Eva Antonini
Le chant de La Vieille
corps tordu
incendie
calcinée
je suis
soumise
tel fut mon satori
ma beauté demeure
hors de ta portée
vie et mort
j’ai la connaissance
des profondeurs
c’est pour cela
que le serpent m’a aimée
toutes les bêtes
m’ont apprivoisée
pattes griffes
plumes toisons
ma flèche touche au cœur
tout prédateur nommé homme
je règne animale
sur toute la création
j’ai initié bien des peuples
qui m’ont nommée lunaire
de la génisse à la brebis
pour m’asservir
nombre de lois
ont été dictées
mais joug après joug
je demeure l’indomptée.
je parle la langue des oiseaux
qui lisent dans mon cœur
les mauvais augures
ne portent pas de plumes
mais des bâtons cracheurs de feu
des couteaux et des bombes
au commencement des temps
j’étais déjà penchée
sur le berceau de l’humanité
en moi était contenue
l’empreinte de toute forme
et la mémoire des abysses
ma puissance est immense
je suis la porte des mondes
je suis le cobra
prends garde humain
si tu ne respectes pas l’équilibre
tu seras balayé pulvérisé
à genoux homme
ferme les yeux
ouvre ton cœur
ton sexe est sacré
l’as-tu donc oublié ?
allez viens danser avec moi
sens-tu sous tes pieds
le frisson des racines ?
sens-tu le rythme du vent
les tourbillons de la sève ?
viens danser avec moi
viens sentir l’étreinte
et la lune dans nos veines
je connais les partitions du frisson
et les passes secrètes
qui font du plaisir
un art sacré
je connais les paysages intérieurs
des quêtes et des illuminations
vers le nord hypothétique
je vois au loin sur les plaines
la lente pérégrination des hommes
pour se connaître
il leur faut pénétrer la terre
ériger des totems
pour ensemencer les cieux
mais ils se trompent
et n’encensent
que faux dieux.
pour me connaître
qu’ils suivent la piste
féline.
ils pourront me trouver aussi
nue et lisse au creux des pierres
s’ils posent leur oreille
contre les os de la terre
ils entendront battre
mon cœur
je suis l’innocence faite chair
mais ne te laisse pas bercer
par la douceur de mes courbes
une part de moi ne dort jamais
sous le regard de l’éveillée
tu es nu comme un nouveau né
mystère et magie
art des saltimbanques
depuis le début des temps
j’accompagne les nomades
car mon nom est mouvement
je suis la première et la dernière
sœur amante mère épouse
je suis toutes en une
et une en toutes
je suis la voie du cœur
la voix enchanteresse
j’ai pouvoir de vie et de mort
tant de fois j’ai enfanté les ténèbres
huilé la nuit de mon corps
je suis le serpent primordial
qui enlacera le monde
après tant de siècles à m’humilier
comprendras-tu enfin ?
cg, 2009
in Universelle
Commentaires
Quel bel ensemble