Lily Seika Jones
TERRE DU QUERCY
Que m’as-tu fait terre, terre de chênes, m’aurais-tu enchainée ? Envoûtée à tes sources secrètes, ton sol osseux, tes bras de genièvre ? Tu m’offres ta couche de pelouse sèche où se pressent pelures d’univers, mondes miniatures enchanteurs et cruels. Que m’as-tu fait terre du Quercy ? Des racines me poussent, je me noie dans ton ciel. Les oiseaux me parlent et je capte la langue nomade des nuages sans même plus avoir le désir de les suivre. Que m’as-tu fait ? Agenouillée dans ton hiver, je guette avide tes premières érections printanières, tes orchis clitoris. Qu’as-tu fait terre pour que je me sente si ancienne entre la rose chienne et les sortilèges du chèvrefeuille ? J’arpente tes courbes et tu me découvre les secrets de ton causse. Me rendras-tu fertile et profonde comme l’échancrure de tes combes et vallées ? Te joues-tu de moi pour que je me sente reine avec des bois sur la tête ? M’enverras-tu tes chasseurs ? La bête se cache et je deviens ta bête, ô terre du Quercy.
J’entends rire les arbres et pleurer aussi. Et tout leur travail d’arbre. Les écorces me dévoilent le trésor de leur art, ma chevelure s’emmêle de lichen et de mousse.
Plus de sept ans que tu me tiens sous tes charmes, pays d’Avalon d’Occitanie. Tes pierres, tes eaux, parlent plus que les hommes. Tu m’apprends ça aussi, à me taire, terre du Quercy.
Tes galets remplissent mes poches, tes branches, tes racines rampent jusqu’à ma porte.
Que veux-tu ? Que je sois chêne parmi les chênes, que j’y perde ainsi mes chaînes d’humanité ? Ou bien m’acceptes-tu jardinière, poète, contemplatrice.
Terre du Quercy, je sais qu’autrefois tu as connu bien plus de vie. Aujourd’hui sur ta peau broussailleuse ce sont les pèlerins et autres amoureux des chemins qui te caressent.
Certains peut être te font même l’amour.
Terre de beauté, prends-moi encore contre ton sein, que j’y sente couler la sève des rêves.
2009