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Guillevic - Les charniers

 

Passez entre les fleurs et regardez :
Au bout du pré c’est le charnier.
 
Pas plus de cent, mais bien en tas,
Ventre d’insecte un peu géant

Avec des pieds à travers tout.
 
Le sexe est dit par les souliers,
Les regards ont coulé sans doute.
 
— Eux aussi
Préféraient des fleurs.
 
            *
 
À l’un des bords du charnier,
Légèrement en l’air et hardie,

 
Une jambe — de femme
Bien sûr —
 
Une jambe jeune
Avec un bas noir
 
Et une cuisse,
Une vraie,
 
Jeune — et rien,
Rien.

 
            *
 
Le linge n’est pas
Ce qui pourrit le plus vite.
 
On en voit par là,
Durci de matières.
 
Il donne apparence
De chairs à cacher qui tiendraient encore.
 
            *

 
Combien ont su pourquoi,
Combien sont morts sachant,
Combien n’ont pas su quoi ?
 
Ceux qui auront pleuré,
Leurs yeux sont tout pareils,
 
C’est des trous dans des os
Ou c’est du plomb qui fond.
 
            *

 
Ils ont dit oui
À la pourriture.
 
Ils ont accepté,
Ils nous ont quittés.
 
Nous n’avons rien à voir
Avec leur pourriture.
 
            *
 
On va, autant qu’on peut,

Les séparer,
 
Mettre chacun d’eux
Dans un trou à lui,
 
Parce qu’ensemble
Ils font trop de silence contre le bruit.
 
            *
 
Si ce n’était pas impossible,
Absolument,

 
On dirait une femme
Comblée par l’amour
Et qui va dormir.
 
            *
 
Quand la bouche est ouverte
Ou bien ce qui en reste,
 
C’est qu’ils ont dû chanter,
Qu’ils ont crié victoire,

 
Ou c’est le maxillaire
Qui leur tombait de peur.
 
— Peut-être par hasard
Et la terre est entrée.
 
            *
 
Il y a des endroits où l’on ne sait plus
Si c’est la terre glaise ou si c’est la chair.
 
Et l’on est peureux que la terre, partout,

Soit pareille et colle.
 
            *
 
Encore s’ils devenaient aussitôt
Des squelettes,
 
Aussi nets et durs
Que de vrais squelettes
 
Et pas cette masse
Avec la boue.

 
            *
 
Lequel de nous voudrait
Se coucher parmi eux
 
Une heure, une heure ou deux,
Simplement pour l’hommage.
 
            *
 
Où est la plaie
Qui fait réponse ?

 
Où est la plaie
Des corps vivants ?
 
Où est la plaie.
Pour qu’on la voie,
 
Qu’on la guérisse.
 
            *
 
Ici
Ne repose pas,

 
Ici ou là, jamais
Ne reposera
 
Ce qui reste,
Ce qui restera
De ces corps-là.

 

 

 

 

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