Janis Joplin - Cry Baby
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Le diable sort au chant du corbeau
La première nuit à tire-d’aile, nous avons pris notre envol.
Tout juste sortis de l’enfer, nous avons niché
dans l’arbre à lunes
parce que l’arbre de vie
était chargé de citrons
et que l’arbre de mort
avait blanchi sous les cocons laiteux des anges.
Nous avons secoué l’arbre et les lunes
sont tombées à côté des crânes de mastodonte
éraflés et abrasés par le sable.
X - Le Diable
Boucan de tous les miens,
triqueballe des Enfers,
comme ils sont ingrats !
Comme si je ne savais pas les recevoir
avec chaleur, avec ardeur !
En plus ça manque pas de lumière,
y a le gaz à tous les étages,
le lit gratteur,
la table instable,
la chaise en fusion,
l'armoire à vestes d'écorchés,
les fenêtres avec vue sur
la cage de verre du voisin...
Et puis le grand patron a investi
dans les étages vip :
tournebroches connectés,
champagne bouillonnants,
jeux de bourses arrachés,
pinces-monseigneur
pour ligaments...
Bon je sais bien que ce matos
n'est pas de première main,
qu'il a été utilisé à plein régime,
pendant trois-quatre éternités,
là-haut au paradis définitif.
Faut vous dire qu'en enfer, on ne traite
que les petits délits courants
et qu'on ne connaît pas encore
les nouveautés du catalogue
des accessoires du toit-terrasse.
Boucan de tous les miens,
triqueballe des Enfers,
comme vous êtes ingrats !
Se faire tirer la queue
à longueur de siècles
sans congés, ni retraite !
Service non-stop sans pourboire,
corvée de torture à perpétuité
et à ce propos nous aurions
une petite faveur à vous demander…
Mais non, on n’achète plus les âmes
c'est totalement démodé !
Ce serait juste une petite signature
au bas de la pétition...
Histoire qu'on échange un peu les rôles,
on aimerait bien être clients
pour quelques heures,
ou quelques siècles.
Sinon n'allez pas dire
qu'on ne vous aura pas prévenus...
Nous demanderons à être mutés
chez les Blanchis de Tout Soupçon !
in Le Tarot de Saint-Cirque, Gros Textes 2020
Respect pour les hommes, respect pour leurs âmes invisibles, ou si rarement, si pathétiquement devinées ; respect pour leurs tristes corps qu’eux-mêmes ne respectent pas, se contentant de les chérir, de les torturer, ou de les nier. Respect pour les choses dont les hommes abusent avec plus d’inconscience encore, et qu’ils traitent plus mal qu’ils ne le font de leur propre cœur. Respect pour le silence, plein de pressentiments des voix futures ; respect pour le passé, qui est présent, comme dans l’écrin, la marque laissée par la bague disparue, et respect pour l’instant présent, qui ira bientôt s’ajouter au passé, attiré par l’aimantation du Temps. Respect pour les anges qui sont nos gardiens et sont peut-être nos âmes ; respect pour nos démons aussi, qui ne sont que l’ombre portée par nos anges. Respect pour Dieu, même s’il n’est pas, parce que ne pas être n’est après tout qu’une manière un peu plus noble et plus pure d’exister, et parce que nous le possédons du moins sous forme de désir et d’attente. Respect pour l’amour, que les hommes et les femmes ne respectent plus, parce qu’ils ont peur qu’on les oblige à en être dignes.
Extrait d’un hommage à Reiner Maria Rilke, 1936
joggeuse de grand fond, tu cours
jusqu’au bout du continent
jusqu’au bout du siècle
champs minés, océans, naufrages
jets de plomb et de sang
squelettes en pile
le long de ton chemin
tu repousses ce que tu hais
cette panoplie d’objets blessants
à la portée de n’importe quelle bouche
de n’importe quelle main
mensonges, rancunes et petits fusils
tu cours, tu voles
tu vas vers la beauté
tes bras acrobates
tes paumes
béantes
in La marathonienne