Guénane - DUENDE
Philomena Famulok Holes ©
Un bourg blanc andalou enroulé sur sa colline replié sur son intimité
sous un abri de bus un fil de femme
elle a perdu sa chair son âge son nord
en elle s’entrechoquent les cailloux de la misère
de sa voix s’échappent des flots de caillasse
elle veut nous écorcher
elle ne sait plus se taire
«... N’attendez pas que je mendie
n’attendez pas que j’implore
ni Dieu ni Allah ni personne
je refuse de m’agenouiller
je suis née pour chanter pas pour supplier… »
De cette râpe brusque un chant monte
gestes innés de sa maigre jupe noire
s’envolent d’invisibles volants rouges
elle se cambre relève une traîne mystérieuse
son talon carré vire cogne le carrelage
elle ramène un châle insaisissable
le feu de son âme s’anime
« Tant pis si mes mots vous dérangent
je n’ai pas appris à sourire
je n’ai que ma voix sur terre
tant pis si je meurs dans l’heure
jusqu’au bout je chanterai
tant que je chante je respire
critiquez ma manière de vivre
toutes mes manières
ma manière à moi c’est chanter
et mon chant hurlera tant que me restera une goutte de sang... »
Droite devant moi elle s’arrête sonde mon regard noyé
les derniers graviers de sa voix déboulent
« Plus je suis près de toi et moins tu me vois ! »
Derrière elle le mur crache « Turismo es Miseria »
Federico García Lorca n’aurait pas renié l’instant
ce duende moribond s’évadant encore
pour me river à mon banc
Flamenco fusion que tes paumes éclatent !
Inconnue de la rue plantée dans cette page
chante danse tes nœuds élève-toi émerveille-moi
que monte et s’impose l’instant de grâce !
Le duende sort de ta voix sort de ton corps
Ressentir
laisser voler le duende
l’intraduisible a trop à dire
il hurle gémit son frisson pique
Flamenco
entrer dans une âme n’entre pas dans les mots.
Guénane
pour toi MC García Canalès
toi qui hurleras toi qui rêveras
tant que te restera une goutte de sang.
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Emotion vive à l'état brut