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  • MICROBE 75, de la bombe !!!

     

    Microbe 75.jpgLe 75e numéro du Microbe est prêt !

    Ce numéro a été préparé par Jany Pineau.

    Au sommaire :
    S
    amantha Barendson
    A
    nna de Sandre
    C
    athy Garcia
    I
    sabelle Guilloteau
    V
    irginie Holaind
    S
    abine Huynh
    P
    errine Le Querrec
    M
    urièle Modély
    E
    mmanuelle Pagano
    C
    atherine Peintre
    J
    any PineauModély - À la lettre.jpg
    C
    écile Portier
    C
    éline Renoux

    Khun San
    M
    arlène Tissot
    J
    asmine Viguier

    Illustrations : Sabine Danzé

    Les abonnés le recevront dans quelques jours.

    Les abonnés « + » recevront également le 38e mi(ni)crobe signé Murièle Modély : À LA LETTRE.

    Comme d’habitude, les autres ne recevront rien !

    http://courttoujours.hautetfort.com/archive/2012/12/26/microbe-75.html

  • L’éponge des mots – Saïd Mohamed

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    Les Carnets du Dessert de Lune – 2012. 128 pages, 12€.

     

     

     

    L’éponge des mots est un livre sans commencement, ni fin, dans lequel on entre, puis on s’assoit et on écoute. On écoute un compagnon qui nous passerait la bouteille, on boirait à même le goulot, sans faire de manières, avant de la repasser à un autre, qui serait là aussi, quelque part au bord du monde, parce que toutes les routes ont déjà été arpentées, tout a été dit, et pourtant nul n’a encore trouvé le remède au mal de vivre.

     

    L’éponge des mots éponge le trop plein.

     

    Pas de gloire à se combler d’alcool

    Pour s‘inventer des cataplasmes.

     

    Boire encore et tordre le cou aux sortilèges.

     

    Capitaine au long cours veillant sur l’histoire du hasard.

     

    Taillader son chemin dans l’aventure des rues lisses.

     

     

    Tel un Ulysse qui ne retrouvera jamais son port. Les mots eux-mêmes deviennent éponge pour absorber le trop plein d’amertume, de vanités, de désillusions, de chagrins rouillés. Un trop plein qui n’a d’équivalent que la béance du manque d’amour.

     

    Revenir sur ton ventre noyer ma détresse à l’hôtel des carnages

    en soudoyant le gardien de nuit

    après une errance de bar en bar

    pour resquiller la lumière

     

    Lorsqu’on va chercher très loin ce que l’on ne trouvera jamais, le voyage devient errance, parce que depuis longtemps nous sommes perdus à nous-mêmes.

     

    Dans cette nuit espagnole, tu pointes un doigt vers le ciel

    et désignes l’aube avec sa rivière

    roulant des perles noires.

     

    (…)

    Je jure de ne plus savoir retourner chez moi.

     

    Car vivre c’est Être au monde avec ses pertes de lumière, des voiles trouées et ces haubans qui sifflent au moindre vent.

     

    Dans L’éponge des mots, Saïd Mohamed nous livre son désenchantement, et à chaque page pourtant, on trébuche sur des pépites. Si les larmes sèchent vite aux vents des quatre coins du monde, les mots eux, n’ont pas fini de couler.

     

    nous ne sommes pas devenus fou subitement,

    cela a demandé du temps.

     

    D’abord, on a vu l’étrange plaie

    qu’est la joie dans les yeux des autres.

     

    (…)

     

    Pris dans la tourmente des loups dépouillés

    qui guettent l’étrange et le dérisoire.

     

    Partout avec ces mots de pauvre, aller

    dans la perception des miroirs

    en traversant sur les passages cloutés.

     

     

    Les mots vomissent leur impuissance à changer le monde.

     

    Il n’est de sommeil plus puissant

    Que notre intelligence à ne pas vivre

     

    (…)

    L’idiot va à ses ratages comme à une science exacte,

    Seule raison valable pour achever cette bouteille.

     

    Quelle autre sagesse peut évoquer un tel carnage ?

     

     

    Le voyageur va chercher ailleurs quelque chose qui lui ferait croire qu’il vit plus intensément.

     

    La dentelle des jours nous pousse à faire escale

    dans les ports aux romances inachevées,

    à chercher dans la multitude des petits riens

    ces choses de peu qui manquent le plus.

     

     

    Plus c’est loin et plus on espère trouver cet autre chose qui nous ferait nous-mêmes autre.

     

    J’ai connu les ventres outragés et le rire des singes,

    L’ombre du feu avec dans la bouche

    Les cendres des morts comme seule preuve de vie

    Et combien de corbeaux, de singes, de najas,

    D’étranges banyans et d’immenses

    Oiseaux de nuit.

     

    Mais il y a quelque chose de définitivement voué à l’échec dans cette quête, des courants contraires aux chercheurs d’intensité, des trésors éphémères qui fondent comme goutte d’eau au soleil.

     

    Des éclats de possibles,

    des bribes de rien dans le silence résorbé des villes

    et des hommes de papier mâché

    au bar des illusionnistes.

     

    (…)

    Partout être à contretemps,

    à contre-emploi, à contresens du flux

    dans le décalage permanent,

    fuir quand tout converge.

     

    Grande est la désillusion, quand on découvre les coulisses de ce qui n’apparait au final, comme rien d‘autre qu’un grand cirque pathétique.

     

    Qu’auront nous dit vraiment ?

     

    Le silence est préférable à ces babils,

    ces faux-savoirs,

    ces mensonges appris comme une leçon.

     

    Ces bribes de rien, de tout, d’abject aussi, récitées par cœur

    quand le plus grand dénominateur commun ouvre sa gueule

    dans l’immonde barnum du tube cathodique,

    ce rectum de la pensée qui souille

    tout ce qu’il touche.

     

    Saïd Mohamed sait ce qui pousse à Parcourir le monde comme le sang bat les veines à la recherche de l’instant qui rend caduc tous les autres. (…) et la promesse toujours la promesse d’autres choses encore.

     

    Le voyage, la fuite, la solitude et l’oubli impossible.

     

    Accolé aux murs des villes, ton visage, ton sourire obsédant, ton ventre au mien accroché, où dedans le vent s’engouffre, dans le salpêtre, la crasse, l’odeur des poubelles, je t’ai cherchée.

    Dans le repli de l’indifférence j’ai appris à regarder avec cette habitude à qui rien n’échappe, en tous lieux j’erre seul, heurté à la raison qui maintient les êtres dans leur camisole. Partout où tu as posé les pieds, je retourne la terre. J’hésite à te nommer, pour laisser en friches ces souvenirs qui me reviennent, m’accablent et me jettent dans les bras d’hier.

     

    Saïd Mohamed sait qu’il est difficile de vivre en ignorant son ombre, elle se tord et crie si on marche dessus.

     

    Tout au long de son livre on sent peser cette ombre qu’aucune destination, si lointaine fut-elle, aucun alcool, ne sauraient dissiper.

     

    Tous ces arbres morts qui s’évertuent à lancer au ciel des branches pour s’y pendre…

     

    Et pourtant, nous confie t-il, ma raison demeure dans l’agitation du monde, de ces villes juchées les unes sur les autres, où dans l’ennui les hommes se laminent, se chevauchent.

     

    Dans la troisième partie du livre, il nous ramène à un « Ici et maintenant ». Une sagesse que connaissent tous ceux qui savent qu’il est vain de tenter d’être ailleurs, que dans ce laps de temps présent. Et si les souvenirs sont toujours là, en filigrane, il est temps de tirer un trait et Saïd Mohamed est sans doute un de ces êtres brûlés au feu de la passion comme de la lucidité, cette lucidité féroce qui pousse à n’importe quel extrême pour lui échapper, en vain.

     

    Nous n’avons pas grandi malgré le poids sur nos épaules.

    Prisonnier de l’enfance, on croit être devenu un autre

    en refusant l’idée que seul le corps change.

     

    L’éponge des mots est comme un fleuve qui s’écoule, qui déborde parfois, puis se calme à nouveau, qui remonte le temps aussi bien qu’il file vers une hypothétique embouchure.

     

    On relit ce qu’on a écrit sans le reconnaître.

    Ivresse de la prière païenne qui se nourrit d’elle-même

    À laquelle aucun parler n’est comparable.

    Ce mystère ne nous appartient pas.

    En bouche vient le fleuve,

    Message jamais interrompu ni commencé.

     

    Il y a l’ombre, mais aussi un flot de lumière, au sein même de ce qui peut sembler comme un constat désespéré.

     

    Dire l’instant émerveillé devient insolence

    Aux hommes obscurcis par trop de misère.

     

    L’auteur sait qu’avec les mots on peut tout inventer et il a gardé Des affamés (…) les vertus de l’illumination, les tenailles du silence et la tyrannie de l’aube.

     

    En d’autres termes, le chant et la soif du poète, mais il s’interroge sans cesse, il nous interroge.

     

    Comment apprécier l’insolence des moineaux et convaincre l’ombre du bien-fondé de la lumière

    Survivre aux ratages de l’existence et à cette nostalgie qui éreinte.

     

    Il faut avoir touché le fond pour en connaître la texture réelle et savoir si bien en rendre compte.

     

    Le mal de vivre n’a pas de nom, inquiétude rebelle, cœur sans raison.

     

    Le voyageur a vu la face périmée du rêve et le poète l’a bue jusqu’à la lie.

     

    L‘insulte nous a cueillis au cœur de la joie. Déplumé l’oiseau aux sept couleurs. Sidaïque l’oncle Jo des Amériques. La petite Jeanne s’injecte de l’héroïne.

    Comme des orphelins, efflanqués nous ne croyons plus en rien. Nous avons vu tant de désastres, de boue ruisseler des montagnes, de louves pleines les flancs ronds, de vagabonds pointer sur la carte du ciel une étoile rouge.

     

    Et comme ces marins condamnés à errer d’île en île, lui comme nous sommes étrangement ballotés entre l’histoire d’un monde aux urgences de grisaille et l’impatience de vivre.

     

    Saïd Mohamed n’a certainement pas fini d’essorer, encore et encore, L’éponge des mots, et c’est tant mieux !

    Cathy Garcia

     

     

     

     

     

     

     

    said_mohamed par bénédicte Mercier.jpg©photo de Bénédicte Mercier

     

     

     

    Saïd Mohamed, né en 1957, en Basse-Normandie, d’un père berbère, terrassier et alcoolique et d’une mère tourangelle lavandière et asociale, il a passé son enfance et son adolescence à la DASS. Nomade dans l’âme, il a été tour à tour, ouvrier imprimeur, voyageur, éditeur, chômeur, enseignant. Chef de fabrication dans le secteur éditorial, il a enseigné au BTS édition à Toulouse et poursuit désormais son enseignement à Paris, dans le cadre de la prestigieuse École Estienne.

     

     

     

    Romans
    Un enfant de cœur, Éditions EDDIF, Casablanca, 1997.
    La Honte sur nous, Éditions Paris Méditerranée, 2000. Éditions EDDIF, Casablanca, 2000 (réédition 2011, Ed. Non–lieu).
    Le Soleil des fous, Éditions Paris Méditerranée, 2001.
    Putain d’étoile, Éditions Paris Méditerranée, 2003.

    Poésie
    Terre d’Afrique, S’éditions, 1986.
    Mots d’absence, Le Dé Bleu, 1987.
    Délits de faciès, Le Dé Bleu, 1989.
    Femme d’eau, Polder, 1990.
    Le Vin des crapauds, Polder, 1995.
    Jours de pluie à New York, de cendres à Paris et de neige à Istanbul, Encres Vives, 1995. Réédition 2001.
    Lettres mortes, Poésimage, 1995.
    Chaos, Éditions Ecbolade, 1997.
    Point de fuite, Propos de Campagne, 1998.
    Instants fragiles, Le Maghreb Littéraire, Toronto, 1999.

     

    Liesse à Marrakech, Encres vivres, 2001.

  • Pages Insulaires, les dernières

    Parce que toutes les BONNES choses ont une fin, voici le dernier numéro d'une revue aussi modeste que profonde... Pages Insulaires... et ça me fait très plaisir d'y découvrir "Où sont passés les poètes I" en couverture...

     

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    et voici ci-dessous, par Jean-Michel Bongiraud, pourquoi ce numéro sera le dernier (cliquez sur l'image), et moi j'ai hâte de voire la suite...

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  • La divine terrienne de Walter Ruhlmann

    A Cathy G.

     

    Bien sûr que je la vois! Dans la caverne, la grotte peut-être, une cave naturelle où les humains dessinaient des formes et des lignes en soufflant du carmin, de la poussière de charbon, de la poudre d'ailes de papillons, où les pollens restèrent collés et où ils suçaient quelques os de proies chassées toute la journée.

     

    La poitrine de la déesse est lourde et son bassin large, elle a les pieds sur terre et dessinée ou modelée d'argile terrestre. Le mâle porte des cornes, cette silhouette un peu bestiale a aussi un pénis gigantesque.

     

    Quelque part, sous un arbre, derrière un abri, où les gouttes de rosée s'attardent après la bruine de l'aube, je peux aussi voir une forme imprécise, comme si la femelle elle-même voulait se cacher du reste du groupe, comme timide, ou cachant quelque secret honteux dans les replis de sa mémoire. A-t-elle de longs cheveux? Peint-elle son corps avec les pigments offerts par cette terre splendide, cette terre de richesses, salie et dévastée par leurs descendants? Me verra-t-elle caché dans un coin, derrière un buisson, caché dans les arcanes de son cerveau, caché mais visible à quiconque voudrait me voir?

     

    Qu'elle soit Mélusine, Lilith, Morgane ou Pele – peu importe – eau, terre, air, feu, les quatre éléments sont en elle.

    Elle peut les tailler en artefacts, mots, oeuvres d'art, paroles de chansons, poèmes, cartes de voeux ou impressions, sans aucun artifices ou pétarades.

    Elle les détient simplement quelque part dans les profondeurs de son cerveau reptilien, cette reine lézard qui ne porte rien que sa peau rose.

    Elle a hérité du pouvoir de la déesse Minoéenne aux serpents et des Amazones: fille de la sorcellerie, sagesse incarnée, sage femme, soigneuse, nourrice et nouricière, attentive mère.

     

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    (c)Cathy Garcia

     

     

    The Divine Earthling

    for Cathy G.

     

    Why, yes! I can see her in the cavern, the cave maybe, a natural cellar where humans drew shapes and lines blowing carmine, coal dust, powder from the wings of the butterflies, where pollens stuck and where they sucked the bones of some prey they hunted all day.

     

    The goddess has heavy breasts and a large womb, she has been drawn to earth, drawn or modelled with earthling clay. The male wears horns, the beast-like figure also has a gigantic penis.

     

    Somewhere, under a tree, behind the shed, where dew drops linger after the dawn drizzle, I can also see some unclear shape, as if the female herself wanted to hide from the rest of the people, as if she was shy, or sheltered some shameful secrets within her. Has she got long hair? Does she paint her body with pigment offered by this land of beauty, land of plenty, stained and fouled by what their heirs will do? Will she see me hiding in a corner, behind a bush, hidden in the corner of her brain, hidden but visible to whoever wants to see me?

     

    Whether she is Melusine, Lilith, Morgan or Pele – no matter – water, earth, air, fire – the four elements are hers.

    She can carve them into artefacts, words, art, lyrics, craft, poems, cards or notes, not using artifices or fire-works.

    She just has them somewhere deep in her reptile brain, lizard queen wearing nothing but pink skin.

    She has the powers the Minoan Snake Goddess and the Amazons transmitted to her – daughter of witchcraft, wise woman, midwife, nurse, nurturing and catering, caring mother.

     

    Walter Ruhlmann