Benjamin Fondane (mort à Auschwitz-Birkenau en 1944)
Élégie
Je me suis déchaussé pour entrer dans la maison
du passé, j'ai ouvert le piano aux dents jaunes
j'ai essayé ma voix comme un couteau cassé
ce n'est rien. Je vous dis que ce n'est rien. À peine
un souffle qui pourrait éteindre une bougie
un cœur usé qui craint les escaliers raidis
une main qui tâtonne pour trouver une clé
qui n'ouvre rien qui ne soit déjà ouvert depuis
longtemps, une molle jambe qui fait sur le tapis
des traces.