Trois profondes entailles, en partie créées par l’homme, entourées de deux chevaux - Paléolithique supérieur - Forêt de Fontainebleau
photo : Émilie Lesvignes
RÉSURGENCE
Je suis la Truie dit-elle
et la Lionne.
Mon jardin fut des plus fertiles,
ma fontaine des plus sacrées.
Je contiens tous les âges,
le temps devant moi
docilement s’inclinait.
Ils sont venus
en mon ventre
arracher le soleil.
Ils m’ont liée à la lune,
jetée à la nuit
mais jamais lumière
ne fut plus blanche
qu’entre mes cuisses
Toi le frère, le fils, le père
et l’Ancien qui a trahi,
tu te dresses en conquérant
sur des ruines et des cendres.
Tu invoques l’amour
glaive à la main,
des fusils des roquettes,
innombrables phallus
de destruction.
Tu n’as jamais été pourtant
aussi impuissant,
homme émasculé du sens,
depuis que les déesses de l’amour
tu as maudites.
Innana, Ishtar, Astarté
Brûlés le fruit le jardin
Symboles de ta perdition
Tu as réduit les mères nourricières
au rang de putains de l’agro-industrie,
tu leur a mis le joug
de tes folies mécanistes.
Cérès Déméter pleurent sans fin,
quelle que soit la saison,
Perséphone ne quitte plus les enfers.
La vulve de Gaïa est sèche,
ses seins sont crevés,
ses veines lourdes et souillées.
La vérité n’est plus voilée,
elle est violée sans répit
mais tu as beau pilonner homme
je reste l’Inviolable
et la Vierge éternelle
« car je suis la première et la dernière.
Je suis l’honorée et la méprisée.
Je suis la prostituée et la sainte.
(…)
Ayez du respect pour moi.
Je suis la scandaleuse et la Magnifique. » *
in Salines, 2007
* transcrit de papyrus gnostiques traduits en copte au IIIe ou Ive siècle,
découvert vers 1945 à Nag’ Hammâdi, en Haute-Egypte