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Lao Tseu

 

 

Il y avait quelque chose d'indéterminé avant la naissance de l'univers.
Ce quelque chose est muet et vide.
Il est indépendant et inaltérable.
Il circule partout sans se lasser jamais.
Ne connaissant pas son nom, je le dénomme "Tao".


L'homme imite la terre.
La terre imite le ciel.
Le ciel imite le Tao.
Le Tao n'a d'autre modèle que lui-même.

 


Le Tao qu'on tente de saisir n'est pas le Tao lui-même;
le nom qu'on veut lui donner n'est pas le nom adéquat.


Sans nom, il représente l'origine de l'univers;
avec un nom, il constitue la Mère de tous les êtres.


Par le non-être, saisissons son secret;
par l'être, abordons son accès.


Le regardant, on ne le voit pas, on le nomme l'invisible.
L'écoutant, on ne l'entend pas, on le nomme l'inaudible.
Le touchant, on ne le sent pas, on le nomme l'impalpable.


Le Tao est quelque chose de fuyant et d'insaisissable.
Fuyant et insaisissable, il présente cependant quelque image,
insaisissable et fuyant, il est cependant quelque chose.


Le Tao lui-même n'agit pas,
et pourtant tout se fait par lui.


Perpétuel, il ne peut être nommé,
ainsi il appartient au royaume des sans-choses.


Il est la forme sans forme et l'image sans image.
Il est fuyant et insaisissable.


Le Tao lui-même n'agit pas,
et pourtant tout se fait par lui.


Le grand Tao s'épand comme un flot.


Tous les êtres sont nés de lui
sans qu'il en soit l'auteur.


Il accomplit ses œuvres mais ne se les approprie pas.


Le retour est le mouvement du Tao.
C'est par la faiblesse qu'il se manifeste.


Tous les êtres sont issus de l’Être.
L’Être est issu du non-être.


Lorsqu'un esprit supérieur entend le Tao,
il le pratique avec zèle.


Lorsqu'un esprit moyen entend le Tao,
tantôt il le conserve, tantôt il le perd.


Lorsqu'un esprit inférieur entend le Tao,
il en rit aux éclats.


S'il n'en riait pas,
le Tao ne serait plus le Tao.


A sa naissance, l'homme est doux et faible;
à sa mort, il est dur et tout raide.


Les dix milles êtres, plantes et arbres,
pendant leur vie, sont tendres et vulnérables;
à leur mort, ils sont secs et recroquevillés.


Car ce qui est dur et fort est serviteur de la mort;
ce qui est doux et faible est serviteur de la vie.


La dureté et la rigidité sont inférieures;
la souplesse et la faiblesse sont supérieures.


Les êtres devenus forts vieillissent,
car cela s'oppose au Tao.


Quiconque s'oppose au Tao
périt prématurément.


Rien n'est plus souple et plus faible que l'eau,
mais pour enlever le dur et le fort, rien ne la surpasse.


La faiblesse a raison de la force;
la souplesse a raison de la dureté.
Tout le monde le sait,
mais personne ne parvient à le mettre en pratique.


Le meilleur soldat n'attaque pas.
Le combattant de valeur l'emporte sans violence.
Les plus grands conquérants gagnent sans lutter.
Les dirigeants les plus efficaces conduisent les hommes sans ordonner.


C'est ce qu'on appelle "la non-agressivité intelligente".
C'est ce qu'on appelle "la maîtrise des hommes".


Tout le monde tient le beau pour le beau,
c'est en cela que réside sa laideur.
Tout le monde tient le bien pour le bien,
c'est en cela que réside son mal.


Car l'être et le néant s'engendrent.
Le facile et le difficile se parfont.
Le long et le court se forment l'un par l'autre.
Le haut et le bas se touchent.
La voix et le son s'harmonisent.
L'avant et l'après se suivent.


C'est pourquoi le sage adopte la tactique du non-agir,
et pratique l'enseignement sans parole.
Toutes choses du monde surgissent
sans qu'il en soit l'auteur.


Il produit sans s'approprier,
il agit sans rien attendre,
son œuvre accomplie, il ne s'y attache pas,
et puisqu'il ne s'y attache pas,
son oeuvre restera.


Qui se plie restera entier.
Qui s'incline sera redressé.
Qui se tient creux sera rempli.
Qui subit l'usure se renouvellera,
Qui embrasse peu acquerra la connaissance sûre,
Qui embrasse beaucoup tombera dans le doute.


Ainsi le sage embrassant l'unité
deviendra le modèle du monde.
Il ne s'exhibera pas et rayonnera.
Il ne s'affirmera pas et s'imposera.
Il ne se glorifie pas et son mérite sera reconnu.
Il ne s'exalte pas et deviendra le chef.


Comme il ne rivalise avec personne,
personne au monde ne rivalise avec lui.


Qui se dresse sur la pointe des pieds ne tiendra pas longtemps debout.
Qui s'exhibe ne rayonnera pas.
Qui s'affirme ne s'imposera pas.
Qui se glorifie ne verra pas son mérite reconnu.
Qui s'exalte ne deviendra pas un chef.
Ces manières sont pour le Tao
comme les restes de nourriture et les tumeurs qui répugnent à tous.
Celui qui connait la loi de la nature
ne fera pas ainsi sa demeure.


Celui qui se réfère au Tao comme maître des hommes
ne subjugue pas le monde par les armes,
car cette manière d'agir entraîne habituellement une riposte.
Ainsi un homme de bien se contente-t-il d'être résolu,
sans user de sa force.


Qu'il soit résolu sans orgueil.
Qu'il soit résolu sans exagération.
Qu'il soit résolu sans ostentation.
Qu'il soit résolu par nécessité.


Connaitre les autres, c'est la sagesse.
Se connaitre soi-même, c'est la sagesse supérieure.
Imposer sa volonté aux autres, c'est la force.
Se l'imposer à soi-même, c'est la force supérieure.


Produire sans s'approprier,
agir sans attendre,
guider sans contrainte,
voilà la vertu suprême.


Percevoir le plus petit, voilà la clairvoyance.
Garder la douceur, voilà la force d'âme.


Le sage n'apprécie pas les trésors recherchés.
Il apprend à désapprendre.
Il se détourne des excès communs à tous les hommes.
Il facilite l'évolution de tous les êtres sans oser agir sur eux.


Le sage connait sans voyager,
comprend sans regarder,
accomplit sans agir.


C'est par le non-faire
que l'on gagne l'univers.
Celui qui veut faire
ne peut gagner l'univers.


Qui cherche à façonner le monde n'y réussira pas.
Le monde, vaste vase spirituel, ne peut être façonné.
Qui le façonne le détruira.
Qui le tient le perdra.


Un état se régit par les lois.
Une guerre se fait à coup de surprises.
Mais c'est par le non-faire qu'on gagne l'univers.


Comment le sais-je?
Par ce qui suit:


Plus il y a d'interdits et de prohibition,
plus le peuple s'appauvrit.


Plus on possède d'armes meurtrières,
plus le désordre sévit.
Plus se développe l'intelligence fabricatrice,
plus en découle d'étranges produits.


Plus se multiplient les lois et les ordonnances,
plus foisonnent les voleurs et les bandits.


Lorsque le gouverneur est indulgent,
le peuple reste pur.


Lorsque le gouverneur est pointilleux,
Le peuple devient fautif.


Le bonheur repose sur le malheur;
Le malheur couve sous le bonheur.
Quel en est le terme?
Le monde n'a pas de normes,
car le normal peut se faire anormal
et le bien peut se transformer en monstruosité.


Qui se diminue grandira;
Qui se grandit diminuera.


Qui veut abaisser quelqu'un
doit d'abord le grandir.
Qui veut affaiblir quelqu'un
doit d'abord le renforcer.
Qui veut éliminer quelqu'un
doit d'abord l'exalter.
Qui veut supplanter quelqu'un
doit d'abord lui faire des concessions.


Telle est la vision subtile du monde.


De même si le sage désire être au-dessus du peuple,
il lui faut s'abaisser d'abord en paroles;
s'il désire prendre la tête du peuple,
il lui faut se mettre au dernier rang.


Un véritable chef militaire n'est pas belliqueux.
Un véritable guerrier n'est pas coléreux.
Un véritable vainqueur ne s'engage pas dans la guerre.
Un véritable conducteur d'hommes se met en dessous d'eux.


On regarde le Tao,
cela ne suffit pas pour le voir.


On l'écoute,
cela ne suffit pas pour l'entendre.


On le goûte,
cela ne suffit pas pour en trouver la saveur.


Connaître l'harmonie, c'est saisir le Constant.


Saisir le Constant, c'est être illuminé.


*

préface du Tao Te King 

 

 

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