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RÉSONNANCE & COPINAGES

  • Marie Denizard et le délire chronique de revendications politico-sociales

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    Marie Denizard, née le 3 avril 1872 à Pontru et morte le 21 mai 1959 à Leyme dans le Lot, est une militante féministe française. Elle est la première Française à s'être déclarée candidate à une élection présidentielle, à l'occasion du scrutin du 17 janvier 1913. Placée sous surveillance policière, elle est par la suite internée pendant 32 ans, jusqu'à sa mort, en hôpital psychiatrique pour « délire chronique de revendications politico-sociales ».

     

    Elle ne sort de l'ombre qu'en 2024 ! Avec une conférence dans le Lot :

    https://www.institut-camille-miret.fr/conference-sur-marie-denizard-le-destin-tragique-dune-feministe-avant-lheure/

     

    et une biographie éditée par le Musée du Vermandois :

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    88 pages, illustrations couleur, 10 euros. Préface de Sylvie Denizard, arrière petite nièce de Marie.

    https://www.museeduvermandois.com/2024/09/marie-denizard-feministe-de-la-picardie-a-la-presidence-de-la-republique.html

     

    "Née à Pontru en 1872 dans le département de l’Aisne, Marie Denizard est la première femme à se présenter à une élection présidentielle en France. C’était en 1913 ! Féministe, elle avait préalablement candidaté dans la Somme à diverses élections en 1910, écrit des livres d’histoire et collaboré au Chambard, un journal amiénois socialiste. Elle fonde également Le Cri des femmes en 1914, un journal éphémère. Dans un monde dominé par les hommes et dans lequel les femmes restent des citoyennes de seconde zone, sans droit de vote et réduites à l’état de mineures à vie depuis le Code Napoléon de 1804, il n’est pas simple d’intervenir sur la scène politique et de défendre ses idées en tant que femme… À rebours des attendus de genre de son époque, femme modeste et lettrée, célibataire sans enfant, engagée dans la vie sociale, rejetée et incomprise après avoir ardemment défendu les droits des femmes, Marie passera plus de trois décennies dans un asile d’aliénés, où elle terminera tristement sa vie…"

     

     

  • Lucile Peytavin - Le coût de la virilité

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    Paru le 5 mars 2021 

    Anne Carrière éd.

     

     

    "En France, les hommes sont responsables de l’écrasante majorité des comportements asociaux : ils représentent 84 % des auteurs d’accidents de la route mortels, 92 % des élèves sanctionnés pour des actes relevant d’atteinte aux biens et aux personnes au collège, 90% des personnes condamnées par la justice, 86 % des mis en cause pour meurtre, 97 % des auteurs de violences sexuelles, etc.
    La liste semble inépuisable. Elle a surtout un coût. Un coût direct pour l’État, qui dépense chaque année des milliards d’euros en services de police, judiciaires, médicaux et éducatifs pour y faire face. Et un coût indirect pour la société, qui doit répondre aux souffrances physiques et psychologiques des victimes, et subit des pertes de productivité et des destructions de biens. Pourtant, cette réalité est presque toujours passée sous silence.
    Lucile Peytavin, historienne et membre du Laboratoire de l’égalité, s’interroge sur les raisons de cette surreprésentation des hommes comme principaux auteurs des violences et des comportements à risque, et tente d’estimer le coût financier de l’ensemble de ces préjudices pour l’État et donc pour chaque citoyen.ne. Quel est le coût, en France, en 2020, des conséquences de la virilité érigée en idéologie culturelle dominante ? L’autrice nous pose la question : n’aurions-nous pas tous intérêts à nous comporter… comme les femmes ?!"

     

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  • Ovidie - La chair est triste hélas

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    Éditions Points, 2024.

    "La chair est triste hélas", avait inauguré la collection "Fauteuse de trouble"

    de l'éditrice Vanessa Springora chez Julliard en 2023 

     

    « Ovidie livre un texte électrisant, intime et corrosif, dans lequel elle raconte la trajectoire qui l’a amenée à s’extraire de la sexualité hétérosexuelle. »

    Causette

     

    "Ce livre est la confession intime d’une femme qui a décidé de ne plus avoir de relations sexuelles. Au fil des pages, écrites dans un souffle, et dont chaque ligne porte le poids d’une colère longtemps contenue, elle raconte ce jour où elle n’a plus été capable de partager son lit avec qui que ce soit. Entre lassitude face à la répétition des mêmes scénarios érotiques et refus général de céder aux injonctions faites aux femmes, la narratrice s’octroie alors le droit de se tenir désormais éloignée de la sexualité. Une étape qui l’amène à revisiter certaines anecdotes marquantes de son existence, bouleversant le regard qu’elle porte aujourd’hui sur son parcours de femme, mais aussi sur les relations sociales formatées par une culture hétérocentrée. Un texte sans concession, toujours sincère et poignant, qui n’épargne ni les hommes ni les femmes, ni l’autrice elle-même, et ne laisse personne indifférent."

    Autrice, réalisatrice et documentariste, Ovidie, de son vrai nom Eloïse Delsart, est spécialiste de l’intime et du rapport au corps. Elle retrace ici la trajectoire qui l'a conduite à quatre années de grève du sexe. Elle a notamment réalisé Là où les putains n’existent pas (2018), Tu enfanteras dans la douleur (2019), la série Libres sur Arte, adaptée de sa BD éponyme publiée avec Diglee, et a remporté un Emmy Award pour sa série Des gens bien ordinaires (2022).

     

    *

     

    Manifeste uppercut, sincère, intime, courageux, subjectif et honnêtement assumé comme tel, qui n'engage que l'autrice dans cette recherche d'une plus authentique et heureuse version d’elle-même et qui peut engager toutes celles qui s'y reconnaitront et c'est là que le défi est lancé : je parie qu'elles sont et seront très nombreuses pour peu qu'elles se soient vraiment questionnées au-delà de ce qui est communément admis. Questionnement, il me semble, essentiel pour sortir la relation hétérosexuelle de l'impasse patriarcale, développer d'autres formes plus épanouissantes de relations entre les hommes et les femmes. Pour ma part, j'ai été stupéfaite de l'effet miroir à cette lecture, ce constat auquel je suis arrivée moi-même, par phases : rapidement et très jeune pour ce qui est du diktat du paraître « baisable », mais beaucoup, beaucoup plus lentement sur comment je suis passée à côté de moi-même. Exactement comme Ovidie, c'est grâce à ce que m'a apporté et m'apporte encore l'expérience dont il est question ici. Plus qu'expérience, c'est une nécessité, une sorte de longue convalescence et pour en être sortie un moment, je n'ai pu que constater et cette fois enfin de façon hyperlucide, la triste impasse et l'impossibilité pour moi de vivre ce mode de relation, tout comme Ovidie, avec les mêmes interrogations et pas de côté. Même si j'ai moins la rage, qui pour moi fait encore partie de l'aliénation à ce que je ne veux plus et ne veux pas cultiver une colère, même justifiée — j'ai conscience que chacun, femme ou homme, n'a pas forcément eu le recul pour réaliser comment son genre assigné le modèle, le cantonne, le dirige, l'enferme et qu'il est toujours plus facile de ne pas se poser de questions quand le rôle attribué est privilégié — j'ai été impressionnée. Ovidie, dont j'apprécie déjà le travail et le courage de dire, est venue mettre des mots sur les conclusions auxquelles je suis moi-même — hélas !  — arrivée. Je suis pourtant je pense très différente d'elle donc ça n’a rien à voir avec le fait d’être un type particulier de femme. Conclusions donc mais aussi totale remise en question profonde de ce que j'ai cru devoir faire et être depuis l'âge d'être "baisée", voire avant, en tant que petite fille façonnée de l'extérieur par les codes, normes, éducation, médias etc. et avec cette sensation vertigineuse d'avoir été volée d'une certaine façon de ma vie. Alors, La chair est triste hélas, un livre qui peut faire du bien à beaucoup de femmes, un peu comme vomir soulage la nausée et éclairer le chemin des jeunes femmes pour qu'elles perdent moins de temps, peut-être, à ne pas être qui elles sont vraiment et qui elles ont envie d'être mais qui devrait aussi être lu par bon nombre d'hommes prêts à laisser de côté leurs arsenaux de réactions critiques, prêts, eux aussi, à se questionner sincèrement en profondeur, à accepter d'entendre la colère, la douleur, la révolte d'une femme qui se cherche avec une profonde intelligence.

     

    « Ce texte n’est ni un essai, ni un manifeste. Il n’est en rien une leçon de féminisme ni un projet de société. (…) Je l’ai pensé comme une série d’uppercuts dans le vide, une gesticulation vaine, les babines retroussées d’un animal blessé qu’on n’ose aider à se redresser. Il est un vernis qui craquelle si on le gratte trop fort et qui laisse apparaître ma laideur et celle des autres, celle qu’on ne peut pas voir. Il est tout ce que je ne peux dire, tout ce que je m’interdis de verbaliser de peur que mes mots dépassent ma pensée. » 

    Ovidie

     

     

    Et justement, on peut l'écouter ici :

     

     

     

     

     

  • Lionel Mazari

     

    J'ai le goût des herbes folles et du pavot,
    des jardins sauvages, des coquelicots
    pastels et désincarnés aux rêves rouges,
    des pensées femelles et des fleurs de bouges ;
    le goût de l'alcool qui entaille les lèvres
    des fées , et de la fumée qui coupe court.
    Dans la chambre où dorment de profonds éclairs,
    j'ai l'envie de ne pas déranger l'amour.

     

     

  • Décroiscience de Nicolas Chevassus-au-Louis

    Chevassus_Decroiscience_UNE_V3.jpgPlaidoyer pour que la recherche scientifique se mette au service de l’écologie
    Parce qu’il ne peut y avoir de décroissance sans décroiscience

    « En 1972 déjà, le mathématicien Alexandre Grothendieck, unanimement reconnu comme un des plus importants de l’histoire, écrivait : “Je ne veux pas dire que la seule cause de tous les maux, de tous les dangers [qui pèsent sur planète], ce soit la science. Mais en l’état actuel, la science joue un rôle important.” Ce constat n’a rien perdu de sa pertinence. Ni son interrogation : “Allons-nous continuer la recherche scientifique ?” La même année, à la question “Quelles sont les limites à la croissance économique ?”, les auteurs du rapport Meadows répondaient : les ressources de la planète étant finies, comment peut-on diable imaginer une croissance sans fin ?

    » Plus d’un demi-siècle après, l’activité scientifique est principalement au service de la croissance économique. Visant à produire brevets, innovations et algorithmes, elle participe au problème, plus qu’à la solution. Dès lors, ne faut-il pas plutôt envisager une “décroiscience” ? Une diminution volontaire et maîtrisée de la recherche scientifique. La question agace. Mais elle mérite d’être posée. »

    Aux prêtres de la religion scientifique qui voient dans la science la solution à tous les problèmes (qu’elle a souvent engendrés), ses critiques les plus radicaux répondent par l’arrêt de toute recherche scientifique. Évitant ces deux écueils, l’auteur de ce livre, épris de rationalité et amoureux des sciences, analyse les dysfonctionnements de la recherche, sa soumission aux diktats du capitalisme et des politiques de puissance. Contre la prééminence du quantitatif sur le qualitatif, il en appelle à remettre de la démocratie dans les décisions, les programmes, les finalités. Brider les sciences, car une conclusion s’impose : « Pas de décroissance sans décroiscience. »

    En réponse à l’urgence climatique, on assiste à d’intéressantes reconversions professionnelles. Ainsi un physicochimiste travaille désormais sur la boulangerie solaire, un spécialiste des nanotechnologies sur la sidérurgie solaire, une paléoclimatologue se reconvertit dans l’anthropologie des peuples arctiques et un neurobiologie du CNRS dans l’écologie politique. Un astrophysicien travaille désormais sur les problématiques socio-environnementales et un mathématicien explique que, « ­face à l’extrême urgence de l’anéantissement biologique global, du dérèglement climatique, de la dérive ontologique de la civilisation occidentale et de l’effet catalytique du monde numérique dans cette destruction planétaire, [il s]’intéresse au démantèlement numérique ». Ou encore, un « groupe Grothendieck », constitué « d’étudiant·e·s, de démissionnaires de l’Université, de non experts experts de leur vie, de jardiniers utopistes et de fouineurs d’information », dénonce la collusion entre les recherches et les intérêts militaires. Ces points d’appui permettent d’esquisser ce que pourrait être une recherche au service de la décroissance.

     

     

    Agone éd., coll. Contre Feux

    Illustrations de Stéphane Humbert-Basset.

    Préfacé par Pascal Engel.

    Pour l’écriture de cet ouvrage, l’auteur a bénéficié du soutien du CNL.

     

    En librairie le 22 août 2025

    13x19,5 cm — 288 pages — 15€

    ISBN 9782748905939

     

     

     

  • John Fire Lame Deer, Tahca Ushte « Cerf Boiteux » (1903-1976)

     

        Dans notre langue, on appelle un clown Heyoka. Il est l’homme qui fait tout à l’envers, met le haut en bas, les choses sens dessus dessous, dit oui pour non.

        N’importe qui peut être changé en Heyoka, que cela lui plaise ou non. Il suffit de rêver aux oiseaux du tonnerre, à la foudre, et en se réveillant le matin, on est devenu un Heyoka.

        Être contraire apporte l’honneur mais aussi la honte. On devient possesseur d’un pouvoir, mais il faut en payer le prix. Un Heyoka se comporte bizarrement.

        Il dit oui quand il veut dire non. Il monte son cheval à l’envers. Il porte ses mocassins ou ses bottes en se trompant de pied. S’il arrive, c’est pour partir.

        S’il fait chaud, il frissonne, s’enfouit sous les couvertures, fait un grand feu et déclare qu’il meurt de froid. L’hiver, quand vraiment il gèle et que la tempête fait rage, le Heyoka transpire ; il enfile un maillot de bain et déclare qu’il va nager pour se rafraîchir.

        Deux Heyoka étaient assis sur un rocher au bord d’un lac. Il se mit à pleuvoir. Ils dirent : « Dépêchons-nous de nous mettre à l’abri ». Et ils sautèrent ensemble dans le lac.

        Un contraire s’appelait L’Aplatisseur. On le voyait toujours muni d’un marteau, essayant d’aplatir des objets ronds ou incurvés, comme des assiettes à soupe, les balles, les anneaux, les roues de charrettes, les œufs. Ma grand-mère avait une lampe à pétrole avec un grand verre cylindrique ; il l’a aplati.

        Il n’est pas facile d’être un Heyoka. Mais il est encore moins facile d’en avoir un dans sa famille !

        Les Heyoka préservent les hommes de la foudre et des orages et leurs facéties, qui font rire, sont sacrées. Selon la tradition des Sioux, les « Êtres du Tonnerre » ou « Oiseaux-Tonnerre » détiennent le plus grand des pouvoirs, celui de la foudre, et nul œil humain n’a jamais pu les voir. Ils n’apparaissent que dans les visions des Saint-Hommes. Néanmoins, tout individu qui rêve du tonnerre ou des éclairs, ou de tout autres symboles qui leur sont attachés, se retrouve investi des pouvoirs des Oiseaux-Tonnerre (Wakinyan), les Grands Êtres Ailés.

        Il devient, à partir de ce moment, un Heyoka, un « rêveur de tonnerre ». Ce dernier n’est pas un Homme-Médecine ordinaire. C’est un « contraire », un clown sacré qui fait tout à l’envers. La raison de cet étrange comportement dérive certainement de la croyance universelle qui veut que l’univers des esprits soit situé « à l’envers du nôtre ».

     

    John Fire Lame Deer, Wicasha Wakan (homme-médecine en lakota), membre de la Société des Heyoka

     

     

  • Sécurité sociale alimentaire

     

    Lutter contre la faim en transformant nos systèmes alimentaires, pour permettre à tous et toutes d’accéder à une alimentation saine et choisie, le tout en favorisant une agriculture durable et un revenu juste des agriculteur·ices : c’est le projet de la sécurité sociale de l’alimentation, imaginé sur le modèle du régime général de la sécurité sociale, fondé après la Seconde Guerre mondiale par Ambroise Croizat. Une trentaine d’expérimentations sont en cours à Bordeaux, Lyon, Rennes, Paris ou encore Cadenet. Pour ce nouvel épisode de Bouffe de là, Nora Bouazzouni reçoit Pauline Scherer, sociologue et intervenante en recherche-action, qui copilote depuis deux ans la caisse alimentaire commune de Montpellier. 

     

    Résumé dans l'article ici : https://www.auposte.fr/securite-sociale-de-lalimentation-maintenant/

     

     

  • Luz Volckmann

     

    À mon corps d’enfant :
    Charge-toi des douceurs de ces années tendres et lointaines. Charge-toi pour les jours à venir, lorsque la tempête et les Polices voudront te réduire à l’abandon. Et peut-être était-ce là ta manœuvre, mon ami ? Peut-être toute ta douceur était-elle destinée à me permettre d’accueillir plus tard une violence sans précédent. 

     

    in Les chants du placard

     

     

  • Citations au dos du n°81 de la revue Nouveaux Délits

     

     

    « Que moi, Lili, je suis essentielle et que j’ai droit à cette vie dont j’ai fait la preuve en vivant 14 mois. On peut dire que 14 mois ce n’est pas beaucoup mais pour moi c’est comme toute une vie humaine, entière et heureuse. »
    Lili Elbe in Man into Woman, 1933

     

     

    « (…)  c'est un œil dur, qui cherche dans notre corps, nos expressions, notre démarche, nos imperceptibles mouvements, des signes de notre masculinité ou de notre féminité antérieure. » 
    Tal Madesta in La fin des monstres

     

     

    « - Corbeau, t'es un garçon ou une fille ?
    - Croa, croa
    J'ai rigolé et je me suis allongée sur le dos. Le ciel était d'un bleu profond. Je m'imaginais que j'étais couchée sur des nuages de coton blanc. La terre était humide dans mon dos. Le soleil était chaud, l'air était doux. Je me sentais heureuse. La nature me serrait contre elle et semblait ne me trouver aucun défaut. »
    Leslie Feinberg In Stone Butch Blues

     


    « Brouiller les cartes.
    Masculin, féminin ? Mais ça dépend des cas. Neutre est le seul genre qui me convienne toujours. S’il existait dans notre langue, on n’observerait pas le flottement de ma pensée. Je serais pour de bon l’abeille ouvrière. »
    Claude Cahun in Aveux non avenus, 1930

     

     

    « Au lieu de dire que le genre est ceci ou le genre est cela, reconnaissons que le mot genre a des dizaines de sens qui y sont intégrés. Il s’agit d’un amalgame de corps, d’identités et d’expériences de vie, d’impulsions inconscientes, de sensations et de comportements dont certains se développent organiquement et d’autres sont façonnés par le langage et la culture. Au lieu de dire que le genre est une seule chose, commençons par le décrire comme une expérience holistique. »
    Kate Bornstein, in Gender Outlaws: The Next Generation

     

     

     

     

  • Vincent Breton - Ne m'étiquette pas !

     

    "Ne m’étiquette pas ! Je ne suis pas celui que tu crois et peut-être que sur ma tête ne tiennent pas les étiquettes que tu aurais voulu poser. Je ne dis pas ça pour m’opposer, mais parce que pas plus que tu ne m’appartiens, je ne t’appartiens. Mais s’il est vrai qu’il ne faut pas se laisser définir par autrui, il faut aussi oser dépasser ses propres auto-représentations nourries souvent de nos biais cognitifs…

     

    C’est quoi la norme ?

    Petit garçon, il fallait être baptisé, faire son catéchisme, aimer ses parents, travailler pour avoir des bons points.

    Je n’étais pas baptisé. Pour certains copains dans la cour de l’école, c’était impossible. Je serais mort. Ils demandèrent l’avis du « meilleur de la classe » qui réfléchit longuement à la question, me fixa et prononça (véridique) son avis d’expert : « non, c’est possible, mais il ira en enfer ! »

    J’avais beau revendiquer à huit ans ne pas croire en Dieu, la menace pesait sourdement sur mon destin. Pire encore, mes parents étaient divorcés – à l’époque c’était rare- et j’avais, comble de la subversion, avoué publiquement détester mon père. Cela choquait mais je ne pouvais révéler ce qu’il avait pu faire sous mes yeux à ma mère ou plus tard à ma sœur. Une petite voix en moi, celle de l’injustice, fit de moi un petit garçon qui ne voudrait jamais s’identifier au patriarcat, même si je ne savais pas dire ce que c’était.

    Au collège, j’étais bon à l’écrit. Alors il « fallait » que je ne sois pas matheux. Au lycée, une professeure écrivit : « aime l’Histoire, n’aime pas la géographie« . Que devais-je faire avec cette sentence ? Pourtant, j’aimais beaucoup la géographie…

    Fonctionnaire on m’accorda le sérieux de la fonction publique. Il fallait pour être engagé que le maire signe « un certificat de bonne moralité ». Je me conformai donc au risque de mettre en tension certains aspects de ma vie qu’il convenait de dissimuler alors qu’ils n’avaient rien de répréhensibles : « cache tes sentiments amoureux. »

    Il me fallut quitter l’étroitesse d’esprit des campagnes d’alors pour me « libérer » dans la capitale. Mais la « tolérance » vous colle des étiquettes sur le front. Je fus présenté aux diners amicaux de l’une de mes tantes adorées, comme son « neveu gay ». Ça partait d’une bonne intention, ça faisait bien dans le décor des années quatre-vingts, mais je me sentais réduis à mes préférences amoureuses dans des sous entendus parfois à la limite du graveleux.

    Plus tard encore, en charge d’une fonction administrative, on me prêta un pouvoir dont je ne disposais pas et même de revenus qui ne me furent jamais dévolus. On s’imaginait que j’étais forcément du côté « du ministre » ou que j’avais trahi ma classe pour quelques honneurs…

    Retraité – quel mot englobant et réducteur- on m’imagina éclusant ma vie en loisirs sans fin dormant sur un matelas de billets. Billevesées bien sûr ! Et parfois, il m’est arrivé, il m’arrive encore, de me glisser dans le paysage en portant l’uniforme tranquille qui permettra que mon rôle social se trouve identifié et que « ça passe » en discrétion…"

    (...)

     

    Un texte très intéressant et très juste qui résonne pour moi, à lire dans son intégralité (important) sur le blog de l'auteur : https://vincentbreton.fr/ne-metiquette-pas/