Ingrid Tempel
Si la mémoire de ses dents affilées se met à ronger la forte porte de ta cachette et qu'au fond de ta tanière tu clames et te lamentes cela veut dire qu'aucune des barrières que tu as dressées ne fut capable d'arrêter l'implacable spectre du vécu. Maintenant que tu cours à côté de la mer pour recouvrer tes silences et que dans les arômes familiers tu retrouves l'amour et la haine regarde-toi dans les chrysalides fanées de tous tes échecs reconnais que malgré tes voyages tu n'as jamais quitté le passé et purifie ton esprit de la rancœur pour que le présent soit ton unique patrie. Elle s'est tue pour toujours mais sa voix chantante ou furieuse continue de te traquer tandis que la fugacité de la matière tourmente tes petits matins insomniaques. Un arbre est tombé. Une voix s'est éteinte. Un nouveau fantôme est né qui dialoguera avec moi dans l'exil fracassant de mes nuits.
inédit, Montevideo, 3 mars 2000, traduit de l'espagnol par Pierre de Place