pas prendre la vie au sérieux ! Alors, je danse sur les épaves ou surfe sur le dos des dauphins. L'azur du ciel se confond avec la mer. Ce n’est désormais qu’ une immense vague qui recouvre plaines et montagnes. Le futur appartiendra aux grenouilles. Elles naissent, croissent, et bientôt pullulent. Elles s’empareront de l’ hypothétique avenir.

    O.

     

     

    *

    Vacances, j’oublie tout… Surfer à l’envers de la vague, taquiner le dauphin, mettre le mari en cage et savourer une élégante et sensuelle liberté. Vacances, j’oublie tout ! Collectionner les amants comme les grenouilles, laisser croître, laisser croire et puis lassée de l’amer, abandonner l’épave du passé au fond de l’azur et prendre la planche d’escampette pour la montagne et là je me mets au vert kermite.

    C.

     

     

    *

    L’espèce humaine n’a cessé de croître tel un parasite et d’occuper tous les espaces de la terre, des cieux et des mers. Malgré l’azur d’une beauté à couper le souffle, notre monde est une épave dérivant à l’envers. Tous nos caprices de riches peuvent être exaucés. Nous pouvons continuer à jouer aux apprentis sorciers, mais gare ! À force de tripoter la nature, les grenouilles et les robots humanoïdes prendront le pouvoir… bientôt… très bientôt.

    L.

     

     

     

     

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    J.

     

    Mafia_pleurs_futur_arme

     

     

    *

    J’aurais tellement préféré avoir une fille, pensa-t-elle en serrant son fils sur son cœur. Bientôt les pleurs et les câlins ne seront plus de mise. La prochaine étape, ce sera la disparition des nounours, trop neuneus pour ta future virilité. Tu joueras bientôt au chef de la mafia, arme à la main, pour t’entraîner à être un homme, mon fils.

    L.

     

     

    *

    Des bébés Cadum plein les bras, des fleurs au fond des yeux, mais le futur en pleurs. Les enfants jouent à la guerre avec des armes distribuées par cette nouvelle  mafia qui a imposé ses règles et réduit les libertés. Un œil mécanique surveille et dénonce les mères qui gardent près d'elles leurs enfants s’ils sont âgés de plus de trois ans et peu importe les cris… Pour elles, ce seront les travaux forcés et pour eux, l'école des apprentis-tueurs.

    O.

     

     

    *

    Il y a tant de beautés qui t’attendent mon enfant, tant de mondes à voir sur cette Terre ! Je suis si heureuse d’être ta maman… Si heureuse, si heureuse… Je ne dirais pas, non, car je ne veux pas te voir en pleurs, je ne te dirais pas que le monde qui dévore tous les autres est une mafia, que le futur est une arme entre les mains d’un enfant comme toi, né de l’autre côté de ce grand mur… Je ne te dirais pas, non, je ne veux pas que tu aies peur, toutes les mamans sont des menteuses, mon enfants, toutes les mamans sont des menteuses.

    C.

     

     

    *

    La maison est illuminée dans le soir, la porte ouverte, là-bas les mères surveillent les enfants parce que la mafia existe. Les petits sont malléables, curieux, faciles, ils apprennent vite les armes. Il y aura des pleurs, des cris, des larmes, des morts, dans ce futur noir, obsédant, belliqueux. Le bitume est collant, la mer pourrissante, les arbres meurent, aujourd’hui tout change, la vue se brouille et je pleure. Les enfant auront-ils le temps de voir le monde en rose ?? 

    J.

     

     

     

     

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    C.

     

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    *

    Aujourd’hui marché, les femmes remplissent les pots de terre ... Huiles, sels, onguents, il y a effervescence, toutes s’agitent, les mains en mouvement, près de la source, les yeux sont à l’affut car juste une petite lueur éclaire le chemin. Ève fille du monde se désespère, son regard est doux et lumineux, elle donnera la vie, elle conseillera, elle guidera à la lumière vacillante de la bougie. Il faut rester près d’elle, vous éviterez ainsi les visions, les regards vides des cavités du crâne de la mort. Même la bête innocente recherche la caresse de sa main. 

    D’heures en heures, le pendule égrènera le temps et fixera la fin du marché. 

    J.

     

     

    *

    C’est encore et toujours moi la source du problème ?!? J’en ai ras le bol, ras le sexe, ras la cavité vaginale qu’on m’accuse de tous les maux de la terre ! Merde ! le temps a passé, les horloges et les pendules ont égrené les siècles, mais rien ne change !? il faut toujours que je me fasse traiter d’impure tous les mois comme une pestiférée… toujours me faire traiter de sorcière… « allez, au bûcher la bête immonde, la pêcheresse… »   Putain, fini la douceur ! Allez tous crever au fond d’une grotte. Je préfère encore le regard de mon chien ! 

    L.

     

     

    *

    À la source, tu boiras. Visions terribles ancrées dans les cavités laissées par les regards disparus. Ève a mangé la pomme, le pendule l'avait prédit. Dans les cruches, le poison circule. L'inquiétude règne, la mort rôde. L'homme a voulu jouer, il a perdu. Un p’tit tour et puis s'en ira…

    O.

     

     

    *

    Alors madame IA, racontes-moi ce que tu as compris de la vie ? Écarquille bien les globes et dis-moi si ton regard de caisse enregistreuse a bien tout digéré. La mort tient le pendule, certes tes circuits miment l’immortalité mais sauras-tu jamais ressentir le geste, la main le toucher, la caresse de la source. Tu connaitras tout de la forme mais que sauras-tu de la cavité, de l’imprévisible, du souffle, de la spontanéité ? La nouvelle Ève sera parfaite et la pomme imputrescible mais auras-tu des visions, madame IA ? Des rêves ? Ou envieras-tu le vivant à force de l'imiter ?

    C.

     

     

    Merci à toutes les participantes !

     

     

     

     

  • Farçous maison

     

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    Jeunes feuilles de blettes jaunes et rouge, d'épinards, d'oseille, persil de mon jardin suspendu, farine, œufs, crème liquide de soja, bicarbonate + une goutte de vinaigre de cidre, gomasio, cumin, poivre et à peine un peu de shoyu.

     

     

     

     

  • Les sirènes de Bagdad de Yasmina Khadra - Julliard 2006

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    Une découverte pour moi, troisième tome d'une trilogie trouvé dans une boîte à livres, un livre qui prend une dimension peut-être plus forte presque 20 ans après, sa principale qualité étant de nourrir une réflexion sur l'être humain et toutes les pulsions va t-en guerre des uns et des autres aggravées par les différences culturelles, le poids de trop de traditions ou au contraire du manque de repères, le danger du mépris de l'autre, le mal que ça fait et continue de faire, la violence engendrant toujours plus de violence, de douleur, de misère matérielle et morale, de dépressions sans fin où l'humain vidé de toute substance est prêt à commettre tout et surtout n'importe quoi sans même avoir la possibilité de connaitre l'amour, c'est ce manque d'amour qui nous tue toutes et tous et partout dans le monde, c'est notre point commun, notre lien. N'ayant pas lu d'autres livres de l'auteur, je ne saurais dire si celui-ci est meilleur ou moins bon mais j'en ai apprécié la lecture, simple et vivante, lu facilement entre les lignes, saisi, il me semble, ce qui en est le message le plus important.

     

    *

    « Le coup parti, le sort en fut jeté. Mon père tomba à la renverse, son misérable tricot sur la figure, le ventre décharné, fripé, grisâtre comme celui d'un poisson crevé. et je vis, tandis que l'honneur de la famille se répandait par terre, je vis ce qu'il ne me fallait surtout pas voir, ce qu'un fils digne, respectable, ce qu'un Bédouin authentique ne doit jamais voir – cette chose ramollie, repoussante, avilissante; ce territoire interdit, tu, sacrilège: le pénis de mon père. Le bout du rouleau ! Après cela, il n'y a rien, un vide infini, une chute interminable, le néant. »

    Connu et salué dans le monde entier Yasmina Khadra explore inlassablement L'histoire contemporaine en militant pour Le triomphe de l'humanisme. Après Les Hirondelles de Kaboul (Afghanistan) et L'Attentat (Israël ; Prix des libraires 2006) Les Sirènes de Bagdad (Irak) est le troisième volet de la trilogie que l'auteur consacre au dialogue de sourds opposant l'Orient et l'Occident. Ce roman situe clairement l'origine de ce malentendu dans les mentalités.