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  • J.-B. Pontalis

     

     Chercher à avoir raison, c'est vouloir avoir raison de l'autre, c'est l'arraisonner : qu'il soit immobilisé, pétrifié, qu'il reste sans voix devant la puissance de votre argumentation, qu'il soit empêché, comme un bateau arraisonné, de poursuivre sa propre traversée, incertaine. Je ne récuse pas les théories. Je préfère naviguer dans leur marges.

     

    in En marge des jours

     

     

  • Liberté d'expression

     

    "Petite" remarque avant de retourner à mon silence : pour comprendre l'ironie, le second degré, la caricature, les blagues il faut un socle commun, ne pas en tenir compte est stupide, agresser l'autre parce qu'il n'a pas le même socle que toi, c'est stupide jusqu'à être impardonnable, un seul mot pour ça : éducation, de soi et de l'autre, de soi pour comprendre que l'autre justement n'a pas ce socle qui permettrait de rire ensemble, car le but me semble t-il du rire c'est de rire ensemble non ? et d'autre part éducation de l'autre si on l'accueille chez nous pour qu'il puisse rire avec nous - quiconque s'est déjà retrouvé parmi des gens qui ne parlent pas notre langue (comme par exemple les sonorisateurs, les ados, les médecins...) et qui se marrent à tout bout de champs sans qu'on comprenne pourquoi avec des mots, des notions, qui n'ont pas pour nous le même sens que pour eux, et donc sans qu'on puisse partager ce rire peut comprendre ça (et qu'on ne me dise pas que personne n'a ce brin de parano qui fait qu'on se vexe facilement quand on ne comprend pas - rajoutez à ça trois doses d'Histoire, une grosse motte d'injustice, une pincée de colonialisme et quelques générations de malheur, ça devient vite indigeste). Le rôle d'un journal satyrique n'est pas d'éduquer, ce sont les bouffons au sens noble du terme (d'ailleurs notez bien ce mot et comment il signifie autre chose dans un autre contexte, bande de bouffons !), les clowns sacrés (voir les sociétés traditionnelles amérindiennes) qui viennent péter au milieu d'un discours solennel et se gratter les couilles à l'enterrement d'un proche, j'espère d'ailleurs que l'enterrement des charlies les fera marrer (les charlies je veux dire !), ils sont absolument essentiel, indispensables à l'équilibre d'une société libre et saine, mais justement il faut donc que par ailleurs chacun joue son rôle de façon saine, que l'éducation éduque, que la justice soit juste, etc etc (les politiques, la police, les banques, les entreprises, les citoyens, tout, que tout fonctionne de façon juste, équitable dans un monde équitable, utopie quand tu nous tiens !), ce qui a AUSSI tué Charlie c'est d'avoir joué leur rôle parfaitement (et donc d'être parfaitement critiquable aussi, et ils étaient les premiers sans aucun doute à le clamer) dans une société où tout le reste est parti en couilles depuis longtemps, et oui comme l'a dit Charb, le problème étant aussi le fait de ne pas plus utiliser la liberté d'expression dans des pays où on peut le faire (mais peut-on vraiment le faire ? tout ceux qui s'y essaient - je ne citerai pas SIVENS entre milliers d'exemple... - ou bien charlie hebdo - épuisé - ne servait finalement plus que de faire-valoir de surface à une pseudo liberté d'expression, masquant ainsi la véritable réalité politique ? et c'est ça qui met en danger ceux qui le font pour de vrai, qui s'expriment, qui s'opposent, qui exigent des moyens pour vivre, éduquer, etc etc de façon juste, qui se battent par exemple pour un revenu de base qui permettrait beaucoup de choses, et pas un rsa= parasites qu'une partie de notre exemplaire patrie voudrait bien lyncher avec d'autres "catégories", dont celles qui nous font peur aujourd'hui, tous ceux qui ne regardent pas que leur nombril, leur patrie justement mais le monde dans son ensemble !

    Quiconque - dont je fais partie - à travaillé dans les quartiers autrefois appelés difficiles ou à problèmes, maintenant délicatement nommés "sensibles", sait parfaitement ce qu'il en est, sans parler de tout le reste des problèmes qui s'accumulent pendant qu'on fait la queue pour le nouveau iPhone !!! alors oui la colère, oui....mais elle ne date pas de trois jours....alors non je ne suis pas Charlie, Charlie c'était Charlie, et ça aurait été bien qu'il puisse le rester pendant que chacun fasse ce qu'il faut pour être lui même à sa place avec une conscience qui soit la sienne et qui toutes rassemblées (et pas besoin de sortir dans la rue pour ça, ça se fait tous les jours dans le moindre de nos gestes, et suis bien placée pour savoir les ricanements et les réactions que cela provoque) permettent à une partie du monde de sortir de l'hypnose alors que tant crèvent partout de ce sommeil collectif, directement à cause, oui à cause de nos façons de vivre, de consommer, de ricaner bêtement, notre peur de l'autre plus ou moins larvée, notre paresse, notre lâcheté, notre manque de solidarité effective, notre peur d'avoir l'air con si on est trop sensible.... il n'y a pas longtemps on m'a rit au nez parce que je soulignais l'importance de l'empathie, un terme babacool soit disant.... alors non, je ne suis pas Charlie, je ne suis pas athée non plus, pas plus que je me réclame d'aucune religion, je suis moi-même et je suis aussi toi quand je veux essayer de te comprendre, ouverte à tout ce qui fait notre humanité depuis le début, il y a à prendre il y a à jeter, il y a à transformer mais chaque fois que l'on pense avoir le monopole de la civilisation, des vraies valeurs, des bonnes valeurs, de l'intelligence, de la vérité, de la connaissance de ce qui est bon pour l'autre, etc etc etc etc alors on est juste de vrai(e) nases et on est dangereux oui !

     

    Cathy Garcia, le 10 janvier 2014, 13h01

     

     

     

     

  • Cyril Sarot - L’AD XIX / Le partage du sans cible

    Extraits

     

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    Je ne me sens ni poète ni écrivain ni artiste. On me le reproche parfois. Comme si cette distance me venait d’un sentiment d’illégitimité, d’une retenue futile et frileuse vis-à-vis de ces termes, alors qu’ils ne me paraissent pas obligatoirement séduisants ou enviables – pas plus d’ailleurs honteux. Il y a plusieurs explications à mes réticences, qui proviennent en priorité du rapport profond que j’entretiens à ce que je fais. Mais ces réticences, j’ai souvent du mal à les expliquer. Je me lance parfois dans des explications sans fin, alors que l’argument le plus direct et le plus simple serait sûrement le suivant : lorsque je fais descendre ces mots en moi, lorsque je les questionne en les confrontant à ma sensibilité, à mon intériorité consciente, il ne se passe rien. Pas d’adhésion, pas de résonance, pas d’écho. Pas de réaction, pas d’émotion, pas le début d’un frisson. Rien !

     

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    La culture populaire est le plus souvent perçue comme une culture pour le peuple, accessible et ouverte, ayant pour vocation de s’adresser au plus grand nombre plutôt qu’au cénacle (à l’inverse par exemple d’une certaine forme de poésie contemporaine, où des spécialistes du langage s’adressent à d’autres spécialistes du langage, avec pour conséquence une dissolution du fond dans une sorte de recherche formelle glaciale et sans grâce). Mais la culture populaire peut aussi être perçue comme une culture par le peuple, où la question du statut et de la place occupée par l’œuvre – et celui qui la fait – est secondaire. Dans une courte vidéo sur Youtube, Valérie de Saint-Do rappelle que pour bon nombre de peuples « primitifs » ou « premiers », l’idée d’avoir accès à l’art ou à la culture est une aberration, car l’art est l’expression d’une symbolique et d’un imaginaire partagés ; ce que Jacques Rancière définit comme « le partage du sensible dans la communauté ». On ne se pose pas la question d’avoir accès à une peinture, à une sculpture ou à une musique : on la partage. La culture populaire est alors ce qui naît de ce partage, une culture pour ainsi dire qui va de soi, gratuite, désintéressée, sans buts ni objectifs assignés – un partage du sans cible –, prise dans le flux de la vie et de ses échanges ; une émergence commune et qui existe, pour les œuvres aussi bien que pour leurs auteurs, en dehors et au-delà de tout statut.

     

    *

    Il m’est arrivé deux ou trois fois, alors que plusieurs de mes textes venaient d’être chantés, de me retrouver sur scène afin de saluer le public. Je connais trop ma timidité pour lui retirer la part du malaise qui est le mien dans ce genre de circonstances. Mais son origine est également ailleurs, dans le sentiment de ne pas être à ma place, de monter sur la scène alors qu’au fond de moi, dans mon cœur et dans mon esprit, je sais que ce n’est pas de là que j’écris.

    Il m’est arrivé aussi de saluer de ma place, sans bouger de mon siège. Dans ce cas la situation est différente : quelqu’un de la salle, au milieu du public, se lève et dit : c’est moi qui ai fait ça ! Cette fois j’ai l’impression d’être raccord. La symbolique me convient mieux. Elle est en phase avec ce que je fais, et la façon dont je vis ce que je fais.

     

    (...)

     

    *

    Je sais bien qu’il y a un prix à payer à ce genre de positionnement, qu’il faudrait être capable de se mettre en avant, de se revendiquer pour espérer une plus grande part de crédibilité – et un peu de cette reconnaissance qui passe si souvent par des postures (je serais hypocrite si j’affirmais ne pas céder quelques fois à la tentation d’en adopter). J’ai pourtant la sensation de faire les choses telles que je dois les faire, en étant à-peu-près là où je dois être – ce qui n’a pas toujours été le cas, et ne le sera sûrement pas toujours. D’où des moments d’exaltation et de grâce, de joie et de plaisir intense qui me sont procurés par l’écriture. D’où également des moments de doute, de découragement et de solitude, liés à la confidentialité de mon travail, au sentiment de mes limites et à la conscience aigüe de ma médiocrité.

     

    *

     

    Un retour sur la formule de Rancière : « le partage du sensible dans la communauté ». Mais n’est-ce pas exactement ce qu’on doit attendre d’un artiste ? Et n’est-ce pas précisément ce dont il s’agit dans ce blog ? Poète, écrivain, artiste : j’ai sûrement moins un problème avec ces termes qu’avec ce qu’on en fait, la façon dont on les évide, l’indigence de leur usage répétitif et machinal, jusqu’à les priver de leur sens. Et je crois puissamment à l’importance et à la force de ce partage, à la mise au pot commun la plus désintéressée possible du sensible, quand ce partage est perçu et vécu pour ce qu’il est : un moyen de projection dans le monde, d’affirmation de soi, de désir de l’autre et d’engagement pour préserver la vie, là où la vie est en danger.

     

    (...)

     

     

     

  • Anna Gréki - El Houria


    Il jaillit tout entier lui-même de sa bouche
    Cet amour fort vibrant comme l'air surchauffé
    Tout entier de sa propre bouche à ras du cœur


    Hors de la matrice énorme de la guerre
    Tu nais dans un soleil de cris et de mains nues
    prodiguant des Juillets moissonneurs et debout


    Nos morts qui t'ont rêvée se comptent par milliers
    Un seul aurait suffi pour que je me rappelle
    Le tracé des chemins qui mènent au bonheur


    Les champs de tendre chair se taisent apaisés
    Nos morts rendent la terre au soc frais des charrues
    Et dans tes veines bat la flamme de leur sang


    Toi qui as exigé l'extrême du possible
    D'épouvantables vertus - ce pain de ta bouche -
    Tu iras par la force au-delà de toi même


    Nous qui t'avons nourrie du plus cher de nous-mêmes
    La terre crue la datte sèche et le pois chiche
    Nous t'apprendrons à vivre de cœur populaire


    Chaque homme a droit de vie sur qui lui tient à cœur
    Tu fais partie du monde humilié des vivants
    Le peuple qui te tient aura raison de toi
    Le ciel indépendant ne parle qu'au futur
    Il nous reste à présent l'énergie de l'espoir.


    Je t'aime Liberté comme j'aime mon fils