Lawrence Ferlinghetti - Hommage

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La poésie est le cri que l’on pousserait en s’éveillant dans une forêt obscure au milieu du chemin de notre vie.
La poésie est le soleil qui ruisselle à travers les mailles du matin.
La poésie, ce sont des nuits blanches et des bouches de désir.
La poésie est l’argot des anges et des démons.
La poésie est un canapé où s’entassent des chanteurs aveugles qui ont posé leurs cannes blanches.
La poésie est le dérèglement des sens qui produit du sens.
La poésie est la voix de la quatrième personne du singulier.
La poésie ce sont toutes les choses nées avec des ailes et qui chantent.
La poésie est une voix dissidente qui s’insurge contre le gaspillage des mots et la surabondance insensée de l’imprimé.
La poésie est ce qui existe entre les lignes.
La poésie est faite des syllabes des rêves.
La poésie, ce sont des cris lointains, très lointains, sur une plage au soleil couchant.
La poésie est un phare qui fait tourner son mégaphone au-dessus de la mer.
Un poème peut être fait d’ingrédients ménagers courants. Il tient sur une seule page et peut cependant remplir un monde et se loger dans la poche d’un cœur.
La poésie, ce sont des pensées sur l’oreiller après l’amour.
La poésie est un chanteur des rues qui sauve les chats de gouttière de l’amour.
La poésie est le dialogue des statues.
La poésie est le bruit de l’été sous la pluie et la clameur de gens qui rient derrière des volets clos dans une rue étroite.
La poésie est une grande maison résonnant de toutes les voix qui ont jamais dit quelque chose de fou ou de merveilleux.
La poésie est la voix à l’intérieur de la voix de la tortue.
La poésie est un livre de lumière la nuit.
La poésie n’est pas que l’héroïne, les chevaux et Rimbaud. Elle est aussi le murmure des éléphants et les prières impuissantes des passagers aériens qui attachent leur ceinture pour la descente finale.
Tel un bol de roses, un poème n’a pas à être expliqué.
texte paru dans le supplément « La poésie est partout » de Courrier International ( 18-24 novembre 2004 ; paru initialement dans le San Francisco Chronicle), « Quelques définitions de la poésie à l’usage du XXIe siècle »
merci à Jlmi !
Il est le Plein qui s’unit au vide.
Il est l’accouplement sacré.
Il est l’amour et son meurtre.
Il est le saint et son traître.
Il est la plus claire lumière du jour et la nuit la plus profonde de la folie.
Le voir, c’est la cécité,
Le connaître, c’est la maladie,
L’adorer, c’est la mort,
Le craindre c’est la sagesse,
Ne pas lui résister, c’est le salut.
Les Sept Sermons aux Morts - 1916
Aimer c'est s'additionner sans total
Ne deviens pas qui tu hais
Le ciel contre les cils. Comme au tréfil des doigts
de la reconnaissance d'un visage. Le rideau d'un
lyrisme italien tombe en bouillonné de scène.
Sur le zigzag des routes. Sur un couchant d'opéra.
Dans la pagaille du réel. Dans une chambre d'hôtel
où des marins montent et les femmes tapinent près
de la gare. A faire ses courses aux rayons de la vie,
rien ne se perd, rien ne se crée. Apostrophe inévitable
entre l'histoire et son récit. Une secousse sismique.
Un trou d'air à ras du sol. Et il dégringole des quasars
dans un vase de porcelaine. Du précieux dans les
tuyauteries de l'évier. Au lieu de la paupière c'est
l'arcade qui cligne. Et sur la nacre d'un coquillage
l'expéditif de la pensée. Son rationnement. Simplement
donc l'ombre des cils sur le cerne d'un visage fatigué.
Un demi cercle orange derrière le dôme de la cathédrale.
Du brouillé rosâtre autour. La rue beige sous les lampadaires.
Du véridique énorme et calibré de cake débité à la coupe
automatique. Capitonné au corps. Collé à la cornée. Je
débloque l'issue de secours d'un coup de pied. Et je sors
par mon dos.
La mort n'est jamais comme, 2003