Alain Etchepare - La thébaïde
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Autrefois, quand septembre en larmes revenait,
Je partais, je quittais tout ce qui me connaît,
Je m'évadais ; Paris s'effaçait ; rien, personne !
J'allais, je n'étais plus qu'une ombre qui frissonne,
Je fuyais, seul, sans voir, sans penser, sans parler,
Sachant bien que j'irais où je devais aller ;
Hélas ! je n'aurais pu même dire : Je souffre !
Et, comme subissant l'attraction d'un gouffre,
Que le chemin fût beau, pluvieux, froid, mauvais,
J'ignorais, je marchais devant moi, j'arrivais.
Ô souvenirs ! ô forme horrible des collines !
Et, pendant que la mère et la sœur, orphelines,
Pleuraient dans la maison, je cherchais le lieu noir
Avec l'avidité morne du désespoir ;
Puis j'allais au champ triste à côté de l'église ;
Tête nue, à pas lents, les cheveux dans la bise,
L’œil aux cieux, j'approchais ; l'accablement soutient ;
Les arbres murmuraient : C'est le père qui vient !
Les ronces écartaient leurs branches desséchées ;
Je marchais à travers les humbles croix penchées,
Disant je ne sais quels doux et funèbres mots ;
Et je m'agenouillais au milieu des rameaux
Sur la pierre qu'on voit blanche dans la verdure.
Pourquoi donc dormais-tu d'une façon si dure
Que tu n'entendais pas lorsque je t'appelais ?
Guernesey, 2 novembre 1855, jour des morts.
Innana, Ishtar, Astarté
Brûlés le fruit le jardin
Symboles de ta perdition
Tu as réduit les mères nourricières
au rang de putains de l’agro-industrie,
tu leur a mis le joug
de tes folies mécanistes.
Cérès Déméter pleurent sans fin,
quelle que soit la saison,
Perséphone ne quitte plus les enfers.
in Salines, à tire d'ailes 2007
Que nous fera la chute brusque
de ce qui est notre royaume?
Comme ta tour, comme la mienne,
comme la perfide que foulent nos pieds,
cette joie dont pétillent nos yeux,
si elle doit bientôt s’éteindre,
ne nous reviendra-t-elle pas autre et nouvelle?
Sœurs du silence en la tristesse,
les fleurs qui n’ont que leur beauté
et leur solitude,
les fleurs- morceaux de cœur terrien
palpitant à l’unisson des nids-
dorment-elles ici, font-elles des rêves
sur la fin de leur destinée?
Les doigts
qui ne voulaient d’elles que leur jeunesse,
les doigts se sont tous joints
dans la chaude blancheur des draps-
sauf les miens qui sont si frêles
et qui savent tant choyer
les choses délicates.
Mes lèvres aussi frôlent les fleurs,
les fleurs devenues plus mystérieuses,
et plus belles, et brusquement hardies.
Et j’entends,
mêlées à la respiration des herbes,
leurs dernières confidences.
Ah! comme elles seraient douloureuses
sans ces parfums pacifiques, Seigneur,
qui s’évadent avec leur vie!
Écoute les filles de la pluie
qui se poursuivent en chantant
et glissent
sur les radeaux d’argile
ou d’herbes de glaïeuls
qui couvrent les maisons des vivants.
in Traduit de la nuit