Ossip Mandelstam
Armé de la vision des guêpes étroites
Qui sucent l'axe de la terre, l'axe de la terre,
Je pressens tout ce qu'il m'a fallu connaître,
Je m'en souviens par cœur et vainement.
Et je ne dessine pas, ne chante pas,
Ne guide pas l'archet à la voix noire:
Je me contente de boire la vie et j'aime
À envier les guêpes fortes et rusées.
Oh, qu'un jour vienne, n'importe quand,
Où la piqûre de l'air et la chaleur de l'été
M'obligent, une fois franchis soleil et mort,
À entendre l'axe de la terre, l'axe de la terre.
8 février 1937
traduit par Jean-Claude Schneider