La rivière
Plus on se cybérise, plus il semblerait qu'une partie de l'humanité retourne à son bon vieux fond animal mal dégrossi, on grogne, on crache, on mord, on se rassemble en clans, en meutes, on a peur, on se méfie, on aboie à tous les courants d'air qui passent, on enfle tout ce qu'on peut pour impressionner, on brandit sa raison, sa vérité, comme un gourdin, on pisse partout, on chie chez les voisins, on vomit sur les générations à venir, on se sent pousser des ailes d'inquisiteur, on se met à croire à tout et surtout n'importe quoi avec une impressionnante énergie primaire. Nous vivons un "drôle" de mélange d'époques comme si on avait pris le pire dans chacune d'elles : ça c'est pour ce qui saute aux yeux, aux oreilles, à la gorge.
Après, j'aime penser qu'il y a aussi une partie bien plus silencieuse, qui allie profondeur de réflexion, courage et véritable intelligence du cœur à une action juste, précise, discrète mais efficace dans tous les domaines possibles, avec détermination, créativité et modestie, j'aime penser qu'une partie de l'humanité est faite d'hommes et de femmes de parole, qui marchent leur parole, qui ne perdent pas de temps là où ils ne peuvent pas agir, qui ne perdent pas leur temps à convaincre qui que ce soit ou à énumérer leurs ennemis, qui ne perdent pas de temps à nier leur ignorance ou à se convaincre eux-mêmes qu'ils sont ce qu'ils ne sont pas, qui ne perdent pas de temps à vouloir plaire, impressionner, prouver, mais donc la capacité d'empathie pleinement développée leur permet d'aller directement à l'essentiel et qui minute après minute, jour après jour, changent le monde imperceptiblement peut-être mais en profondeur, sans que rien ni personne ne puisse les arrêter, comme une rivière dont la source demeure quoiqu'il arrive intarissable et j'aime penser que cette rivière finira par emporter avec elle tout l'obsolète, le périmé, le vieux fond nauséabond d'une humanité qui refuse d'évoluer et entre les mains de laquelle rien, aussi sophistiqué que cela puisse paraître et quel que soit le discours d'enrobage, rien ne pourra jamais être un "progrès".
cg, 25 avril 2019
Commentaires
Elle coule, coule, coule.... en un fin courant souterrain intarissable