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MES NOTES DE LECTURE : LITTÉRATURE JEUNESSE - Page 3

  • Les enfants invisibles : histoires d'enfants des rues, Marie-José Lallart et Olivier Villepreux

    Note parue sur http://www.lacauselitteraire.fr/les-enfants-invisibles-histoires-d-enfants-des-rues-marie-jose-lallart-et-olivier-villepreux.html

     

    Les enfants invisibles : histoires d'enfants des rues, Marie-José Lallart et Olivier Villepreux
    illustrations Guillaume Reynard, Actes Sud Junior septembre 2012
     

    Dans ce livre, Marie-José Lallart, ex-fonctionnaire internationale à l’Unesco, prête sa voix aux enfants des rues de différents pays. Elle explique la démarche dans une préface inaugurée par un proverbe du Burkina Faso, qui en dit bien plus qu’un grand discours.

    « Le contenu d’une cacahuète est suffisant pour que deux amis puissent le partager ».

    « Les Écoles de l’espoir » est une association créée à l’initiative du footballeur professionnel international Mikaël Silvestre, qui souhaitait aider les enfants à accéder à l’alphabétisation au Niger, et puis dans d’autres pays d’Afrique et d’ailleurs, grâce au lien avec d’autres associations et le soutien d’autres sportifs célèbres. C’est par cette association que Marie-José Lallart a pu rencontrer ces enfants des rues : les bui doi au Viêtnam (« poussière de vie »), los desechables en Colombie (« les jetables »), bana imbia (« les chiens ») en république du Congo, les shégués, ou phaseurs « celui qui passe » de Kinshasa, considérés parfois pour leur plus grand malheur, comme des « enfants sorciers ».

    « Le seul fait d’aller à l’école permettrait sûrement que l’on nous regarde différemment, car c’est bien le regard des autres qui est le pire ennemi des “shégués” ».

    Et puis encore, les enfants sans nom du Niger qu’on appelle asimekpe au Togo (« le caillou du marché »), les katmis à Madagascar « en référence aux “quatre misères” : drogue, prostitution, alcoolisme, vol » et aussi les enfants de Gaza, les jeunes handicapés et les talibés du Sahara, les enfants de Nyamey dont les parents sont handicapés et ne peuvent subvenir à leurs besoins, les enfants d’Haïti après le goudou goudou, le terrible tremblement de terre de 2010, les enfants du fleuve Maroni en Guyane, les meninos da rua de Luancia en Angola qui vivent et mangent sur les décharges, souvent recrutés comme enfants soldats et qui servent entre autre de « bouclier humain » pour déminer leur pays, un des plus minés au monde… Sept pays plus une région et la liste est loin d’être exhaustive, car des enfants des rues, il y en a un peu partout dans le monde et ce sont les premières et plus vulnérables victimes de la misère et de la violence qui en résulte.

    Le fait que l’auteur prête ici sa voix aux enfants rencontrés, plutôt que de les raconter, donnent bien plus de force à ces témoignages, car il est rare en réalité que l’on entende, y compris dans le domaine humanitaire, la parole des oubliés du monde. D’entendre ce qu’ils ont à dire, leurs questionnements, leurs peurs, leurs problèmes, leurs besoins, leurs désirs… Bien-sûr, le plus évident, c’est qu’ils voudraient et devraient être des enfants comme les autres, protégés par la société si leurs parents ne sont plus en mesure de le faire, protégés par des lois qui sont écrites et signées par tous les pays du monde, dans la Convention des droits de l’Enfant. Ils voudraient aller à l’école, dormir sous un toit, manger à leur faim, ils voudraient rester en vie, ne plus se cacher, ne plus vivre dans la peur d’être battus, violés, volés, assassinés, enrôlés de force par des milices ou des sectes, ils voudraient ne plus avoir à se droguer à l’essence ou à la colle pour dormir, oublier leur peur, leur faim, ils voudraient jouer au foot avec un vrai ballon, avoir des vêtements, des chaussures, apprendre des métiers, ils voudraient réapprendre à rêver, être aimés et respectés.

    Ce livre est donc salutaire pour que les jeunes lecteurs, mais aussi leurs parents, puissent prendre conscience de réalités trop souvent ignorées, occultées, car on ne peut se targuer de vouloir faire découvrir le monde à nos enfants sans leur dire la vérité de ce monde. Et ces témoignages ne sont pas simplement un étalage de faits tragiques, mais aussi de très belles histoires, de solidarité, d’entraide, de projets réussis, de bonheurs partagés, une leçon contre l’indifférence et l’égoïsme. Elles permettent de prendre conscience que même un tout petit geste compte, lorsqu’il est fait pour aider l’autre.

    Une double-page à la fin de chaque récit – des récits datés qui s’étalent entre 1996 et 2011 – est consacrée au pays concerné, permettant ainsi au lecteur d’en savoir plus sur sa situation, son emplacement géographique et sa culture. Cela renforce la pertinence de cet ouvrage, égayé aussi par de chouettes illustrations de Guillaume Reynard, façon croquis de carnets de voyage. Bref, un livre à mettre dans toutes les mains et qui pourrait servir de solide support pour un travail en milieu scolaire.

     

    Cathy Garcia

     

    Marie-José Lallart est directrice de la collection Exclamationniste aux éditions de L’Harmattan, et s’intéresse particulièrement aux œuvres pluridisciplinaires. Elle-même auteur aux goûts éclectiques, elle aime mélanger les genres. Elle a étudié la psychologie et la philosophie avant de travailler pour l’UNESCO. Elle publie des recueils de poésie et de nouvelles en collaboration avec des photographes et des illustrateurs.

     Bibliographie : Ombres de femmes (avec Nelly Roushdi et Gaël Toutain), Éd. Du Cygne, 2006 ; Petit fil de soi, L’Harmattan, 2006 ; Il suffit de…, L’Harmattan, 2009.

     

    Olivier Villepreux a été journaliste au sein du journal L’Équipe et rédacteur en chef du magazine Attitude rugby. Il est aussi l’auteur de L’Histoire passionnée du rugby (éd. Hugo & Cie) et anime le Blog Contre-Pied :

    http://contre-pied.blog.lemonde.fr/

     

  • Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler de Luis Sepulveda

    Note parue sur : http://www.lacauselitteraire.fr/histoire-d-une-mouette-et-du-chat-qui-lui-apprit-a-voler.html

    Illustré par Miles Hyman, Seuil Jeunesse & Métailié, 23 août 2012. 112 p. 25 €

     

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    Encore un très beau collector en série limitée, pour fêter les 20 ans de Seuil Jeunesse, en collaboration avec les Éditions Métailié qui ont publié Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler, pour la première fois, en 1996. On connaît le talent de conteur de Sepúlveda, et quand ce talent est mis au service des enfants, fidèle à lui-même, cela donne une fable intelligente, écologiste, drôle et poétique qui plaît autant aux petits qu’aux grands. On y parle d’amitié, de courage, de confiance, d’entraide et de l’amour de l’autre dans sa différence.

    Avec une couverture en toile sérigraphiée et un tiré à part, le tout est présenté dans une pochette transparente fermée par un autocollant signé Muzo. Un écrin à la hauteur, pour cette nouvelle édition grand format, avec de très belles illustrations de Miles Hyman.

    Zorbas, est un bon gros chat noir heureux, qui a une belle vie, depuis qu’un jeune garçon l’a sauvé, tout petit, du bec d’un pélican pas très futé. Quand son jeune maître s’apprête à partir en vacances pour deux mois, Zorbas sait qu’il va pouvoir lui aussi profiter d’un temps rien que pour lui, car tout est parfaitement organisé pour son confort : logis, nourriture, et la liberté d’aller et venir comme bon lui semble.

    Il ne se doutait pas encore de ce qui l’attendait : une mouette piégée par une marée noire, échoue, engluée et mourante, sur sa terrasse. Zorbas est un chat digne et plein de compassion, aussi il voudrait tout faire pour l’aider, la sauver, mais hélas il est déjà trop tard. Avant de mourir, elle lui confie son plus précieux trésor et lui fait promettre trois choses : ne pas manger l’œuf, s’en occuper jusqu’à la naissance du poussin et lui apprendre à voler. Désireux de bien faire, Zorbas a promis.

    « Zorbas prit l’œuf entre ses pattes de devant et vit comment le poussin donnait des coups de bec pour faire un trou par lequel sortir sa petite tête blanche et humide.

    – Maman, cria le poussin de mouette ».

    Voilà Zorbas bien embêté, être une maman mouette déjà, ce n’est pas courant pour un chat, mais apprendre à un oiseau à voler ?! Heureusement la plupart des chats du port peuvent être solidaires quand il faut aider un camarade. Même les rats peuvent collaborer, moyennant quelques arrangements.

    « Les problèmes d’un chat du port sont les problèmes de tous les chats du port, déclare solennellement Colonello ».

    C’est l’occasion de découvrir toute une faune du port de Hambourg, et des personnages plus pittoresques les uns que les autres et tout particulièrement le Colonello et son Secrétario, chats d’un restaurant italien et Jesaitout, chat d’un grand bazar tenu par un vieux loup de mer, qui vont aider Zorbas à accomplir sa mission impossible. Jesaitout est un chat savant, qui consulte à tout propos une encyclopédie en plusieurs tomes.

    « Pardon. Mais pour moi l’encyclopédie est irrésistible. Chaque fois que je regarde dans ses pages j’apprends quelque chose de nouveau. Morue. Mouette. On y est ! »

    Mais les encyclopédies ne savent pas tout, et il faudra donc en recourir à la poésie pour arriver à bout de cette aventure, et qui connaît mieux la poésie que les poètes ? Mais pour cela il va falloir briser la tabou et miauler la langue des humains. Mais un poète, c’est un humain pas tout à fait comme les autres, il est un peu bizarre, n’est-ce pas ?

    « – Il ne sait peut-être pas voler avec des ailes d’oiseau, mais en l’entendant j’ai toujours pensé qu’il volait avec ses mots, répondit Zorbas.

    (…)

    C’est ainsi que Zorbas fut autorisé à miauler avec le poète.

    (…)

    Écoute, chat. Je vais te lire quelque chose d’un poète appelé Bernardo Atxaga. Des vers d’un poème intitulé “Les Mouettes”.

    Mais leur petit cœur

    – cœur d’équilibristes –

    Ne soupire jamais autant

    Que pour cette pluie bête

    Qui amène le vent presque toujours

    Qui amène le soleil presque toujours

    – Je comprends. J’étais sûr que tu pouvais nous aider, miaula Zorbas en sautant du fauteuil ».

    Et c’est comme ça qu’Afortunada, la mouette élevée par Zorbas le chat, s’envolera une nuit depuis la Tour St Michel dans le ciel de Hambourg.

    « Je vole ! Zorbas ! Je sais voler ! criait-elle euphorique depuis l’immensité du ciel gris ».

    Oui, vraiment, l’Histoire de la mouette et du chat qui lui apprit à voler est une grande et belle histoire, de celles qui font battre le cœur un peu plus fort et mettent un peu de pluie dans les yeux pour les faire briller.

     

    Cathy Garcia

     
     

    A propos de l'écrivain

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    Luis Sepulveda

     

    Luis Sepúlveda est un écrivain chilien né le 4 octobre 1949 à Ovalle. Son premier roman, Le Vieux qui lisait des romans d’amour, traduit en trente-cinq langues et adapté au grand écran en 2001, lui a apporté une renommée internationale. 1975 : il a vingt-quatre ans lorsque, militant à l’Unité populaire (UIP), il est condamné à vingt-huit ans de prison par un tribunal militaire chilien pour trahison et conspiration. Son avocat, commis d’office, est un lieutenant de l’armée. Il venait de passer deux ans dans une prison pour détenus politiques. Libéré en 1977 grâce à Amnesty International, il voit sa peine commuée en huit ans d’exil en Suède. Il n’ira jamais, s’arrêtant à l’escale argentine du vol. Sepúlveda va arpenter l’Amérique latine : Équateur, Pérou, Colombie, Nicaragua. Il n’abandonne pas la politique : un an avec les Indiens shuars en 1978 pour étudier l’impact des colonisations, engagement aux côtés des sandinistes de la Brigade internationale Simon-Bolivar en 1979. Il devient aussi reporter, sans abandonner la création : en Équateur, il fonde une troupe de théâtre dans le cadre de l’Alliance française. Il arrive en Europe en 1982. Travaille comme journaliste à Hambourg. Ce qui le fait retourner en Amérique du Sud et aller en Afrique. Il vivra ensuite à Paris, puis à Gijon en Espagne. Le militantisme, toujours : entre 1982 et 1987, il mène quelques actions avec Greenpeace. Son œuvre, fortement marquée donc par l’engagement politique et écologique ainsi que par la répression des dictatures des années 70, mêle le goût du voyage et son intérêt pour les peuples premiers.

     

     

  • Contes d'ailleurs et d'autre part, Pierre Gripari

    Note parue sur : http://www.lacauselitteraire.fr/contes-d-ailleurs-et-d-au...

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    Illustrations de Guillaume Long, Grasset Jeunesse 2012. 190 p. 9 €

     

    Publiés une première fois en 1990, voici la réédition de huit contes d’ailleurs et d’autre part, à la sauce Gripari, huit bijoux de drôlerie fantastique, inspirés des folklores russes, français, italien et d’Afrique du Nord. Un véritable régal, avec ce verbe franc, truculent et tellement poétique de Pierre Gripari, s’adressant à ses lectrices et lecteurs d’une façon si familière, qu’elles et ils pourraient croire qu’il est assis tout près d’elles et eux. Le conteur de la Rue Broca est véritablement talentueux, c’est évident, mais outre son imagination pétulante, il est doté également d’une grande liberté de pensée. Ils nous emmènent donc ici dans un monde peuplé comme il se doit de magie, d’amour et de courage. Dans Mademoiselle Scarabée, on comprend que l’apparence importe peu, mais qu’il importe de trouver bonne boulette à son pied quand on veut se marier. « Quand un cheval trottine et crottine, quand une vache lâche sa bouse en marchant, je fais une petite boule de la chose en question, puis je la pousse à reculons jusqu’à ma maison ! » Dans Madame-la-Terre-Est-Basse, les objets ont une âme, ils parlent, ils bougent, ils peuvent être tristes mais savent aussi se venger.

     

    «  Quand elle met ses souliers

    Elle se pique le pied.

    Quand elle écosse les pois, elle se pique le doigt.

    Quand elle épluche des pommes de terre,

    Elle se pique le derrière.

    Quand elle veut prendre une douche,

    Elle se pique la bouche.

    Quand elle veut prendre un bain,

    Elle se pique les reins.

    Quand elle se met au lit,

    Elle se pique le mistigri ! »

     

    Dans Le diable aux cheveux blancs, on comprend que même un démon, aussi malin qu’il soit, ne peut rien contre le pouvoir d’une femme contrariante, « Merci à toi, brave homme, qui m’a tiré de cet enfer ! Imagine-toi  qu’il y a un mois, pas plus, une femme nous est tombée ici, une femme terrible, épouvantable, qui nous fait enrager jour et nuit ! ». Il ne peut guère plus d’ailleurs, contre les rêves d’une petite fille qui veut obstinément un Bagada.

     

    « - Oh ! Le beau bagada !

    Elle prend le démon dans ses bras, le caresse, le cajole, l’embrasse, le bécote… Qu’est-ce que cela veut dire ? Notre diable se regarde… Malédiction ! Il est devenu un bagada ! Un simple bagada ! »

     

    On a donc vu que les objets pouvaient se déplacer tout seul, et bien figurez-vous que les villages aussi, et c’est comme ça que Saint-Déodat en bord de Loire a fini au bord de l’Océan pour consoler un petit garçon, et si vous ne me croyez pas, et bien vous n’avez qu’à lire, c’est le village lui-même qui raconte l’histoire.

     

    « J’étais profondément ému. Les paysans qui m’habitaient ne rêvaient pas beaucoup, et jamais à d’aussi jolies choses. J’avais comme envie d’obéir à ce petit garçon, et de me transporter au bord de l’océan. »

     

    Dans Petite Sœur, nous voilà plongé dans les aventures fabuleuses et palpitantes, façon conte initiatique de fée - ou de sorcière, mais fée et sorcière c’est kif-kif bourricot non ?  Bref, les aventures palpitantes et fabuleuses de la princesse Claude qui n’a pas un zizi, mais un mistigri. 

     

    « C’est un frère que nous voulons !

    De petite sœur pas question !

    Nous resterons entre garçons

    Ou nous partirons ! »

     

    Dans L’eau qui rend invisible, c’est le conteur lui-même à qui une sorcière fait un cadeau, tellement elle trouve que ce qu’il raconte sur les sorcières est rigolo ! Et dire qu’à cause de lui, le monde a faillit devenir complètement invisible, comment aurait-on fait pour lire le dernier conte du livre ? L’histoire de Sadko, le cithariste virtuose qui épousera l’ondine du lac Ilmen, la fille de Vodianoï, le dieu de toutes les eaux du monde, après bien des péripéties tout de même, où on ne s’embarrassera pas trop de morale, après tout, c’est un conte et on n’est pas là pour s’embêter, non mais ! 

     

    « Il vend ses marchandises russes, ses fourrures, son bois,  son miel et ses esclaves. En échange il achète beaucoup de choses qu’on ne trouve pas en Russie : de l’or et de l’argent, des parfums et des perles, des étoffes, des épices, des objets fabriqués… Il fait aussi un peu de piraterie, quand il en a l’occasion. Ça se faisait, à l’époque… »

     

    D’ailleurs, les enfants, si vous avez la joie d’avoir entre les mains, ces Contes d’ailleurs et d’autre part de Pierre Gripari, cachez-les bien, car s’ils plaisent au petits, mais ils plaisent aussi beaucoup, beaucoup aux grands ! Foi de Maman !

     

     

    Cathy Garcia

     

    pierre-gripari.jpgPour en savoir plus sur Pierre Gripari : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Gripari

  • Tom Gates, c’est moi ! Liz Pichon

    Note parue sur http://www.lacauselitteraire.fr/tom-gates-c-est-moi-liz-p...

     

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    Seuil 2012 - 257 pages - 11 €

     

    Traduit de l’anglais par Natalie Zimmermann, mise en page par Anne-Cécile Ferron.

     

    Entre BD et journal intime, ce « roman animé » a reçu le très mérité Roald Dahl Funny Prize 2011 du meilleur roman humoristique pour la jeunesse.

     

    Tom Gates, doit avoir 11 ou 12 ans et comme tout enfant sensé de son âge, il n’aime pas trop l’école mais il adore les gaufrettes au caramel, lire des bandes-dessinées, faire enrager sa sœur Délia, gribouiller dans ses cahiers et surtout il a des projets : monter un groupe de pop-rock comme les Rodéo 3, son groupe préféré, avec son copain et complice Derek. Le groupe s’appellera Les Clebszombies. Ça en jette, non ? Tom Gates a toujours de bonnes et moins bonnes, voire très, très moins bonnes excuses, pour ne pas faire ses devoirs, mais il tient un journal farci de dessins très, voire très, très réussis, dans lequel il raconte sa vie fort mouvementée. Faut dire qu’il a de la matière, entre des parents sympas mais qui mettent la honte, comme tous les parents, surtout papa qui porte des fringues plus ridicules les unes que les autres et une sœur adolescente qui lui voue une haine passionnée qu’il lui rend bien, « ça m’a fait tellement plaisir que Délia se fasse gronder et priver de sorties que j’en ai oublié mon mal au bras. En fait, ça a sûrement été le MEILLEUR MOMENT de toutes mes vacances. ».

     

    Il y a aussi les grands-parents, les « fossiles » bizarres, surtout la grand-mère, experte en cuisine immangeable genre soupe à l’oignon et à la poire, pizza à la banane, biscuits à la pomme de terre et à la lavande... Et puis des camarades d’école, devant lesquels faut savoir garder prestance, surtout devant Amy Porter qui est super intelligente et super sympa et qu’on aimerait bien impressionner, et d’autres dont il faudrait se débarrasser comme Marcus Meldrou, le plus grand des enquiquineurs (= Marcus crétinus). Oui, il faut être futé quand même et avoir surtout, surtout, beaucoup, beaucoup d’imagination pour surfer sans trop de mal dans un environnement scolaire qui forcément ignore le génie brillantissime de Tom Gates. Un monde peuplé de Mr Fullerman aux yeux de lynx, de Mme Cherington qui a une MOUSTACHE qu’il ne faut pas regarder et encore moins voir, Mr Fana le directeur qui se met très facilement en colère (voir son rouge-o-mètre) et d’épreuves absolument inhumaines comme le jour de la photo individuelle, sans parler de tous les mots d’excuses qu’il faut inventer rédiger.

    « Cher M. Fullerman, le pauvre Tom est enrhumé et ne peut pas faire de sport en extérieur – jamais. Bien à vous, Rita Gates » ou encore « Cher M. Fullerman, Si Tom est en retard pour son devoir, c’est parce que sa sœur a été odieuse avec lui et ne l’a pas laissé utiliser l’ordinateur. Nous l’avons réprimandée. Merci, Frank Gates. »

    Heureusement, de l’imagination, Tom Gates n’en manque pas et à coups d’anecdotes plus hilarantes les unes que les autres, de portraits au vitriol mentholé, il nous fait retomber avec un malin et très jouissif plaisir dans la préadolescence.

    Une écriture fraîche, une mise en page des plus agréables, facile à lire, c’est à la fois très juste et très fin, et vraiment très, très, très drôle. On en redemande !

     

    Cathy Garcia

     

     

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    L’auteur : Après des études de design, Liz Pichon a travaillé comme directrice artistique dans une maison de disques britannique. Depuis 2004, elle s'est lancée dans l'écriture et l'illustration de livres pour enfants.

     

     

     

     

     

     

    La traductrice : en plus de traduire des auteurs reconnus comme John Le Carré, Natalie Zimmermann est l'auteur de nombreux livres pour la jeunesse et a traduit pour le Seuil Jeunesse toute la série du Journal d'un Dégonflé.

  • Au boulot ! par Les Chats Pelés

    Note parue sur : http://www.lacauselitteraire.fr/au-boulot-les-chats-peles...

     

    Au boulot ! Les Chats Pelés

    Seuil Jeunesse 2012, 48 p. 25 €

    Un collector conçu spécialement pour les 20 ans de Seuil Jeunesse, avec une superbe couverture toilée sérigraphiée et accompagné d’un tiré à part. Un format géant qui met en valeur de très belles illustrations, chacune est une véritable œuvre d’art, réalisées par Les Chats pelés. Ce collectif d’artiste fondé par Lionel le Néouanic, Youri Molotov, Benoit Morel (chanteur de La Tordue) et Christian Olivier (chanteur des Têtes Raides), ne comprend aujourd’hui plus que ces deux derniers et Lionel le Néouanic.

    Dans ce recueil aussi coloré que résolument subversif, on ne prend pas les enfants pour des idiots. A contre-courant du travailler plus pour patati patata, les animaux anthropomorphes qui évoluent au fil des pages de Au boulot ne s’en laissent pas conter. Ils nous livrent une poésie bourrée d’humour et pas piquée des vers. Cela démarre avec Aldo le croco, le camelot qui trafique du boulot, puis on croise le chasseur de courant d’air et quelques langues de vipères. Prosper le marchand de misère peut se tenir à carreau, Léon le lion a mangé son patron « il était si bon… ».

    Hommage aussi aux travailleurs car non, il n’y a pas de « petit » métier et

    « Heureusement qu’à la ville

    quand le soleil brille

    il balaie les ombres

    dans les quartiers sombres ».

     

    « je sais c’est qui » nous dit un petit poulet avant de sortir de la page.

     

    Bébert le ver lui est au lit, il a mal au trou de la sécu, mais heureusement le ravigoteur badigeonne les pages avec tout plein de couleurs et pour les étourdis on trouvera quelques pages plus loin les reboucheuses de trous de mémoire. A l’ÂNE.N.P.E., il y a la queue et de belles petites annonces « A SAISIR chaussons état neuf ». Pour soulager un peu les tensions, l’insulteur public y va de son mégaphone, petits et gros mots mais,

     

    « Henriette la chouette

    a fait de la politique

    maintenant…

    elle est sceptique ».

     

    Double page pour la grande manifestation, « les tailleurs d’oreilles en pointe sont en colère ! » et paf, une double page de plus avec un gros rhino pas content du tout « on en veut pas de vos sales boulots».

    Chut !, dit le piqueur de roupillons. Pour les petits creux, il est conseillé de courir

     

    « chez la dégobilleuse

    sa tambouille est délicieuse ».

     

    C’est vrai que le menu est du meilleur goût, pensez donc, Pourriture de poissons et son coulis de crachats en plat de résistance !

    « J’ai tout donné » dit le croco plein de bobos, « le travail c’est la santé » chante un titoizo. Et voilà donc un livre pas qu’un peu rigolo, plein de bêtes pas bêtes du tout. Non mais !

     

    Cathy Garcia