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CATHY GARCIA-CANALES - Page 518

  • Pénélope Corps - inspiré d'Au bord du monde

    Un texte qui m'a cueilli ce matin, un texte de Pénélope Corps qui figure au sommaire du dernier numéro de la revue Nouveaux Délits, je le partage et point, rien à rajouter si ce n'est : lisez !
     

     

    "M'sieurs dames, bonjour, je m'excuse de vous importuner comme on dit, je m'appelle Wenceslas, j'ai 41 ans et si je suis dans le métro c'est que j'ai perdu mon travail et que je dors dehors. Ça devient pas facile de manger c'est vrai, mais je viens pas vraiment pour faire la manche. Je sais pas lancer des appels au secours. Je viens côtoyer des gens juste. Croiser des visages. Si c'est pas légal, dites-moi. Je veux pas déranger. Et puis ça me fait plaisir de parler avec vous. Là je me sens pas très bien, comme dans une grande bassine d'eau qui m' attire vers le fond. Un poisson ferré. Mais je souris. Je veux pas arrêter de sourire. Ça veut dire quelque chose. Ça veut dire que le navire a pas encore complètement sombré. Je dis ça parce que j'étais dans la marine quand j'étais jeune. J'étais élégant. Une certaine classe. Là je me sens pas très bien. J'ai peur. Une grande bassine. Et puis faut pas trop que je reste dans la même position. A cause de mon épilepsie. Mes crises. Ca me prend des fois. Et j'ai mal.
    Je sais pas vraiment pourquoi je suis là. Personne ne sait. Y a pas de réponse. Plutôt des non-réponses. Une absence. C'est ce que je ressens. C' est ça le pire, tu peux tout perdre en fait. Les trucs matériels et puis aussi les photos de tes enfants. Ce qui revient à perdre tes enfants. Et puis tes cheveux. Tes dents. Et y a pas de réponse.
    Qu'est-ce que je faisais avant d'être là? J' étais chez moi avec ma famille. Je vivais là. Normal. Repas de Noël. Réveillon. Tout ça quoi. En général le 31 à minuit tout le monde crie dans les rues. Les gens sont contents. Mais moi maintenant à minuit c' est plié. Et à minuit deux ben je suis toujours dans la même merde. Voilà.
    Je viens pas vous réclamer d' argent.C'est juste que j'ai passé une sale nuit. Des gamins m' ont foutu des coups de pied. Je crois qu'ils étaient ivres ou juste pas bien élevés. J'ai encore la faculté de voir arriver les gens. J'arrive encore à me méfier si c'est nécessaire. Exterminer le clochard qu'ils disaient. Il sert plus à rien le pauvre vieux. Parce qu'il faut servir à quelque chose tu comprends. A quelqu'un. Pas juste être. Servir. Mais je souris. Je veux pas arrêter de sourire. Ça veut dire que le bateau tient encore un peu le cap.
    Des fois je vais près du canal. Juste pour voir les canards.Quand j étais petit je pêchais la nuit avec mon tonton. Ensuite on dormait à la belle. Mais là c' est une autre sorte de sommeil. Tout s éteint. Tout se rallume. Tu rêves pas. T'es juste un fantôme dans l' ombre. Y a des matins je suis prêt à 4h37. Je pars à la recherche de bouffe. D'objets. De bouquins. De trucs pour tenir. Mais y a rien de palpable qui soit source de bonheur. Le bonheur c' est regarder les animaux. Capter leurs émotions. La technologie peut pas faire le taf.
    Je viens pas vraiment vous demander de l'argent. Paraît qu'on peut pas : faire la manche c est pas bien, dormir sous les ponts c' est pas bien, voler c' est pas bien, du travail j' en ai pas...bon. Je sais pas trop quoi faire du coup.
    Des regrets? Non, je peux pas dire que j' en ai. Juste quelques trous. Quelques douleurs. Le corps tire pour que j'abdique. Et c'est pas vrai que les gens deviennent fous dans la rue. Simplement ils disparaissent.
    Faudrait juste, je sais pas moi, que l' humanité redevienne forte, solide, simple, qu' elle retrouve sa voie. Je suis pas philosophe. Je suis un clodo. J' ai les pieds mouillés. J'ai juste envie de parler.
    Je suis venu là, je sais pas trop pourquoi. Pétez-moi les doigts que je sente si j'ai encore un corps. Gueulez moi dessus je sais pas. Appelez-moi par mon prénom. Un truc vivant. Un truc pour de vrai. Peut-être que le navire a pas encore complètement sombré. Je souris. Je veux pas arrêter de sourire. Ça veut dire quelque chose. Le monde fait la gueule mais je me dis que c' est pas une raison pour s'aligner.
    En vous remerciant m'sieurs dames et en vous souhaitant une belle journée."

     

    P.C.

     

    inspiré du doc " Au bord du monde" de Claus Drexel :

     

     

     

     

  • Vincent - poème pour la dame qui habitait en haut de la rue

    l'oeil & la plume...   http://jlmi22.hautetfort.com/

    maisoncercueilameB2.jpg
    texte de vincent                                                                                                                   collage jlmi 2013
     

     

    J’ai posé ma main sur le bois

                            clair

    de votre cercueil,

    votre maison lorsque j’étais enfant

    était le point de ralliement, on venait

    là, les gosses du quartier,

    fumer des clopes et boire des bières

            sans que vous le deviniez

    c’est dans votre voiture que je suis

    parti pour la première fois

    voir le bleu de la mer,

            il y avait toujours

    votre sourire, votre manière

            un peu guindée

    de fumer des cigarettes fines

    à la menthe

    on riait souvent, et souvent

    le soir, je pouvais rester

    regarder la télé en couleurs.

    quand on se faisait prendre

    car nous étions des garnements

    vous n’appeliez jamais nos

            parents et nous

    avons grandi ainsi

    on apprenait

    la vie, on était des gamins

    puis des adolescents et

    votre fille qui est comme ma

    sœur a lu vos mots

            au dessus de votre

            cercueil, Dieu

    que vous écriviez bien,

            et votre petite

    fille vous a lu un magnifique adieu

    écrit de sa main juvénile, vous deviez

    être fière d’elle de là-haut

    et nous avons tous pleuré

            un peu plus

    et votre fils qui

    est comme mon frère

    ne pouvait

    dire un mot, étranglé

    par le chagrin, moi

    j’étais tout au fond

    à ravaler mes sanglots

    vêtu d’une stupide

    (inutile et incongrue)

    pudeur tout en pensant

    que tous ces gens ici

    vous aimaient et

    surtout que,

    tous ces gens ici,

    vous les aimiez

    et pour le bleu de la mer

            le bleu de la vie

            et le bleu de votre

            sourire

    je voulais vous crier un

    merci, mais vous n’étiez plus

    là, alors j’ai posé la main

    sur le bois clair de votre cercueil

    et je l’ai murmuré comme on

    parle à la douceur du vent,

    le vent qui emporte

                    vers le ciel les

                    âmes bleus qui s’en vont

                    loin des larmes de ceux

                                    qui restent