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  • Saïd Mohamed

     

    Pris dans la tourmente des loups dépouillés

    Qui guettent l’étrange et le dérisoire.

     

    Partout avec ces mots de pauvre, aller

    Dans la perception des miroirs

    En traversant sur les passages cloutés.

     

    in L'éponge des mots

     

     

     

  • Demain 17 heures Copacabana de Guénane

     

    Éditions Apogée 2014

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    237 pages, 18 €.

     

    Guénane nous entraine dans le sillage d’un coup de foudre sous l’égide du poète Saint Pol-Roux, et nous voilà plongés à sa suite dans le Brésil des années 70. Dans ce roman, il y a quatre-vingts pour cent d’autobiographie et vingt pour cent de caïpirinha arrangée, comme elle le confie elle-même, et tout lecteur qui a eu la chance de franchir l’océan pour poser les pieds sur cette terre de braises, sentira frémir en lui, les symptômes de cette douce maladie, ce virus brasiliensis dont on ne peut plus jamais se défaire.

     

    Du Maranhão et de l’Amazonie au Minas Gerais, Brasilia, Belo Horizonte et plus au sud encore, Rio de Janeiro, quelques-uns des points les plus névralgiques de ce pays immense, sans oublier le sertaõ mangé de lumière et de désespérance, toute l’âme du Brésil est évoquée dans ces deux cent et quelques pages. Sa beauté, ses disparités, ses rythmes, ses rites, ses mystères, sa folie, sa monstruosité. Romancé ? Mais le pays lui-même est un gigantesque roman, quand il vous prend, il vous tient, ne vous lâche plus, c’est de la magie pure, une obscure sorcellerie. Même avec toutes ses douleurs, ses laideurs, l’injustice qui frappe, le fossé entre les classes et tout le poids de l’Histoire et des populations broyées.

     

    « trop d’enfants à manger dans les poubelles, enfouis jusqu’à la taille, à fouir les décharges, leurs îles aux trésors, à en mourir de torpeur sous les émanations de la décomposition, le ventre enflé à force d’être vide ; (…) Luxo, lixo, étrange langue qui joue sur une seule voyelle pour nommer le luxe et les ordures. »

     

    Brésil qui danse et « ici la nuit les rats mangent les bébés. Clouants tropiques (…), les paradis sont des livres que la vie ne lit pas. »

     

    Et dans les années 70, la dictature… « Mais nous sommes en plein miracle économique, en réalité nous décollons et nous pourrissons en même temps, là est le miracle… », explique l’homme aux yeux de perdition aqueuse qui a enlevé la Bretonne et lui offrira le cercle magique de son nom. Quant à l’y enfermer, c’est une autre histoire. La fille est une Bretonne passée par la Prusse, difficile à soumettre.

     

    Guénane a glissé dans ce livre, outre un vécu très personnel, la langue même du Brésil, fondante, envoûtante, elle l’entremêle à sa langue natale, délicieusement. Les Brésiliens ne parlent pas, ils vibrent, ils se caressent de diminutifs.

     

    On lit et on voyage, on plonge et on souffre aussi, le virus se réveille… Il est inexplicable, mais si vous l’avez attrapé, alors vous savez.

     

    On la suit donc volontiers, pas à pas, cette vive et attachante francesinha, cette pimenta, toute jeune, curieuse et entêtée, faite sans aucun doute du même bois que ce rouge Brésil, rouge sang qui bat aux tempes, qui fouette l’âme, qui fait sursauter, danser et pleurer tout à la fois. « la houille humaine, le radium humain (…). C’est ainsi que Saint-Pol-Roux appelle cette énergie dépensée par les yeux, les mains, les cris, les battements du cœur ».

     

    Terre d’énergie, le Brésil l’est sans aucun doute, riche de tout son sang mêlé, contre lequel nulle suprématie ne pourra rien, diluée, emportée, brassée dans la convergence et l’impétuosité des fleuves, jusqu’à l’océan-femme, la belle Iemanja, qui les accueillent tous en son sein fier.

     

    Et la francesinha, est-ce un Brésilien de quinze ans son aîné qu’elle a épousé ou bien le Brésil tout entier ?  Car à ce pays si contrasté, on peut aussi confier ses blessures, ses manques. Il se tisse des liens secrets entre lui et ceux qui ont le cœur boiteux et l’âme à vif.

     

    « Si tu savais ne jamais arriver, partirais-tu ? » lit-on dans un poème de Saint-Pol-Roux. La réponse est oui, mille fois oui. Il y a des rendez-vous auxquels,on n’échappe pas. Demain 17 heures Copacabana.

     

     

    Cathy Garcia

     

     

    393548940.jpgLa ville de Lorient ayant été anéantie par les bombes alliées, Guénane est née le 26 juillet 1946, "en exil" au cœur de la Bretagne. Elle a grandi dans la vallée du Blavet, fleuve canalisé par Napoléon, en un lieu où régnait une usine sidérurgique et où continue d'étouffer son enfance. Après des études de lettres à Rennes où elle a enseigné, elle a longtemps vécu en Amérique du Sud. Elle réside aujourd’hui en Bretagne Sud là où le Blavet se jette dans la mer.

     

    Bibliographie :

    Poésie/ Au-delà du bout du monde, La porte, 2015 •  L'approche de Minorque, la porte, 2014 •  Dans la gorge du diable, Apogée, 2013 •  La guerre secrète, Apogée, 2011 •  La ville secrète, Rougerie, 2011 •  Couleur femme, Rougerie, 2007 •  L'Ile Subtile, Rougerie, 2007 •  Ile, Rougerie, 2006 •  L'océan te l'apprendra, Rougerie (2005) •  L'idée d'île, Rougerie, 2003 •  Une île dans le regard, Rougerie, 2002 •  Un fleuve en fer forgé, Rougerie, 2002 •  Poing d'ombre, Rougerie, 2000

    Plaquettes/ Venise ruse, La Porte, 2012 •  Hoedic (Caneton), La Porte, 2010 •  Le Mot de la fin, Apogée, 2010 •  Sein, La Porte, 2009 •  L'île frôlée, La Porte, 2005

    Prose/ Deux récits : 40 pieds sur le Rhum, G.D Editions, 2003 •  L'ange gardien, éditions Blanc Silex, 2001

    Romans, nouvelles/  Demain 17 heures Copacabana, éd. Apogée, 2014 •  L'Approche de l'Equinoxe, nouvelle avec bois poli signé Christophe Carmellino •  Carnet des Sept Collines, Jean-Pierre Huguet Editeur ,2007 •  Pax, Amers Editions, 2002

     

    http://guenane.olympe.in/

     

     

     

  • Cioran

     

    On vous demande des actes, des preuves, des œuvres, et tout ce que vous pouvez produire, ce sont des pleurs transformés.

    in Pensées étranglées