Christianne Knops - alone in the dark
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Je suis ce temple vide où tout culte a cessé
Sur l’inutile autel déserté par l’idole;
Je suis le feu qui danse à l’âtre délaissé,
Le brasier qui n’échauffe rien, la torche folle…
Pour Axel de Missie, 1923
recueil posthume.
Forêt de symboles où elle se perd et se retrouve,
les émotions nouvelles se mêlent aux souvenirs…
cg in Journal 1992
J'apprécie beaucoup la poésie de Saïd Mohamed et j'ai eu grand plaisir à en parler, à enregistrer quelques lectures, entre autre du recueil Le Vin des crapauds paru en mars 2017 aux éd. des Carnets du Dessert de Lune, avec des linogravures originales de Bob de Groof et pour lequel il m'avait demandé d'écrire une préface. Voir : http://cathygarcia.hautetfort.com/archive/2017/02/24/vient-de-paraitre-le-vin-des-crapauds-said-mohamed-bob-de-gr-5914517.html
Un toit d'étoiles est un livre est un livre CD sorti également à l'origine aux éd. des Carnets du Dessert de Lune et qui a reçu le grand prix Charles Cros en 2018, mais c'est également un spectacle vivant dont voici un extrait, avec la chanteuse syrienne Louloua Rhamoun-Levacher qui remplace ici Ahmed Abdelack El Kaab, chanteur, musicien auteur compositeur marocain originaire d’Essaouira et pas toujours disponible.
Article à paraître dans la revue "Hommes et migrations" sur le livre CD Un toit d’étoiles :
"Saïd Mohamed ne manque ni d’idées ni de créativité. Romancier et poète, il construit son œuvre singulière de romans et de recueils. Plusieurs fois primé, l’auteur, au bagou carnassier, ne cède ni au dolorisme ambiant ni aux errements d’un romantisme cotonneux. Pour rassurer prudes et proprets, il prévient, l’homme s’applique à « soigner la bête en lui ». Ce rejeton d’un père berbère marocain et d’une mère tourangelle et « grande gueule » est né au carrefour de l’immigration et du quart monde. L’enfant de la Dass aurait pu versé dans le ruisseau, il fut sauvé par une (belle) prof de français, l’amour de l’art et un instinct de survie forgé dans la jungle des marges et des réprouvés, la part obscure de nos « civilisations ».
« A toi je n’adresse plus mon chant / et cherche en vain un train / pour fuir la voie du désespoir »
Ce n’est pas avec ses poings qu’il cogne. Mais avec sa plume. Et ses pinceaux ! Car le bougre en joue ! et titille aussi toile et papier. Depuis peu, l’infatigable s’essaie à une nouvelle activité : avec une équipe de musiciens et de chanteurs - l’ensemble Dounia dirigé par Karinn Helbert – (elle met en scène et en musique sa poésie). De cette expérience collective est né un disque. L’académie Charles Cros soi-même a goûté le travail, au point de gratifier en 2018 l’enregistrement du Grand Prix, catégorie Disque et DVD. Le lecteur aura le plaisir d’écouter cet enregistrement puisqu’il accompagne ce livret d’une tenue exceptionnelle.
Trop d’éditeurs expédient la besogne comme des malpropres, indifférents à la valorisation de l’auteur et au confort du lecteur. Aussi faut-il saluer l’ouvrage des éditions Apeiron. « Notre démarche éditoriale est basée sur l’image, accompagnée de quelques simples mots ». Des mots en guise de « chemins poétiques » et des images pour laisser « la place à la contemplation ». Avec une couverture en carton naturel teinté avec marquage à chaud doré, le livre est au format 17 x 26 cm, assemblé en accordéon et imprimé en quadri recto-verso sur un papier d’exception (Papier Munken Pure Rough 300gr). Un toit d’étoiles est tout simplement superbe.
Saïd Mohamed n’oublie pas d’où il vient. Il reste à l’écoute des turbulences d’un monde bien agité. Sa poésie est celle des sans terres, des sans papiers, des moins que rien, des innocents, des chibanis et des enfants sans âme, des noyés de Gibraltar - « corps sans nom, rejetés des flots » - des affamés, des prisonniers, des ventres flétris et des esclaves modernes aux vies de sacrifices et d’errance - « voyager quoiqu’il en coûte, de dérives en déroutes, vivant dans l’exil intérieur de ces noms imprononçables ». Il pose un regard de tendresse mais sans illusions « Sur la plèbe bafouée par les tout-puissants / qui ont définitivement gagné la partie ».
Le poète ne vous déprimera pas. Non ! « Verse toi à boire et chante » ; « fais valser la nostalgie et convoque / le bandonéon des argentins / le flamencos gitanos et l’oracle gnawas ». Les mots ont un sens, grave et brutal, mais se refusent aux pleurnichards et aux « sentimenteurs ». Ils n’acceptent que le rêve pour compagnie : « Attendre en vain attendre / alors plutôt que se taire / parler pour donner au quotidien / une part de rêve ». Ils cherchent dans les brumes de l’horizon ou au fond d’une bouteille « le sens nouveau et l’indépendance du rien ». Quant aux étoiles, elles ne sont pas seulement au-dessus de nos têtes. Elle sont aussi là, devant nous, « croisées dans la nuit / au hasard d’une rue / à la vitesse lumière ».
Sans rien cacher des « ténèbres » du monde, Annie Courtiaud comme Saïd Mohamed, ne vous plomberont pas la journée. Bien au contraire, chacune de ses compositions, riche de détails, animée, vivante invite à une pause, pause de contemplation, de rêverie, de réflexion. Ses tableaux, souvent des miniatures, mêlent les inspirations (orientalisme détourné, fééries assumées, enluminures ou genre naïf), les couleurs et les supports (impressions de collages, de tissus, aquarelles). Son travail forme, avec les mots du poète, un heureux continuum.
Mustapha Harzoune "
Mais peut-être ta personne est devenue comme un air de temps de neige, qui entre par la fenêtre, qu’on referme, pris de frissons ou d’un malaise avant-coureur de drame, comme il m’est arrivé il y a quelques semaines. Le froid s’appliqua soudain sur mes épaules je me couvris précipitamment et me détournai quand c’était toi peut-être et la plus chaude que tu pouvais te rendre, espérant être bien accueillie ; toi, si lucide, tu ne pouvais plus t’exprimer autrement. Qui sait si en ce moment même, tu n’attends pas, anxieuse, que je comprenne enfin, et que je vienne, loin de la vie où tu n’es plus, me joindre à toi, pauvrement, pauvrement certes, sans moyens mais nous deux encore, nous deux…
Comme une folle à l’asile, je regarde derrière la vitre la mésange bleue.
La folle pleure, la folle pleure et la vie revient, circule, va toujours. Rejoint les puits vertiges qui s’ouvrent dans la lande grise. La beauté naît toujours d’une monstruosité.
Sortir de la délectation du marasme. Marre, amarre, démarre.
Ne pas retenir. Ne pas protéger.
Portion secrète d’outre-moi, mes pas perdus dans la salle des brumes.
Ma part obscure serait-elle trop dense ? J’ai toujours cherché asile.
cg in Celle qui manque