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Martin Caparrós

 

En 1958, le président Mao Tsé-toung décida que la Chine devait accomplir son Grand Bond en Avant  ˗ lequel permettrait à leur économie de dépasser en dix ans celle de la Grande-Bretagne, disait-il. Pour cela, le pays devait s’industrialiser -  et des millions de paysans devenir ouvriers.

Des millions de personnes se mirent en marche. La terre, collectivisée, devait être travaillée par des communes rurales si mal improvisées qu’il n’y avait pas moyen qu’elles fonctionnent.  Et les innovations pouvaient être délirantes (…). La famine dura plus de trois ans. On eut recours dans bien des cas à l’anthropophagie. Dans leur désespoir, la population ne mangeait pas seulement les morts : beaucoup d’enfants furent sacrifiés. Les gens tentaient de respecter les vieux tabous et d’éviter de manger les membres de leur propre famille. Ils trouvèrent la solution en exhumant une vieille coutume chinoise : les voisins s’échangeaient les enfants pour ne pas avoir  à manger leur propre sang. «  Ils cessèrent de nourrir les filles ; ils ne leur donnaient que de l’eau. Ils troquèrent le corps de leur fille contre celui de la fille du voisin. Ils firent bouillir le corps dans une espèce de soupe... » raconterait bien plus tard un survivant au journaliste anglais Jasper Becker. Il n’y en avait pas assez et le nombre de morts augmentait. Des révoltes ont éclaté, écrasées par l’Armée rouge. On n’a jamais disposé de chiffres précis, mais on sait qu’au moins trente millions de personnes ont péri de faim entre 1958 et 1962.

 

 

in La Faim, éd. Buchet-Chastel, octobre 2015

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commentaires

  • Yang Jisheng décrit cette Grande Famine de 1958 à 1961 dans son ouvrage Stèles publié au Seuil en 2012. Terrifiant.
    Le nombre de morts y est estimé à 36 millions... Les rouages de la machine étatique sont parfaitement expliqués et le pourquoi de son grippage aussi.

  • merci pour ce complément, dans le livre de Caparrós il y a plus de détails aussi sur l'enchainement des absurdités qui a conduit à cette horreur, je vais diffuser autant d'extraits que je peux de ce monument de 784 pages car vraiment, c'est à lire !

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