Ateliers écriture du 19 mars à Oloron (64)
Merci aux participant-e-s qui ont trouvé le temps
de taper et de transmettre leurs créations !
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LA VILLE IMAGINAIRE
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Ville de NORTON AMIE SOLAIRE
Place équilatérale escamotant tout tracé et triturant toutes sorties, sentes sinueuses sans sens s’évanouissant toujours subitement, … la balade s’avère donc parsemée d’embûches. Allez comprendre cet enchevêtrement de rues et de passages souvent transformés en chausse-trappes à contourner pour ne pas s’égarer ou se heurter à des murs. Pourtant nous sommes accompagnés dans notre promenade par le concepteur de la trame, sans doute dépassé par son œuvre. Le pont ne se passe pas sans encombre. L’avenue bordée de platanes, quant à elle, s’ouvre largement devant nous. Et nous sommes à présent à ce carrefour : quelle route prendre pour aller au bout de notre voyage ?
Cette rue semble bien. Les bâtiments se resserrent. Une placette pleine de terrasses de cafés invite à la pause. Un édifice plus haut et plus trapu que les autres ressemble à un espace public. C’est peut-être là que se tiendra tout à l’heure le rassemblement des édiles. Mais le temps passe, en avant vers ce parc planté d’essences endémique qui permet à la ville de respirer. Le vert des végétaux se marie bien avec la brique des murs laissés sans enduits. Un bus passe. Jusque-là le trafic ne se faisait pas remarquer.
À l’arrière du bus, une publicité pour les carambars donne une autre touche de couleur. Nous passons un nouveau pont sur cette rivière qui traverse la ville. Il nous mène dans les bas quartiers, sans doute inondables, ce qui justifie cet imposant portail escamotable qui doit sans doute être fermé lorsque la crue menace. Est-ce la vue de cette publicité pour une gourmandise ou le fait que je n’ai rien avalé ce matin, quoi qu’il en soit la faim me tenaille soudain, au point d’en être douloureuse. Je vais fausser compagnie au groupe pour m’arrêter dans cette épicerie où je trouverai bien de quoi calmer mes maux. Curieuse ambiance. Lumière tamisée. On se croirait plutôt dans un bouge. Une affiche d’un érotisme torride est placardée sur le mur du fond où une tenture de velours rouge laisse deviner un passage. Vers une backroom ? Qui sait ?
Mon imagination me joue parfois des tours et je n’ai de toute façon pas le temps de m’appesantir sur la question. Je ramasse vite un paquet de biscuits sur un rayonnage qui rassemble des produits et des objets hétéroclites et me présente à la caisse. Il est temps que je me remette en route pour rejoindre les autres et arriver à l’heure à la réunion. Mais cet épisode m’a troublée.
J’entame cette pente raide et ne tarde pas à retrouver le groupe qui n’a pas pris trop d’avance, trop affairés qu’ils sont à déchiffrer le menu de cette auberge devant laquelle ils se sont arrêtés, sans doute mus par la même faim que moi. Je range le paquet de biscuits que j’avais entamé et me fraye un passage jusqu’au menu placardé devant la porte. L’auberge nous propose un drôle de voyage culinaire :
en entrée :
Velouté de cucurbitacées relevé au curcuma
ou
Œufs cocote au caramel de jujuba
en plat :
Ylang ylang en vermicelle cheveux d’ange sur rôti de pigeonneau
ou
Aloyau braisé et son écrasé de haricots
et enfin en dessert, choix entre :
Gélatine aromatisée à la banane flambée
ou
Émincé de goyave sur lit de beignet
Nous voilà repus. Avant de reprendre notre cheminement vers le lieu de réunion, nous réglons à tour de rôle notre note à l’aubergiste perché sur sa chaise haute tel un sphinx. À mon tour de m’exécuter et voici ce qui me donnera le sésame :
• Qu’est-ce que l’avenir nous réserve ? Une brassée.
• Pourquoi le ciel est-il changeant ? Parce que sur cette terre aride la vie est tellement précieuse et belle.
J.
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Ville de Soiran Aime Ronlote
Ronlote, étape ennuyeuse et terrifiante, elle est toute éclatée en nœud dormant.
Aime et tri idiot, tapageur, ronflant.
Soiran, non non, négligez Zoé et Thérèse.
Allez porter votre poubelle au bout de la route, là où se trouve le parc : toboggan et balancelles, enfants joyeux.
La montagne s’élève au-dessus des cabanes.
Le marché est bruyant, tout le monde s’y rencontre.
La cloche de la chapelle sonne à tout va.
Je m’arrête sur un banc.
Le car sur le parking est sur le départ vers le lycée, ancien bagne envahi par les sangliers. Les marcassins suivent les filles, attendant une friandise.
Travailler, apprendre, imaginer, écrire le texte de l’après-midi : l’équipe s’applique.
La réunion se tiendra sous le pont, vous contournerez le mur et vous passerez le portail.
Le sujet du jour, à Soiran, porte sur les maux et la façon de soigner :
- caries et carambar,
- solitude et érotisme,
- boiterie et skateboard.
N’hésitez pas à proposer un nouvel aménagement pour chacun d’eux.
Je m’ennuie, j’ai faim.
Le sujet du jour, à Ronlote, laisse les participants rêveurs.
Aime se réjouit de tout le bonheur qui fleurit çà et là avec le printemps.
Aujourd’hui le menu de l’auberge sera :
Veau marengo et son petit riz
Oreilles d’escargots en chemise de nuit
Yaourt et concombre, appelle le tzatziki
Artichauts en salade servis cuits
Gingembre confit
Et glace avec coulis.
Voilà mes tickets restaurant, j’y ai caché ce que tu voulais.
Pourquoi la vie est-elle si longue, si ennuyeuse, si triste ?
Parce que les nuages pleurent.
Qu’est-ce que tu peux changer ?
Une fleur
Adieu, je pars.
M-P
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Ville d'Ô Mantero Lioransie
_« Quartier remarquable et très semblable en nos souvenirs sensuels, suspendus sur Rome. Surprenant territoire enchâssé, écrasé, émotionnel, ludique et tellement tremblant, tremblotant.
J’adore ce brumeux nuage où repos et calme prennent tout leur sens.
L’atmosphère permet à force poumon d'être submergé par les odeurs de mures, de curcuma ou de sueur.
À fleur de peau à chaque rayon de lune dont les mélopées grelottantes procurent autant d'amour que de force, les huttes sont suspendues entre les prés où poussent les fleurs les plus colorées du monde.
Chaque rue, chaque chemin pavé d'humeur, reflète ses habitants, ces passants, ses visiteurs.
Le rire autant que la sensualité et la flemme s'élèvent, laissant apparaître de petits nuages gracieux qui caressés par les ailes des mésanges deviennent musique, en cadeau au ciel et à la lune.
La place centrale où se déroulent les réunions, lieu où se discute inlassablement la nécessité de pérenniser les maux et la faim, est cernée par un petit ruisseau où coule une eau délicate au parfum de lilas.
On y accède après avoir franchi le grand portail par un petit pont de carambar, matériaux à la fois souple, malléable et très collant dont il est fait aussi, quelques murs, lorsque fondent les plus anciennes constructions.
Je dois souligner que le marshmallow étiré et tendu, suspendu au-dessus de la place pour l'occasion, par quelques girafons bleus est emprunt d'érotisme et laisse planer un petit air serein-sucré.
Le menu de l'auberge propose, selon les vents et quartier de lune :
Velouté aux larmes de girafon bleu et ses éclats de voix
Ode à l’ébène, mauvais sentiments poivre-chocolat
Yacht meringué fourré d'amour sur lit de caresses jasmin
Accompagnements sympathiques eaux et vins
Gaudrioles de passants et sa salade de mesclun
Étoile carmin (légumineuse de nos soins)
Attention tu devras m'offrir deux énigmes qui te permettront si je suis satisfait, de choisir de rentrer chez toi, mais à ton réveil tu ne te souviendras de rien, ou bien sûr de rester.
Si tu choisis de rester, il te faudra faire l'offrande d'un sentiment à la communauté.
Désormais je t'écoute : »
_« Qu’est-ce que tu penses de la mort ?
Une capucine
_ Pourquoi les vaches ont quatre pattes ?
Parce que dieu le veut »
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Ville de RIMOSTANE-EN-OROILA
J’arrive et trébuche en entrant, tellement tendue et timide. Ville énigmatique, ensorcelante. Quelle éblouissante étendue. Rues sinueuses, sableuses, savamment taillées. Murailles sentinelles. Grand dénivelé, escaliers sauvages.
Je m’avance à pas menus toujours et m’engouffre dans les ruelles. Souvent obscures, elles ne sont cependant pas effrayantes. Les gens devant leurs pas de porte, m’observent, me regardent passer, sans méchanceté. Je me sens plus courageuse, tente quelques regards, de tendresse même. On m’a raconté que la coutume veut que les étrangers fassent preuve de tendresse avant qu’on ne leur adresse la parole. Pour le moment, aucune autre réaction que des regards muets. Je persévère dans mon avancée. Toutes les ruelles mènent à une vaste place. Elle est très bruyante, c’est jour de marché ! Quel bonheur ! Que d’étals, que de monde, que de couleurs ! Les odeurs sont envoûtantes, me mettent l’eau à la bouche sauf que problème : avec quel argent peut-on payer ? J’ose demander à un marchand : ne me répond pas. De même avec un passant.
Je m’arrête, alléchée, devant un autre qui vend des pâtisseries et à ma grande surprise, le marchand qui a vu que je regardais ce qui ressemble à des tartelettes aux fruits, prend un petit sac en papier, en glisse une avec des fruits verts dedans et me le tend. Je suis gênée, lui explique que je n’ai pas d’argent parce que nul n’a pu me dire quelle devise circulait dans cette cité et je ne saurais ainsi le payer. Le marchand fait une grimace amusée et insiste à me tendre le sachet. Je le saisis car je ne veux pas le fâcher et d’un regard que j’espère très tendre, le remercie. Il a l’air satisfait et je repars avec ma friandise. Je la mange de suite, plante les dents dans un nectar de fruit d’une saveur indescriptible sur une pâte d’une finesse exquise qui m’enchantent le palais. Je vais ainsi déambulant sur cette grande place et chaque marchandise devant laquelle je m’arrête est mise dans un petit sac et je paye d’un regard d’une tendresse que j’espère la plus généreuse. Il faut que je quitte ce marché, ma petite valise est tellement pleine que je ne peux plus rien acheter de plus mais quel étrange et fascinant marché !
Je repars dans les petites ruelles qui m’emportent vers d’autres quartiers de la ville. À la sortie du marché, une très énigmatique foire aux mots me fait repartir avec des petits papiers, un peu comme ceux qui enrobaient dans mon enfance les fameux carambars colle-aux-dents mais ici point de blague ni de sucrerie, juste un mot et je ne sais trop quoi en faire mais je les mets dans ma poche, il ne s’agirait pas de les perdre car cela avait l’air très important pour les habitants.
Le quartier dans lequel je me trouve maintenant est très différent des précédents, les rues sont plus droites, les murs sont peints de toutes les couleurs et au-dessus des portes, il y a des enseignes et comme il m’a fallut pour venir apprendre obligatoirement la langue de la cité (le Rimostainroilannais), je peux lire ce qui est écrit sur chacune de ces enseignes : Malodo, Malalatête, Malodents, Malpartout, Malalâme… Je dois être dans le secteur des spécialistes en toutes sortes de maux, ce qui assez rigolo, il y a même Malocu ! Je traverse ce surprenant quartier tellement désert, les habitants ne doivent pas être souvent malades ! J’aperçois alors un pont qui surplombe une jolie petite rivière. Ce pont est fermé par un grand portail en ce qui semble être des sortes de bambous joliment ouvragés. Vraiment magnifique ! Je m’approche, le portail n’est pas fermé, suffit de le pousser pour traverser le pont. Ce que je vois alors une fois engagée dessus me laisse sans voix. Sur chaque rive tout au bord de la rivière, des groupes de personnes entièrement dénudées se baignent ou prennent le soleil. Une sensation de paix se dégage de tous ces gens, certains sont assis en cercle et on l’air de parler comme dans une sorte de réunion, toujours ce sentiment de calme et de sérénité et d’autres groupes encore… et là je ne sais si je peux en parler, je suis quand même assez troublée. Il y a comme une sorte de danse, les uns et les autres s’enlacent, se caressent, s’embrassent et ils se dégage de ces scènes un tel érotisme que je suis soudain gênée d’être plantée là sur le pont à regarder et je préfère reprendre ma marche mais je suis émue par la beauté et la quiétude de tout ce que je viens de voir.
Je me promène encore, découvrant de nouveaux quartiers, chacun avec ses singularités et je crois bien que c’est la plus belle cité jamais visitée mais je commence à avoir faim. Ça tombe bien, une auberge se présente juste au coin de la rue. Je suis curieuse, voyons son menu :
« Vol au vent de sirocco
Oreillettes de pecorino
Accras de légumes rose soleil
Y’a bon à la sauce abeille
Gourmandise de la chèvre du patron
Entremets glacé au melon-melon »
Ce repas était vraiment délicieux, je pensais pouvoir payer là aussi d’un regard infiniment tendre mais là ça ne marche pas comme ça ! J’apprends ainsi l’existence d’un très vieux sphinx gardien de la cité et je découvre non sans un léger frisson que sans jouer le jeu qui m’est proposé maintenant, je ne pourrais la quitter. Le vieux sphinx a faim lui aussi et il n’a pas faim de chair mais de questions et de réponses, aussi nous nous cotisons - tous ceux qui ont mangé ce jour dans cette auberge - pour lui offrir chacun deux questions et leurs réponses.
Voici les miennes :
Pourquoi l’herbe bleue est-elle si délicate ?
- Parce que le désert donne soif.
Qu’est-ce que la poésie ?
- Un squelette.
Ca
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Mon portrait fantastico-poétique
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Un peu geai effronté, un peu clé amoureuse, je chante violet
Un peu jolie pianiste, je joue irisé
Un peu tranquille, un peu saute-mouton, un peu loyauté, un peu asperge, un peu bossa-nova, un peu spaghetti bolognese, un peu café, un peu cloporte, je soigne ocre jaune
Un peu merdre, un peu louche, ou peu capitaine crochet, un peu bavarois, un peu pince-monseigneur, un peu jalousie
Je suis un hérisson, je m’appelle tempête, je marche vermillon
Je suis une chimère, je m’appelle pâquerette
Je suis une dague, je m’appelle tristesse, je siffle vert olive
Je suis une fleur, je m’appelle amour
Je suis une aviatrice, je m’appelle joie
Je suis un pied, je m’appelle chausse-pied
Je suis un fantôme, je m’appelle sang
Je suis un ruisseau, je m’appelle plaisir
Je suis un arc-en-ciel, je m’appelle lapis-lazuli
J.