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Joumana Haddad

 

Lorsque je devins fruit

 

Fille et garcon je fus conçue sous l’ombre de la lune

Mais Adam fut sacrifié à ma naissance,

Immolé aux vendeurs de la nuit.

Et pour combler le vide de mon autre essence

Ma mère me baigna dans les eaux du mystère

m’enveloppa dans les langes de la contradiction.

J’ étais dans l’ égarement profond lorsqu’elle m’a surprise

Car elle me plaça sur le bord de chaque montagne

Me livra au spectre du silence et au grondement des questions.

Elle me voua à l’Eve des vertiges et de la métamorphose

Et me pétrit de lumière et de ténèbres

Pour que je devienne le temple des démons paradisiaques

Et des anges de la luxure.

Mais j’ai préféré ne pas m’en apercevoir lorsqu’elle me l’apprit.

J’ étais dans l’oubli et puis soudain je m’en aperçus.

Etrangère je grandis et personne ne moissonna mon blé .

Je choisis de dessiner ma vie sur une feuille blanche,

Pomme qu’aucun arbre n’enfanta,

Puis je l’ai fendue et j’en suis sortie

En partie vêtue de rouge et en partie de blanc.

Je ne fus pas seulement dans le temps ou en dehors de lui

Car j’ai mûri dans les deux forêts

Et je me souvins avant de naître

Que je suis une multitude de corps

Et que j’ai longtemps dormi

Et longtemps vécu

Et lorsque je devins fruit

Je sus ce qui m’attendait.

J’ai prié les sorciers de prendre soin de moi

Alors ils m’emmenèrent.

J’ étais

Mon rire

Doux

Ma nudité

Bleue

Et mon péché

Timide.

Je volais sur une plume d’oiseau et devenais oreiller à l’heure du délire.

Ils couvrirent mon corps d’amulettes

Et enduisirent mon coeur du miel de la folie.

Ils gardèrent mes trésors et les voleurs de mes trésors

M’apportèrent des fruits et des histoires

Et me préparèrent pour vivre sans racines.

Et depuis ce temps-là je m’en vais.

Je me réincarne dans le nuage de chaque nuit et je voyage.

Je suis la seule à me dire adieu

Et la seule à m’accueillir.

Je vole par liberté et non de peur,

Et je reviens par envie et non de déception.

Je quitte pour que la vie puisse me manquer

Et je ne vis que si l’inconnu me porte vers lui.

Le désir est ma voie et la tempête ma boussole

En amour je ne jette l’ancre dans aucun port.

Mon corps est le voyage et je m’ éteins si je demeure.

La nuit j’abandonne la plupart de moi-même

Puis je me retrouve et m’ étreins passionèment au retour.

Je suis la jumelle du flux et du reflux

De la vague et du sable du bord

De l’abstinence de la lune et de ses vices

De l’amour et de la mort de l’amour.

Le jour

Mon rire appartient aux autres et mon dîner secret m’appartient.

Dans la maison de mon corps prennent refuge mes états chaque soir,

Et chaque matin on me réveille de mon absence.

Ceux qui comprennent mon rythme me connaissent,

Me suivent mais ne me rejoignent pas.

 

 

 

 

 

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