Alain Mascaro Je suis la sterne et le renard

Flammarion, avril 2025
Ainsi commence la saga du clan de l’Ormr. Barbra, Aana, Álfheidr et les autres forment une lignée de femmes sans père ni mari. À la fois brodeuses d’ histoires, guérisseuses, sages-femmes, chamanes, gardiennes des Hautes Terres et des forêts, elles sont en butte à la violence que les hommes exercent sur elles aussi bien que sur la nature. Aam raconte leurs destins, qui débutent quand l’esclave Barbra, quelque temps après avoir assisté à la naissance d’un volcan, est accusée d’avoir réveillé l’Ormr, le dragon de feu, et d’attendre son enfant.
Mais qui est cette sœur à laquelle Aam adresse son récit depuis le réduit obscur d’une maison de tourbe ? Et ce qu’elle transmet n’est-il pas de tous les temps et de tous les lieux, tant il est vrai que les hommes ont crû et multiplié, asservissant les femmes et la Terre ?
Grande saga islandaise traversée par des paysages somptueux et des landes ancestrales, ce roman, tissé de légendes et d’imaginaire, déploie une fable aux résonances contemporaines."
http://cathygarcia.hautetfort.com/archive/2025/11/24/alain-mascaro-avant-que-le-monde-ne-se-referme-6571708.html) que j'ai voulu en tenter un autre, et me voilà très loin d'être déçue, le sujet m'enchante bien évidemment et cette saga inspirée des mythes et imaginaire islandais en reprenant les rituels comme le Seidr et en brodant une histoire sur plusieurs générations de femmes comme origine du livre des runes et rituels magiques, le Galdrabók (un vrai grimoire datant des années 1600), est d'abord un superbe hommage à la nature islandaise.
"J'ai vu couler les roches liquides comme une fonte de fer rouge sang, sang craché, sans épais, brûlant, presque noir à force d'être rouge."
Et c'est aussi un envoûtant et puissant récit écoféministe.
"Lorsque Tóuskott eut fini de forger le monde, il regarda tout ce qu'il avait créé : il y avait l'eau, l'air, le feu, la terre ; il y avait le jour et la nuit, il y avait l'homme, les arbres, les plantes, les champignons et tout ce qui vivait sur terre. Comment faire pour que tout s'accorde et s'équilibre ? Comment laisser assez de place à chacun ? Il se dit que plutôt que séparer, il fallait réunir. Il demanda donc de l'aide à Bredan la brodeuse qui tissa les destinées ensemble dans un entrelacs magnifiquement composé et coloré, fils d'or et fils d'argent, pourpre et lapis, de manière à ce que le fil de chacun croise au moins une fois le fil des autres. Ainsi, chacun était allié à tous et tous dépendait de chacun. Elle acheva son ouvrage en faisant des nœuds sous la trame de laine. Le dernier à nouer était celui de l'homme, l'animal le plus turbulent de tous. Bredan, qui s'était fatigué les yeux et les doigts à broder durant des heures, ne le serra sans doute pas assez. à la longue, le fil se dénoua et se défit de la trame. Depuis, l'homme n'est relié à rien, c'est pourquoi il s'arroge de tirer sur le fil des autres, de le couper et de détisser l'ouvrage de Tóuskott et Bredan. Quand il en aura fini, il ne restera qu'un tas de fils informe et un canevas vide."
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"Ce qu'il fallait, c'était ne pas perdre le fil, rester lié à la trame, transmettre à quelques âmes choisies, en attendant le jour où, peut-être, les gens prendraient conscience de la vie qu'ils menaient, tellement déliée de la vérité du monde, de sa chair intime, que c'était au-delà de la solitude, une sorte de déréliction vertigineuse dont il serait bien difficile de sortir."