La femme en vol d'Ile Eniger
Collection main de femme, éditions Parole 2012.
250 pages, 12 €
La femme en vol, c’est l’histoire d’une femme et son intimité amoureuse, familiale, racontée à la troisième personne du singulier. Une histoire qui se révèle par petites touches, comme une peinture. Et justement, cette femme, c’est Fane et Fane aime Jean, Jean qui aime Fane. Mais voilà, Jean aime aussi la solitude et la peinture, et Fane va peu à peu apprendre le prix de cet amour qui est à la hauteur de ses exigences. Aimer Jean, c’est l’accepter tout entier, parce-que la solitude et la peinture l’emporteront sur son amour de femme, exigeant, exclusif, immense. Ce que Jean et Fane partagent et ne cesseront de partager, le ciment ou plutôt les ailes de leur amour, c’est une soif éperdue d’authenticité et de liberté.
« Bien sûr qu’elle avait eu envie de baisser les bras, de rentrer dans ces rangs bien droits, bien rassurants, bien sagement préparés pour toi dès que tu montre ta tête. Bien sûr que la facilité avait été tentante, la banalité attestée est tellement plus confortable que le contre-courant ! On t’aime quand tu commences à ressembler à tout le monde ! Tu oublies qui tu es, pour quoi tu es, et ceux qui pensent à ta place se font un plaisir d’organiser tes limites. On te coule dans le moule sans qu’un poil ne dépasse, tu es reconnu ! »
Fane, sa liberté, elle la trouvera dans l’écriture, mais elle est femme et donc capable d’aimer plusieurs choses en même temps, se donner à toutes avec la même force, le même bonheur. Les hommes ne savent pas aimer comme les femmes. Ils aiment autrement, certains ne savent pas du tout aimer, mais Jean lui, il aime Fane et de cet amour est née une Belle Cerise, qui grandira en même temps que ses parents dans un mas retapé de l’arrière-pays niçois. Ce nid d’amour que Fane quittera un jour parce qu’elle doit le faire, parce qu’elle est une femme en vol.
Ce livre est bon comme un pain qui sort du four, beau comme un jardin sauvage, doux comme la fourrure d’un chat et puissant comme le mistral. C’est un roman d’amour qui va au-delà de l’amour, dans ce qui le sublime et le transcende. Ainsi l’amour ne peut mourir, seuls les masques et les oripeaux brûlent, mais quelque chose demeure, le noyau même de l’amour, qui est fait de poésie pure, mystique parfois, une quête éperdue de beauté, d’intensité. Fane n’est pas une femme de compromis, elle s’affirme dans ce qu’elle est, ce qu’elle pense, envers et contre toute attente sociale, elle est libre et seul un amour comme celui de Jean peut la rendre plus libre encore.
« – Tu comprends, à choisir un code je n’en vois qu’un : l’amour. Je me fiche que cela paraisse désuet, ou décrété impossible par une tonne de crétins. Il y a une perfection quelque part, je la cherche. Je ne vis pas à contre-courant j’essaie d’aller dans mon courant. »
Ce qui peut sembler aux yeux d’autrui comme une dépendance, l’impossibilité de tourner une page, est en fait une plongée dans la source même de l’amour. Un amour inconditionnel où le don devient une immense richesse, et que peut-on donner de plus grand que l’acceptation de la liberté de l’autre. C’est véritablement l’envol au–dessus des contingences, celle qui nous sont imposées par les règles sociales, mais aussi par nous-mêmes. La femme en vol est un bonbon qui fond sous la langue, un bonbon à la menthe poivrée, rafraichissant, vivifiant. On se régale à le lire, il contient tout un tas de trésors. La simplicité y devient un art de vivre et on touche à l’absolu, quelque chose qui ne se dit pas, mais qui s’éprouve, qui met tous les sens en éveil. C’est de la haute-voltige et heureux soient celles et ceux qui en saisiront toute la profondeur.
Cathy Garcia
Ile Eniger est née en 1947. Poète et romancière, elle vit dans un petit village de l’arrière-pays niçois. Son œuvre, importante, répond à l’urgence d’écrire, impérative et vitale comme celle de la respiration. Une ile à aborder : http://insula.over-blog.net
Bibliographie :
Empreintes (épuisé) Éditions Corporandy
Regards vers ailleurs (épuisé) Éditions Alternatives et Culture
Éditions Cosmophonies
La parole gelée
Les terres rouges
Une pile de livres sous un réverbère
Du feu dans les herbes
Celle qui passe
Éditions Chemins de Plume
Du côté de l’envers (Illustrations Émile Bellet)
Il n’y aura pas d’hiver sans tango, mon amour
Le bleu des ronces
Bleu miel
Terres de vendanges
Et ce fut le jardin - (Photos Dominique Cuneo)
Poivre bleu
Un violon sur la mer
Boomerang
Le raisin des ours (à paraître juin 2013 aux Éditions Chemins de Plume)
Éditions Collodion
L’Inconfiance – (Dessin Claire Cuenot)
Un coquelicot dans le poulailler
Éditions Le Libre Feuille
Le désir ou l’italique du jour – (Encres Michel Boucaut)
Une ortie blanche - (Gravures Michel Boucaut) – Prix du Livre d'Artiste Salon d'Automne Paris 2012
D'une île, l'autre – (Correspondances avec le chanteur auteur-compositeur Dominique Ottavi) Éditions Amapola
En préparation : Recueil de textes poétiques à 2 voix avec l'écrivain québécois Jean-Marc La Frenière – Parution au Canada en 2014