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Marc Ferrez - Entrada da barra do Rio de Janeiro vista de fora - 1875

marc ferrez 1875, entrada da barra do rio de janeiro vista de fora.jpg

 

 

Et encore une fois, le Brésil...

 

Aéroport de Sao Paulo sous la pluie, escale avant Rio, et l'avion redécolle. Musique latino sur les oreilles. Je ne sais pas encore que je suis au Brésil. Manque de sommeil, angoisse, je suis presque maussade. Appréhension. Non, je n'ai vraiment pas encore réalisé que ce que je vois là en bas, à travers le hublot, c'est le Brésil ! Pour la quatrième fois !

 

Chaud le Brésil, une chaleur qui dilate le cœur, qui enfièvre les regards, une chaleur lourde et lascive qui ruisselle entre les cuisses. Bouffées douces de maconha, frisson vert acidulé des caïpirinhas, déloyales et délicieuses. Chaud et le temps s'étire, tout en longueur, en langueurs moites et palpables, traversées de violents éclairs qui déchirent l'atmosphère toute imprégnée de sensualité. Le cœur est à l'orage.

 

Chaud et pourtant demeure le qui-vive, l'urgence, le vacarme des rues, le grondement des moteurs, les cris, les sifflements, le crissement des pneus sur l'asphalte. Au coin d’une rue, sur le trottoir, des fleurs, des bougies dont la cire a coulé, des fruits, rituels macumba. Les postes de radio égrainent leur musique, rythmes salsa qui font danser des oreilles aux orteils. Poussière humide, friture et jasmin, étalages bariolés de fruits charnus et sucrés. Le son des voix se confond avec le reste, séduction de la langue, musique de vie !

 

La magie suinte de la terre et des murs fendillés, magie blanche, magie noire, magie du sang mêlé. Mulato, caboclo, cafuzo… Petits chats sauvages, rapazes, pivetes, enfants des favelas. La vie est à ce point tordue qu’on va jusqu’à donner aux bidons-villes un nom de fleur sauvage. La favela est une fleur qui poussait sur les mornes… Y fleurit-elle encore entre les entassements d’ordures, de tôles et les coulées de boue ? Favela da Rocinha, Morro da Babilônia... Multitude d'enfants aux corps têtus et fragiles. Leurs peaux crasseuses gorgées de soleil. Leur regard fier et farouche, brûlant de hardiesse, de curiosité. Ces enfants me fascinent et la violence de leur enfer encore une fois me révolte.

 

(...)

 

Chaud… et la chaleur boit à même les corps, en extrait les plus intimes parfums pour les répandre ensuite, huiles saintes sur la terre. Terre de feu, de sang, qui rend fou, vivant, obscène et entier, tellement la mort est omniprésente ! Une terre où les sans-terres luttent sans arme, une terre où l’enfant sans père, ni mère, voudrait bien pouvoir laisser couler des larmes. Trop grandes richesses côtoient trop grande détresse.

 

 

Terre de bois rouge, ma terre-aimant ! C'est encore toi que je vois à travers le hublot, mais c'est déjà le retour et comme à chaque fois, je n'ai pu que vivre, vivre vite et beaucoup, même trop parfois. Et maintenant en escale à Sao Paulo, sans quitter l'avion, je pense à quoi ? Je sais que je reviendrai un jour, dans six mois, dans un an, je n'en sais rien et cela n'a aucune importance.

 

 

cg, janvier 1999, Brésil

in Calepins voyageurs et après ?

 

 

 

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