... JUSTE avant la REVOLUTION
J'étais assis, seul, sur un banc public dans un parc désert.
Je n'attendais personne et personne ne m'attendait.
Les chômeurs chômaient, les dealers dealaient, les travailleurs travaillaient, les profiteurs profitaient, les violeurs violaient, les pollueurs polluaient, les rêveurs rêvaient, les cuisiniers cuisinaient, les buveurs buvaient, les penseurs pensaient, les assassins assassinaient, les plongeurs plongeaient … c'était juste avant la Révolution.
J'avais le regard vide .Mes yeux larmoyaient. Mes membres tremblaient.
Je venais juste de me faire opérer d'un cancer. J'étais meurtri, fatigué, usé, déprimé, recousu, appareillé, timoré, angoissé, brisé, anémié, prostré, désœuvré, léthargique.
La Sécu m'avait accordé un bonus : cinq ans à 100 % !
Je comptais les minutes. Je biffais les jours sur le calendrier.
J'avais mis des lunettes noires … c'était juste avant la Révolution.
Le petit chaperon rouge avait peur du loup, le président Donald du président Kim, l'OM du PSG.
L'intérimaire tremblait devant le contremaitre qui tremblait devant le DRH qui tremblait devant le PDG qui tremblait devant les actionnaires.
Il ne pleuvait jamais. La terre était sèche. Les bêtes mouraient de soif. Les paysans abandonnaient leur campagne et rejoignaient les bidonvilles autour du périphérique … c'était juste avant la Révolution.
Les hommes buvaient, se droguaient, forniquaient. Les femmes buvaient, se droguaient, forniquaient . Les adolescents buvaient, se droguaient, forniquaient. Il y avait des pédophiles à la sortie des écoles, des racistes sur les listes électorales, des salons de massage à la place des librairies , des céréales OGM en promotion, des armes en vente libre, des vêtements qui prenaient feu sous les projecteurs des salles de spectacle, des gladiateurs qui se battaient dans les arènes pour un ticket restaurant ; toutes les chaines
de télévision diffusaient la même image à la même heure avec le même commentaire...c'était juste avant la Révolution.
Je me suis levé lourdement. Le crépuscule tombait.
Mes mains étaient glacées. C'était le début de l'hiver.
Je remontais la rue contournant les ados en skate qui fonçaient dans le brouillard, les mémés en patinettes qui revenaient de la salle de sport.
J'évitais les merdes de chien qui parsemaient le trottoir.
Je comptais les mégots qui jonchaient les pas de porte .
Je n'ai salué personne et personne ne m'a dit un petit bonsoir.
Les passants se précipitaient vers le métro le plus proche , un smartphone à la main, un casque sur les oreilles.
La nuit électrique envahissait ruelles et boulevards... c'était juste avant la Révolution.
Léon Cobra
( 9/11/2017 )
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