J'ai lu et relu Celle qui manque au fil d'une écriture que j'ai ressentie comme une traversée de la douleur pour atteindre la lumière.
Expression d'une conscience à vif, comme disséminée ("Des bouts de moi se disputent des lambeaux de fantômes"), parfois jusqu'à la tentation de disparaître, Celle qui manque parle de la perte, de la colère mais aussi de l'absence de concession, de la volonté acharnée de trouver du sens et même de la joie dans un monde hostile, souvent voué aux faux-semblants.
Beaucoup de tes phrases m'ont touchée intimement : "Trop de passages dans ma tête, de galeries creusées avec les dents. Dans ma bouche, elles ont poussé en arrière, de peur de mordre peut-être." "J'ai voulu disparaître pour être enfin née. Disparaître pour que dans le seul souvenir, l'amour puisse grandir."
En contrepoint de cette âpreté, ton écriture fait cependant la part belle à la sensualité. Je l'ai perçu, en particulier, dans les nombreuses évocations de la nature : voluptueuses, fusionnelles. "Je suis humus, humaine." "Périple vers la gorge douce et verte des grottes tapissées d'eau" / "quel étrange vaisseau sommes-nous donc ?"
Évoluant dans des paysages d'herbe et de vent mais aussi, souvent, dans des univers liquides, ondoyants, la narratrice rêve d'une légèreté à conquérir, d'une altérité instinctive et vraie que ses mots restituent enfin : "Celle qui manque ici n'a besoin de rien. Ses trous laissent passer l'air et la lumière." "Celle qui manque va de désert en désert où elle s'entête à croire aux fleurs."
Car : "Écrire n'est pas un but, seulement un chemin."
Laure Anders, février 2020