Capharnaüm par Nadine Labaki (Liban, 2018)
On en oublie que c'est du cinéma car cela semble un documentaire et j'ai été particulièrement plombée et même suffoquée en le regardant, impossible de dire que j'ai "aimé", trop de malaise mais je crois que c'est important qu'il existe. Le parti pris de la réalisatrice est très brut, un casting de personnes sans papier, les oubliés des bas-fonds insalubres de Beyrouth, nous sommes plus que proche de la réalité, elle s'emmêle étroitement au film et en même temps la focalisation sur le presque trop beau jeune Zain devient parfois oppressante. Zain magnifiquement incarné par Zain al-Rafeea, lui-même réfugié syrien arrivé au Liban à l'âge de 7 ans. Yordanos Shiferaw qui joue Rahil, la mère éthiopienne, a été arrêtée puis relâchée pendant le tournage, comme son personnage. Le parti pris c'est l'enfant qui porte plainte contre ses parents pour l'avoir mis au monde, c'est la colère légitime d'un jeune garçon de 12 ans — nul ne sait vraiment son âge, il n'existe pas — condamné pour avoir poignardé "un fils de chien" qui a épousé sa sœur de 11 ans après l'avoir échangée contre deux poulets, sœur qui mourra quelques mois après devant les portes de l'hôpital d'une grossesse qui tourne mal. Colère d'un jeune garçon aux prises avec toute la violence d'un monde dans lequel ses parents sont tellement plus bas que terre qu'ils ne peuvent se comporter en parents tout en continuant à faire des enfants. Colère légitime mais le portrait à charge des parents est brutal car peu importe ici leur propre histoire. Capharnaüm ne peut laisser indifférent, surtout quand Zain se retrouve seul avec le fils encore bébé de Rahil et ce film a reçu à sa sortie à Cannes (trois fois primé) autant d'éloges que de vives critiques.