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Je n’en dirai guère plus – Jean-Michel Bongiraud – Ed. de l’Atlantique 2012

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- Édition à tirage limité et numéroté - 45 pages – 14 €

 

Il est pas mal question du doute dans ce recueil, mais en le refermant, c’est du titre que l’on doute. Difficile en effet de croire que Jean-Michel Bongiraud n’en dira guère plus, et on ne le souhaite pas en tout cas, car lire ce livre, c’est comme passer un moment en tête à tête avec un ami. Il ne s’agit pas ici juste d’une formule, mais d’un ressenti bien réel. L’auteur est comme assis en face de nous, le livre devient une table à laquelle on s’accoude, on partage un verre, voire plusieurs, et Jean-Michel Bongiraud nous ouvre son cœur, sans prétention, sans flonflons, sans faux semblants. Une telle simplicité est rare, une telle sincérité aussi. Elle mettra ceux qui sont prompts à juger sans doute mal à l’aise. Il y a quelque chose d’inconvenant, pour ceux qui ne jouent pas cœur sur table, à se livrer ainsi. C’est donc un livre qui fait du bien, qui remet les choses à leur place, la poésie dans la vie, l’homme au cœur de sa vie d‘homme, ni plus, ni moins et les mots tissent des ponts, car au centre de ce livre, il y a un irrépressible désir de partage.

 

Résoudre par les mots de tous les jours

 

l’équation de la vie

 

mesurer la distance

 

entre son ombre

 

et la main qui s’ouvre

 

montrer la lucidité

 

du poème

 

au regard qui le croise

 

 

Mais entre le désir et sa réalisation, le réel peut devenir un obstacle qui ne cesse de nous interroger.

 

Depuis quand les hommes

 

sont devenus si durs

 

et pourquoi leur langue

 

est-elle brutale et acerbe

 

Et c’est cela que Jean-Michel Bongiraud partage ici avec nous, les questionnements, les doutes, les élans et les dépits d’un homme parmi les hommes, et chacun de nous lecteur, devient l’ami auquel il offre sans retenue toute sa confiance.

 

pour vivre entre nous

 

que faudrait-il

 

un rire un ronronnement

 

une peau contre une peau

 

ou un tassement de vertèbres

 

au niveau du cerveau

 

 

L’auteur pour qui, on le sent, des mots comme humanisme et fraternité ont gardé toute leur puissance, n’a cure d’être considéré comme naïf, mais donne au contraire tout sa véritable signification à ce mot. Naïf, c'est-à-dire naturel, sans fard, sans apprêt, sans artifice.

 

 

ce monde est clair est simple

 

tel je vous le dis

 

il a ses qualités

 

et même celles que j’ignore

 

car tout n’a pas été dévoilé

 

et il est bien vivant et serein

 

et vous pouvez le voir

 

c’est un monde d’étonnement

 

 

Témoin de la beauté, il sait aussi la transmettre.

 

 

Les oiseaux sont des êtres

 

bien innocents et agréables

 

(…)

 

à part froisser l’air

 

ils ne font aucun mal

 

 

Et cette naïveté si on peut dire, n’est possible que parce que l’auteur est doté aussi d’une grande lucidité.

 

 

Un grain bouleverse la vie

 

on ne sait jamais

 

la raison de sa venue

 

 

(…)

 

 

On veut toujours savoir

 

si ce que l’on fait est juste ou non

 

suis-je élégant ai-je une belle bouche

 

pourquoi celui-ci ne dit pas bonjour

 

(…)

 

et je me demande

 

ce que cherche à dire ce poème

 

 

Il n’a pas peur de se voir tel qu’il est. L’écriture ici n’est pas un faire-valoir, mais un miroir qui ne ment pas.

 

 

J’aimerais apparaître

 

tel que je ne suis pas

 

un peu plus grand moins gros

 

plus cultivé plus spontané

 

mais je l’ai déjà dit

 

écris à longueur de page

 

(…)

 

d’ailleurs de quelle consolation

 

ai-je vraiment besoin

 

de changer de forme

 

ou de cesser la répétition

 

 

Jean-Michel Bongiraud n’est dupe ni de la vanité de notre condition, ni de la profondeur de notre ignorance, ni de notre petitesse face aux forces de l’univers, mais cela ne l’empêche pas d’aimer. Aimer la nature, aimer les oiseaux, aimer l’autre, égaré peut-être, mais vivant comme lui dans ce monde, où la beauté et l’horreur se partage la mise.

 

Nous chantons fort

 

et sans bien suivre la partition

 

nul ne l’a vraiment apprise

 

les plus purs la récitent

 

nuit et jour avec opiniâtreté

 

les autres avec nonchalance

 

mais ce n’est pas très cruel

 

comme jeu juste subtil

 

les vaches y arrivent et les girafes

 

je ne sais pas si les cafards le font

 

mais d’instinct chacun en est capable

 

au fond pour vivre

 

il suffit de suivre le troupeau

 

 

 

 

 

J’aime le murmure du vent

 

et la parade des oiseaux amoureux

 

les poules qui ponctuent leur pondaison

 

par un incessant caquètement

 

c’est la nature dans sa simplicité

 

comme un vin qui remplit le verre

 

il faut tout oublier pour le déguster

 

les voisins les enfants les supérieurs

 

dans le gosier tombe la poule

 

les oiseaux et les brins d’herbe

 

surtout il ne faut rien recracher

 

 

Il s’interroge sur ce qui le pousse encore et encore à user de mots pour se faire entendre.

 

 

Je pourrais rester tranquille

 

écouter cette même poule pleine d’orgueil

 

envahir le silence de cette après-midi paisible

 

elle non plus ne sait pas

 

ce qui la pousse à chanter

 

suis-je aussi orgueilleux qu’elle

 

à vouloir que tout le monde m’entende

 

mais elle a cessé son vacarme

 

je peux recommencer le mien.

 

Sans aucun doute, la réponse est dans ce livre. Rien n’a de sens ici-bas sans l’échange et la communication véritable, celle du cœur. En ces temps où les mots sont tellement galvaudés, vidés de leur sens, la poésie demeure une parole vraie qui peut permettre de nouer avec autrui une relation touchant directement à l’essentiel. En toute simplicité.

 

Cathy Garcia

 

 

Jean-Michel%20BONGIRAUD%2001.jpgJean-Michel Bongiraud, est né en 1955 à Saint-Mard (Aisne). Il est l'auteur de plusieurs recueils de poésie ainsi que d'un essai, L'Empreinte humaine, ouvrage publié par les Éditions Editinter. Il a également fait paraître la revue Parterre Verbal entre 1992 et fin 2001 et depuis 2008, il anime la revue Pages Insulaires : http://parterreverbal.unblog.fr/ Il a écrit des articles pour différentes revues ou journaux, dont Le Monde Libertaire, Alternatives Libertaires...

 

Bibliographie :

Éditions Editinter : Fermentations poétiques ; Apesanteur fiscale ; le livre des silences ; Du bout de mes orteils ; Un livre pour la pluie ; L'herbe passagère ; Arpège précédé de Une quinte sous nos doigts ; L'Empreinte humaine

Éditions Encres Vives : A la fin du cri ; Les fruits de l'alphabet ; Mouvements ; Mains

Éditions Gros textes : Les mots de la maison ;  Pages Insulaires ; Pour retendre l'arc de l'univers

Éditions L'Épi de seigle : Les mots du manœuvre ; La noisette

Autres éditeurs : Mots d'atelier, Edition le dé bleu ; Le cou de la girafe, Éditions l'Amourier ; L'ombre de la bêche, Éditions Alain Benoït ; Abeilles, Éditions des Vanneaux ; Sang et broussailles, Éditions Rafaêl de Surtis ; L'herbe et le néant (1994 première édition), Éditions En Forêt (Allemagne) ; Je n’en dirai guère plus, Éditions de l’Atlantique.

 

Note parue sur :

 

 

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