Stockton's Wing - Humours Of Clonmult
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Emmène-moi voir les aurores boréales, écouter le chant pur des étoiles et des baleines. Emmène-moi là où tu m’aimeras si fort et si vrai que je pourrais tracer du bout des doigts le contour de nos souffles sur le tableau noir de la nuit originelle. Nous baignerons nos âmes dans une vapeur de résine et les mettront à sécher au soleil de minuit. Puis dans une chambre de glace bleue translucide, nos corps se métamorphoseront en bêtes chaudes et suantes enlacées dans une même flamme.
in Partie pour rester
Il faut tenir bon, s’accrocher à la barre, museler le mental, l’attacher au mât… Il faut tenir bon, océan, désert, jungle étouffante, être les héros de nos tragi-comédies, les aventuriers du néant quotidien, les chevaliers du rêve, les ninjas de nos emmerdes banales et ridicules, naufragés de la méduse en plastique, recalés de la Grande Parade. Il nous faut tenir et surtout, rester bons.
in Le livre des sensations
mer intime
les oreilles
sont des coquillages
bouchez-les
vous entendrez
la mer intérieure
in Petit livre des illuminations simples
Personne ne quitte sa maison
À moins d’habiter dans la gueule d’un requin.
Tu ne t’enfuis vers la frontière
Que lorsque toute la ville s’enfuit comme toi.
Tes voisins courent plus vite que toi
Le goût du sang dans la gorge.
Celui qui t’a embrassé à perdre haleine
Derrière la vieille ferronnerie
Traine un fusil plus grand que lui.
Tu ne quittes ta maison
Que quand ta maison ne te permet plus de rester.
Personne ne quitte sa maison
À moins que sa maison ne le chasse
Le feu sous les pieds
Le sang qui bouillonne dans le ventre.
Tu n’y avais jamais pensé
Jusqu’à sentir les menaces brûlantes de la lame
Contre ton cou.
Et même alors tu conservais l’hymne national
À portée de souffle
Ce n’est que quand tu as déchiré ton passeport
Dans les toilettes d’un aéroport
En t’étranglant à chaque bouchée de papier
Que tu as su que tu ne reviendrais plus.
Il faut que tu comprennes,
Que personne ne pousse ses enfants dans un bateau
A moins que la mer te semble plus sûre que la terre.
Personne ne brûle ses paumes
Suspendu à un train
Accroché sous un wagon
Personne ne passe des jours et des nuits dans le ventre d’un camion
Avec rien à bouffer que du papier journal
À moins que chaque kilomètre parcouru
Compte plus qu’un simple voyage.
Personne ne rampe sous des barrières
Personne ne veut être battu
Ni recevoir de la pitié.
Personne ne choisit les camps de réfugiés
Ni les fouilles à nu
Qui laissent ton corps brisé
Ni la prison
Mais la prison est plus sûre
Qu’une ville en feu
Et un seul garde
Dans la nuit
C’est mieux que tout un camion
De types qui ressemblent à ton père.
Personne ne peut le supporter
Personne ne peut digérer ça
Aucune peau n’est assez tannée pour ça.
Alors tous les :
« À la porte les réfugiés noirs
Sales immigrants
Demandeurs d’asile
Qui sucent le sang de notre pays,
Nègres mendiants
Qui sentent le bizarre
Et le sauvage,
Ils ont foutu la merde dans leur propre pays
Et maintenant ils veulent
Foutre en l’air le nôtre »
Tous ces mots-là
Ces regards haineux
Ils nous glissent dessus
Parce que leurs coups
Sont beaucoup plus doux
Que de se faire arracher un membre.
Ou les mots sont plus tendres
Que quatorze types entre tes jambes.
Et les insultes sont plus faciles
À avaler
Que les gravats
Que les morceaux d’os
Que ton corps d’enfant
Mis en pièces.
Je veux rentrer à la maison
Mais ma maison est la gueule d’un requin
Ma maison est le canon d’un fusil.
Et personne ne voudrait quitter sa maison
À moins d’en être chassé jusqu’au rivage
À moins que ta propre maison te dise :
Cours plus vite
Laisse tes vêtements derrière toi
Rampe dans le désert
Patauge dans les océans
Noie-toi
Sauve-toi
Meurs de faim
Mendie
Oublie ta fierté
Ta survie importe plus que tout.
Personne ne quitte sa maison
A moins que ta maison ne chuchote grassement à ton oreille :
Pars
Fuis-moi.
Je ne sais pas ce que je suis devenue
Mais je sais que n’importe où
Vaut mieux qu’ici
Traduction le Boojum