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  • Théodore Monod


    (…) en ce qui concerne la chasse en Europe. il faut admettre que c'est une pratique parfaitement anachronique. On ne chasse plus pour se nourrir ou pour se défendre, on chasse pour s'amuser! Et là, intervient une question de morale: il est inacceptable de faire souffrir des êtres vivants par simple plaisir. Si encore ces animaux étaient tués de manière instantanée, mais il y a ceux qui sont blessés, aveuglés par des décharges de plombs, qui ont perdu une aile ou une patte, et vont agoniser misérablement des jours, des nuits durant.

    Nos lointains ancêtres ne pouvaient se passer de chasser, soit. Les chasseurs se réclament de la tradition, mais ce recours à l'ancienneté justifie-t-il les pratiques actuelles? Cela me paraît philosophiquement intenable. Ce n'est pas parce qu'une chose est ancienne qu'elle est bonne, sinon, faisons la guerre, elle est ancienne! Pratiquons la torture, elle est ancienne, l'esclavage aussi! Il faut que l'homme se débarrasse de ces horreurs s'il veut "s'hominiser". Mais il n'en a pas l'air: il continue à aimer la guerre, la violence et la cruauté.

    Des lois existent. Pourquoi les chasseurs peuvent-ils les bafouer avec une telle désinvolture?

    Nous savons bien que tous les partis politiques sont favorables aux chasseurs parce qu'ils représentent un puissant électorat. De ce fait, ils jouissent d'une tolérance tacite. C'est interdit mais on ferme les yeux, que ce soit sur la chasse de nuit, ou sur le massacre de la tourterelle au printemps.

     

     

  • La certitude des pierres de Jérôme Bonnetto

     

    éditions Inculte, 8 janvier 2020

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    192 pages, 16.90€.

     

    Ségurian est un village isolé et perché dans la montagne, dont le saint patron est St Barthélémy, fêté comme il se doit tous les 24 août, avec la sortie du saint en procession et la traditionnelle préparation et dégustation bien arrosée de la soupe au pistou. Tout un symbole si on pense au massacre du même nom et nul doute que l’auteur ne l’a pas choisi par hasard.

    Ségurian est un village de chasseurs et les chasseurs forment un clan avec un chef qui est aussi le chef, de père en fils, d’une entreprise familiale de construction qui a bâti une bonne partie du village : ce sont les Anfonsso. Joseph Anfonsso est donc un chef : chef de famille, chef d’entreprise, chef des chasseurs. Et plus tard, il passera la main à son propre fils Emmanuel. Tout est bien qui tourne bien, immuablement, dans ce village refermé sur lui-même.

    « L’amour de Joseph pour la chasse n’était pas feint. Première carabine à six ans, la première grive à sept sous le fier regard du père, la main tendre qui décoiffe l’enfant. L’amour de la chasse, c’est avant tout l’amour du père. La rudesse de l’homme qui n’avait pas appris à faire de compliments se fendait devant les succès répétés de Joseph, qui repensait souvent au jour où son père lui avait dit, après avoir tiré un lièvre à plus de quatre-vingts mètres : “Tu es bien mon fils, tu es comme moi, mais en mieux. ” En économie comme dans les sentiments, c’est la rareté qui fait le prix. Joseph en avait eu les larmes aux yeux. »

    Ségurian donc, village de chasseurs : « La société comptait cent membres pour quatre cents habitants. »

    La vie du village et la propre vie de Joseph Anfonsso auraient pu ronronner ainsi durant des millénaires sans que rien ne change, sans que rien surtout ne doive changer, mais c’était sans compter l’arrivée de Guillaume, un 24 août en plus. La certitude des pierres est divisé en six chapitres allant de la première St Barthélémy à la sixième, la première étant celle où Guillaume donc est arrivé au village.

    Les parents de Guillaume Levasseur s’étaient installés depuis quelques années à Ségurian, dans la maison d’un oncle décédé, un original dont ils ne savaient pas grand-chose. Les parents Levasseur après avoir travaillé toute leur vie en ville, avaient désiré s’éloigner des « fourmilières déshumanisées » et se rapprocher de la nature, d’autant plus que Guillaume était déjà parti depuis trois ans, pour l’Afrique sur un coup de tête. Mais donc la famille, avec un seul membre au cimetière, est « une pièce rapportée, des estrangers, des messieurs de la ville comme on dit. Va falloir qu’ils fassent leurs preuves, les Levasseur. Va falloir me remplir ce caveau avant d’élever la voix, avant de faire les fiers, avant de touiller la soupe au pistou. C’est comme ça, c’est l’ordre des choses. »

    Et voici que Guillaume non seulement débarque dans le village, mais surtout, tombé amoureux de ce coin de montagne, il a un projet : y monter une bergerie. Et Guillaume, c’est une force de la nature, ce n’est pas juste un jeune illuminé malgré ses cheveux longs, c’est un rêveur certes, un intello qui grimpe dans les arbres pour y lire des livres, mais c’est un bosseur aussi, qui compte bien voir aboutir son rêve. Et il s’y met et le rêve peu à peu se concrétise, il y travaille comme un acharné, la bergerie voit le jour et même elle va s’agrandir d’année en année, des chèvres, des moutons, choisis avec soin, ça marche bien, sauf que cette bergerie elle se situe au-dessus de la maison de Joseph et que les moutons paissent sur des terrains habituellement dédiés à la chasse au sanglier et que dès le départ, ça pose problème. Pour Joseph, la montagne, c’est chez lui et « pas pratique de chasser au milieu de toute cette laine. »

    « On était là avant, pensa-t-il. C’est une question de bon sens. »

    La tension va monter crescendo jusqu’à la quatrième fête de St Barthélémy après l’arrivée de Guillaume : alors que ce dernier, sollicité pour sa force physique, porte comme Joseph, la statue du Saint Patron sur la procession, Joseph a une défaillance qui provoque la chute de la statue du Saint Patron qui en perd la tête. L’irritation envers le berger va basculer alors définitivement dans une véritable haine.

    « Le berger avait jeté une mauvaise onction sur le village. C’était un gâcheur de fête, un empêcheur de tourner en rond, un perturbateur d’horizon, un branleur de situation. Il dérangeait l’ordre établi, il barbouillait les lignes, troublait l’air comme l’eau le pastis. Un mouton noir, c’était le mouton noir, un Boche, un Turc. (…) Avec le berger, brillait la lumière maléfique des sabbats. Un jour, les aiguilles de l’église se mettraient à trotter à l’envers et, ce jour là, on serait perdu, toutes les sources seraient taries, de la mousse pousserait au sud et l’ogre marcherait sur le village pour manger les enfants. »

    La certitude des pierres, est un portrait précis, ironique, mordant, sans concession mais malheureusement réaliste cependant, d’une communauté qui n’accepte pas facilement ceux qui ne sont pas d’ici et c’est un drame quasi biblique qui y prend place — Joseph le chasseur et Guillaume le berger. L’écriture de Jérôme Bonnetto est belle, poétique, âpre et minérale comme la montagne et c’est avec un évident talent que l’auteur met en relief l’entêtement et la folie des hommes, leur lâcheté tout autant que leur courage, la bêtise et la mesquinerie quotidienne, les silences complices et ce refus d’analyser en soi les véritables racines de la rage en les affublant au contraire de tous les déguisements possibles de légitimité.

     « On est un bois, un bloc, une race.

    On se comprend. On fait à notre idée. On a nos règles, les seules qui vaillent. Les autres peuvent passer, on les salue, de loin, comme ça. Du plus loin possible. »

    La certitude des pierres est un roman dont on se régale, malgré l’amertume certaine qui reste en travers de la gorge, surtout si on a soi-même connu cet entre-soi qui entraine l’exclusion d’autrui et qui est une réalité certaine de la ruralité comme de bien d’autres communautarismes.

    L’auteur ne porte pas directement de jugement mais décrit de l’intérieur même des personnages, le mécanisme de la violence, la loi du silence et le poids d’un orgueil écrasant qui transmis de père en fils et poussé jusqu’à son extrême, peut mener l’homme à sa propre perpétuelle impasse.

    Cathy Garcia

     

     

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    Jérôme Bonnetto est né à Nice en 1977, il vit désormais à Prague où il enseigne le français. La certitude des pierres est son troisième roman.

     

     

     

     

     

     

  • Théodore Monod

     

    ACCIDENT DE CHASSE

    L'argument traditionnel, et toujours invoqué, est que le véritable coupable est, en réalité, simplement la fatalité. Celle-ci a vraiment bon dos, surtout quand on veut comparer l'accident de chasse à un accident de la route: une voiture n'est pas homicide par destination, tandis qu'un fusil est fait pour tuer et ne peut servir à rien d'autre.

     

     

     

  • Frida Kahlo

     

    J’avais l’habitude de penser que j’étais la personne la plus étrange au monde, mais ensuite j’ai pensé, il y a beaucoup de gens comme ça dans le monde, il doit y avoir quelqu’un comme moi, qui se sent bizarre et endommagé de la même façon. Je l’imagine, et j’imagine qu’elle doit penser à moi aussi. Bien, j’espère que si tu lis ça, tu sais que oui, que c’est vrai, je suis là et je suis aussi étrange que toi.

     

    Yo solía pensar que era la persona más extraña del mundo, pero luego pensé, hay mucha gente así en el mundo, tiene que haber alguien como yo, que se sienta bizarra y dañada de esta misma forma. Me la imagino, e imagino que ella también debe estar por ahí pensando en mí. Bueno, yo espero que si tú estás por ahí y lees esto, sepas que sí, que es verdad, yo estoy aquí y soy tan extraña como tú.

     

     

     

  • Heptanes Fraxion

     

    à ma gauche une station service désaffectée
    à ma droite
    un centre commercial qui a fini par remplacer l'ancienne caserne
    silence
    silence comme seule prière
    silence

    odeurs de conifères
    équations folles des embruns dans les rues détrempées où tout fait miroir
    où je suis l'homme qui pleut
    où je suis l'homme qui pue la pluie