Peinture rupestre de la période Têtes Rondes - Ti-n-Awanghet - Tassili n'Ajjer
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Asmâa Hamzaoui et son groupe, la seule femme vraiment reconnue comme mâalem (maître) de musique gnawa ce qui est en train de révolutionner cet univers.
Comme le scorpion, mon frère,
tu es comme le scorpion
dans une nuit d’épouvante.
Comme le moineau, mon frère,
tu es comme le moineau
dans ses menues inquiétudes.
Comme la moule, mon frère,
tu es comme la moule
enfermée et tranquille.
Tu es terrible, mon frère,
comme la bouche d’un volcan éteint.
Et tu n’es pas un, hélas,
tu n’es pas cinq,
tu es des millions.
Tu es comme le mouton, mon frère,
quand le bourreau habillé de ta peau,
quand le bourreau lève son bâton
tu te hâtes de rentrer dans le troupeau
et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier.
Tu es la plus drôle des créatures, en somme,
plus drôle que le poisson
qui vit dans la mer sans savoir la mer.
Et s’il y a tant de misère sur terre,
c’est grâce à toi, mon frère.
Si nous sommes affamés, épuisés,
si nous sommes écorchés jusqu’au sang,
pressés comme la grappe pour donner notre vin,
irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute ? Non,
mais tu y es pour beaucoup, mon frère.
Traduit par Hasan Gureh
Prépare ta valise. Achète un billet. Change de pays. Cesse d’être schizophrène. Tu ne le regretteras pas. Ici, tu n’es pas en paix avec ton âme. Tu te racles tout le temps la gorge. L’Occident n’est pas fait pour toi. Ses valeurs t’agressent. Tu ne supportes pas la mixité. Ici, les filles sont libres. Elles ne cachent pas leurs cheveux. Elles portent des jupes. Elles se maquillent dans le métro. Elles courent dans les parcs. Elles boivent du whisky. Ici, on ne coupe pas la main au voleur. On ne lapide pas les femmes adultères. La polygamie est interdite. C’est la justice qui le dit. C’est la démocratie qui le fait. Ce sont les citoyens qui votent les lois. L’État est un navire que pilote le peuple. Ce n’est pas Allah qui en tient le gouvernail.
Tu pries beaucoup. Tu tapes trop ta tête contre le tapis. C’est quoi cette tache noire que tu as sur le front ? Tu pousses la piété jusqu’au fanatisme. Des poils ont mangé ton menton. Tu fréquentes souvent la mosquée. Tu lis des livres dangereux. Tu regardes des vidéos suspectes. Il y a trop de violence dans ton regard. Il y a trop d’aigreur dans tes mots. Ton cœur est un caillou. Tu ne sens plus les choses. On t’a lessivé le cerveau. Ton visage est froid. Tes mâchoires sont acérées. Tes bras sont prêts à frapper. Calme-toi. La violence ne résout pas les problèmes.
Je sais d’où tu viens. Tu habites trop dans le passé. Sors et affronte le présent. Accroche-toi à l’avenir. On ne vit qu’une fois. Pourquoi offrir sa jeunesse à la perdition? Pourquoi cracher sur le visage de la beauté?
Je sais qui tu es. Tu es l’homme du ressentiment. La vérité est amère. Elle fait souvent gerber les imbéciles. Mais aujourd’hui j’ai envie de te la dire. Quitte à faire saigner tes yeux.
Ouvre grand tes tympans. J’ai des choses à te raconter. Tu n’as rien inventé. Tu n’as rien édifié. Tu n’as rien apporté à la civilisation du monde. On t’a tout donné : lumière, papier, pantalon, avion, auto, ordinateur… C’est pour ça que tu es vexé. La rancœur te ronge les tripes.
Gonfle tes poumons. Respire. La civilisation est une œuvre collective. Il n’y a pas de surhomme ni de sous-homme. Tous égaux devant les mystères de la vie. Tous misérables devant les catastrophes. On ne peut pas habiter la haine longtemps. Elle enfante des cadavres et du sang.
Questionne les morts. Fouille dans les ruines. Décortique les manuscrits. Tu es en retard de plusieurs révolutions. Tu ne cesses d’évoquer l’âge d’or de l’islam. Tu parles du chiffre zéro que tes ancêtres auraient inventé. Tu parles des philosophes grecs qu’ils auraient traduits. Tu parles de l’astronomie et des maths qu’ils auraient révolutionnées. Tant de mythes fondés sur l’approximation. Arrête de berner le monde. Les mille et une nuits est une œuvre persane. L’histoire ne se lit pas avec les bons sentiments. Rends à Mani ce qui appartient à Mani et à Mohammed ce qui découle de Mohammed. Cesse de te glorifier. Cesse de te victimiser. Cesse de réclamer la repentance. Ceux qui ont tué tes grands-parents sont morts depuis bien longtemps. Leurs petits-enfants n’ont rien à voir avec le colonialisme. C’est injuste de leur demander des excuses pour des crimes qu’ils n’ont pas commis.
Tes ancêtres ont aussi conquis des peuples. Ils ont colonisé les Berbères, les Kurdes, les Ouzbeks, les Coptes, les Phéniciens, les Perses… Ils ont décapité des hommes et violé des femmes. C’est avec le sabre et le coran qu’ils ont exterminé des cultures. En Afrique, ils étaient esclavagistes bien avant l’île de Gorée.
Pourquoi fais-tu cette tête ? Je ne fais que dérouler le fil tragique du récit. Tout est authentique. Tu n’as qu’à confronter les sources. La terre est ronde comme une toupie, même s’il y a un hadith où il est écrit qu’elle est plate. Tu aurais dû lire l’histoire de Galilée. Tu as beaucoup à apprendre de sa science. Tu préfères el-Qaradawi. Tu aimes Abul Ala Maududi. Tu écoutes Tarik Ramadan. Change un peu de routine. Il y a des œuvres plus puissantes que les religions.
Essaie Dostoïevski. Ouvre Crime et châtiment. Joue Shakespeare. Ose Nietzche. Quand bien même avait-il annoncé la mort de Dieu, on a le droit de convier Allah au tribunal de la raison. Il jouera dans un vaudeville. Il fera du théâtre avec nous. On lui donnera un rôle à la hauteur de son message. Ses enfants sont fous. Ils commettent des carnages en son nom. On veut l’interroger. Il ne peut pas se dérober. Il doit apaiser ses textes.
Tu trouves que j’exagère ? Mais je suis libre de penser comme tu es libre de prier. J’ai le droit de blasphémer comme tu as le droit de t’agenouiller. Chacun sa Mecque et chacun ses repères. Chacun son dieu et à chaque fidèle ses versets. Les prophètes se fustigent et la vérité n’est pas unique. Qui a raison et qui a tort ? Qui est sot et qui est lucide ? Le soleil est assez haut pour nous éclairer. La démocratie est assez vaste pour contenir nos folies.
On n’est pas en Arabie saoudite ni au Yémen. Ici, la religion d’État, c’est la liberté. On peut dire ce qu’on pense et on peut rire du sacré comme du sacrilège. On doit laisser sa divinité sur le seuil de sa demeure. La croyance, c’est la foi et la foi est une flamme qu’on doit éteindre en public.
Dans ton pays d’origine, les chrétiens et les juifs rasent les cloisons. Les athées y sont chassés. Les apostats y sont massacrés. Lorsque les soldats d’Allah ont tué les journalistes, tes frères ont explosé de joie. Ils ont brûlé des étendards et des bâtiments. Ils ont appelé au djihad. Ils ont promis à l’Occident des représailles. L’un d’eux a même prénommé son nouveau-né Kouachi.
Je ne comprends pas tes frères. Il y a trop de contradictions dans leur tête. Il y a trop de balles dans leurs mitraillettes. Ils regardent La Mecque, mais ils rêvent de Hollywood. Ils conduisent des Chrysler. Ils chaussent des Nike. Ils ont des IPhone. Ils bouffent des hamburgers. Ils aiment les marques américaines. Ils combattent « l’empire », mais ils ont un faible pour ses produits.
Et puis, arrête de m’appeler « frère ». On n’a ni la même mère, ni les mêmes repères. Tu t’es trop éloigné de moi. Tu as pris un chemin tordu. J’en ai assez de tes fourberies. J’ai trop enduré tes sottises. Nos liens se sont brisés. Je ne te fais plus confiance. Tu respires le chaos. Tu es un enfant de la vengeance. Tu es en mission. Tu travailles pour le royaume d’Allah. La vie d’ici-bas ne t’intéresse pas. Tu es quelqu’un d’autre. Tu es un monstre. Je ne te saisis pas. Tu m’échappes. Aujourd’hui tu es intégriste, demain tu seras terroriste. Tu iras grossir les rangs de l’État Islamique.
Un jour, tu tueras des innocents. Un autre, tu seras un martyr. Puis tu seras en enfer. Les vierges ne viendront pas à ton chevet. Tu seras bouffé par les vers. Tu seras dévoré par les flammes. Tu seras noyé dans la rivière de vin qu’on t’a promise. Tu seras torturé par les démons de ta bêtise. Tu seras cendre. Tu seras poussière. Tu seras fiente. Tu seras salive. Tu seras honte. Tu seras chien. Tu seras rien. Tu seras misère.
Extrait de Lettre à un soldat d’Allah - Chroniques d’un monde désorienté, Karim Akouche, éd. Écriture (Editions de l'Archipel), Paris, 2018 ; éd. Frantz Fanon, Boumerdès, 2018.
Les safaris, les touristes, les "j'ai vécu 24 h avec les Himbas", je me déguise en Himba..... Ils sont beaux, presque encore authentiques bien que photographiés et filmés en permanence, surtout les femmes, pour pouvoir continuer à être ce qu'ils sont, c'est à dire libres et magnifiques, mais au-delà de l'image et du frisson dont les Occidentaux sont friands.... qu'en est-il de l'avenir du peuple Himba ?
Je ne sais pas si c'est vrai, car on trouve ça qui circule sur le net, mais ça me parait absolument vraisemblable et le chant chez tous les peuples autochtones (nous compris, autrefois) est étroitement lié à la naissance, à la vie tout au long et à la mort, sacré et profane ne sont pas séparés.
Chez le peuple Himba de Namibie, la date de naissance d’un enfant n’est pas comptée depuis sa naissance, ni depuis sa conception, mais depuis le jour où il était une pensée dans l’esprit de sa mère.
Et quand une femme décide qu'elle aura un enfant, elle s'en va s'asseoir toute seule sous un arbre et elle écoute jusqu'à ce qu'elle puisse entendre le chant de l'enfant qui veut venir. Et après avoir entendu le chant de cet enfant, elle revient vers l'homme qui sera son père et le lui apprendra. Et puis, quand ils font l'amour pour concevoir physiquement l'enfant, ils chantent parfois le chant de l'enfant comme un moyen de l'inviter.
Et puis, quand la mère est enceinte, la mère enseigne la chanson de cet enfant aux sages-femmes et aux vieilles femmes du village, de sorte que, lorsque l'enfant est né, les vieilles femmes et son entourage chantent la chanson de l'enfant pour l'accueillir. Et ensuite, à mesure que l'enfant grandit, les autres villageois apprennent le chant de l'enfant. Si l'enfant tombe ou se blesse au genou, quelqu'un le relève et lui chante sa chanson. Ou peut-être que l'enfant fait quelque chose de merveilleux ou qu'il passe par les rites de la puberté, puis, pour honorer cette personne, les habitants du village chantent sa chanson.
Et ça va dans leur vie. Dans le mariage, les chansons sont chantées ensemble. Et enfin, quand cet enfant est allongé dans son lit, prêt à mourir, tous les villageois connaissent son chant et le chantent pour la dernière fois.
Source :
Le chant de La Vieille
corps tordu
incendie
calcinée
je suis
soumise
tel fut mon satori
ma beauté demeure
hors de ta portée
vie et mort
j’ai la connaissance
des profondeurs
c’est pour cela
que le serpent m’a aimée
toutes les bêtes
m’ont apprivoisée
pattes griffes
plumes toisons
ma flèche touche au cœur
tout prédateur nommé homme
je règne animale
sur toute la création
j’ai initié bien des peuples
qui m’ont nommée lunaire
de la génisse à la brebis
pour m’asservir
nombre de lois
ont été dictées
mais joug après joug
je demeure l’indomptée.
je parle la langue des oiseaux
qui lisent dans mon cœur
les mauvais augures
ne portent pas de plumes
mais des bâtons cracheurs de feu
des couteaux et des bombes
au commencement des temps
j’étais déjà penchée
sur le berceau de l’humanité
en moi était contenue
l’empreinte de toute forme
et la mémoire des abysses
ma puissance est immense
je suis la porte des mondes
je suis le cobra
prends garde humain
si tu ne respectes pas l’équilibre
tu seras balayé pulvérisé
à genoux homme
ferme les yeux
ouvre ton cœur
ton sexe est sacré
l’as-tu donc oublié ?
allez viens danser avec moi
sens-tu sous tes pieds
le frisson des racines ?
sens-tu le rythme du vent
les tourbillons de la sève ?
viens danser avec moi
viens sentir l’étreinte
et la lune dans nos veines
je connais les partitions du frisson
et les passes secrètes
qui font du plaisir
un art sacré
je connais les paysages intérieurs
des quêtes et des illuminations
vers le nord hypothétique
je vois au loin sur les plaines
la lente pérégrination des hommes
pour se connaître
il leur faut pénétrer la terre
ériger des totems
pour ensemencer les cieux
mais ils se trompent
et n’encensent
que faux dieux.
pour me connaître
qu’ils suivent la piste
féline.
ils pourront me trouver aussi
nue et lisse au creux des pierres
s’ils posent leur oreille
contre les os de la terre
ils entendront battre
mon cœur
je suis l’innocence faite chair
mais ne te laisse pas bercer
par la douceur de mes courbes
une part de moi ne dort jamais
sous le regard de l’éveillée
tu es nu comme un nouveau né
mystère et magie
art des saltimbanques
depuis le début des temps
j’accompagne les nomades
car mon nom est mouvement
je suis la première et la dernière
sœur amante mère épouse
je suis toutes en une
et une en toutes
je suis la voie du cœur
la voix enchanteresse
j’ai pouvoir de vie et de mort
tant de fois j’ai enfanté les ténèbres
huilé la nuit de mon corps
je suis le serpent primordial
qui enlacera le monde
après tant de siècles à m’humilier
comprendras-tu enfin ?
cg, 2009
in Universelle
en ces lieux pour des siècles
je serai ton puits d’intuitions
ton estuaire de nuit
l’empreinte de ton archet
combe échancrure
fêlures effluves
que la pluie vienne
que la pluie nous lave
de toute nostalgie
in Des volcans sur la lune