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  • Jardin du causse lu par Jean-Louis Bernard

     

    « Jardin du Causse » est un livre solaire, à l’écoute des saisons de l’année et de celles du cœur. Volupté de respirer les senteurs et le vent, de faire route avec les fruits, fleurs et orages, de s’incorporer aux éléments en une cérémonie païenne sans cesse renouvelée. Il y a aussi, tenace, l’épine de l’absence qui vient, à régulières intervalles, tarauder la joie. Douceur-douleur : ces deux quasi-jumelles hantent ces superbes textes ; la poésie est manque, la poésie est désir, les deux sont là, exacerbés (Héraclite : « la vie est une harmonie de tensions ») pour nous donner à lire un bijou poétique.

     

    Jean-Louis Bernard, mars 2011

  • Damier du destin, Gilles Lades

    Encres Vives n°386, septembre 2010

    Note publiée sur : http://www.lacauselitteraire.fr/damier-du-destin-gilles-lades.html

     

     

    Damier du destin, Gilles Lades

    Dans Damier du Destin, les pions deviennent des oiseaux et les joueurs abandonnent le jeu des miroirs, ne reste qu’une ample respiration, un fil qui se déroule, à la fois fragile et solide car il noue une éternité à une autre

    la vallée vouée à ton silence
    à ton frisson qui s’arrête à mi-mort
    à l’étrange paix de la clôture sans limite
    du ciel qui tombe en semaisons de lettres
    livres ouverts pulvérisés
    fragments de phrases tous égaux indifférents
    que le vent même a quittés

    Quel beau poème ciselé come une pierre,  le sculpteur s’appelle Temps et même lui finit par disparaître pour ne laisser que la pierre, qui devient douce, douce et lisse au toucher de l’eau, douce et légère au toucher de l’air

    On serait prêt
    parfois
    à jeter sa vie avec les vieux papiers
    les années gravées
    dans les encres fantômes


    Quel beau chant de vie pour saluer l’ombre de la mort qui simplifie et allège, décille le regard sur l’essentiel


    on deviendrait cette eau de crête

    docile à la première pente

    on serait ce sculpteur

    dont le bras va choisir
    s’il tranche ou non le poignet du héros


    La mort, toujours présente, l’autre face des choses que même l’enfant pressent…


    voici que les murs tirent

    leurs doigts noirs sur l’été

    (…)


    il écoute le sang

    claquer comme la peur
    entre les piliers de pierre


    L’ombre sans laquelle nous ne pourrions goûter la lumière, mais contre laquelle nous jouons sur le damier du destin


    victoire sur l’ombre loup

    qui rampe sous les armoires
    en fixant les cendres


    Quel beau poème traversé de douleur aussi, de perte, que les mots distillent avec pudeur


    le ruisseau longe à l’infini l’histoire des absents


    l’arrivant

    devine au craquement de l’air
    que l’on est mort ici d’attendre le visage
    qui donnerait un sens à toutes ces fenêtres


    Mais toujours l’envol, l’immensité où se perdre pour se ressourcer


    le souffle efface

    véhicules avions paroles
    repousse les oiseaux
    vers l’aveuglement bleu
    vaste comme l’exil


    Oui il s’agit bien là d’une « Odyssée d’être », d’un


    texte dévoré de suspens

    qui nous emporte et nous garde
    sur une barque mince


    et d’une traversée qui doit se faire, de soi vers soi, de l’ombre à la lumière


    la faille est à franchir

    absolument
    l’abîme bleu et  froid


    et d’un chant que les poumons offrent à une nature qui n’a pas besoin de nous.


    Le poète maîtrise ici parfaitement cet art du silence et de la contemplation, dans un monde où nous ne faisons que passer, laissant nos quelques « traces piétinées » d’infatigables bâtisseurs


    silence d’anciennes familles

    histoire
    ouverte au forceps
    bâtie au cordeau
    la pierre, l’arcade, l’écusson


    Mais toujours sur ce damier du destin, les pions deviennent oiseaux, et les joueurs abandonnent le jeu des miroirs


    L’oiseau

    le sang de l’oiseau
    l’aile
    a l’aigu de sa force
    face au vent

    l’oiseau cabré

    figure
    du destin en attente

     

    Cathy Garcia

     

  • J’ai les ailes de l’aigle blanc de Christian Saint-Paul

    Encres Vives éd. n°384, Juillet 2010

    J'ai les ailes de l'aigle blanc



    Ce long poème, qui commence ainsi :

    « En moi j’ai découvert
    ce miroir noir
    qui dissout l’inutile »


    se lit d’un seul coup, sans presque reprendre souffle, tellement il nous tient suspendus à la beauté et à la fluidité des mots, à ce langage qui est lui-même souffle. Le chevalier dont il est question n’ignore pas dans sa quête que la vie et la mort puisent à la même source, et l’homme qui écrit, fait de ses mots des ailes, qui le portent, le transportent, tel l’aigle blanc et noir. Et alors même que l’esprit connaît le moyen de s’élever, l’homme reste lucide cependant à sa condition de tâtonneur terrestre.


    Il sait les masques, et le nécessaire dépouillement.


    « Simplement sans trop chanceler
    s’arrachant aux rêves suicidaires
    des mauvaises journées de la ville
    détruire sa propre identité
    étreindre son ennemi
    soulever les sarcophages
    et vider la mort de ses masques


    livrant les os au bec
    De l’aigle blanc et noir »


    Il sait la vanité, la fragilité.


    « La destinée petit à petit s’installe
    cœur de fer
    brisant la nuque de la sagesse
    à cet endroit vide
    non couvert par l’armure des certitudes »


    Il sait la lumineuse exaltation du don et les chutes inévitables, il sait la nécessité de la confrontation avec l’ombre.


    « Il retourne à l’oppressante
    Conjuration des ombres et du fleuve »

    Il sait le doute et l’esquive, et surtout, surtout, il sait que rien n’arrête la roue du temps.


    « Et l’aigle ne compte plus son âge
    son vol crisse
    dans la misère osseuse »


    Nul besoin d’analyser ce que Christian Saint-Paul nous révèle ici, sinon qu’il s’agit tout simplement de la vie, nul besoin de creuser les symboles, simplement entrer dans le fleuve du recueil et en ressortir à la fin lavé, illuminé de l’intérieur et en imaginant l’auteur comme en paix avec lui-même.

     

    Cathy Garcia

     


    Christian Saint-Paul, est un poète véritablement passionné de poésie, de la poésie qui met l’humain et la relation à l’autre au premier plan. Il anime depuis plus de 25 ans l’émission, « Les Poètes » (le jeudi de 20h30 à 21h) sur Radio Occitanie (98.3 Mhz) avec son compère Claude Bretin et de nombreuses émissions ont été consacrées à la poésie du monde. On peut les réécouter ici :
    http://www.lespoetes.fr/emmission/emmission.html

    Il avait créé sa revue, « Florilège », avec un autre poète, Michel Eckhard, dans le courant des années soixante. Brel avait accepté de les parrainer. Nous sommes encore avant 68, Christian Saint-Paul entre alors à Sciences Po, mais s’engage aussi activement dans la lutte antifranquiste. Il créera une autre revue, « Poésie toute » et plus tard encore en 1983, « Le Carnet des Libellules » où il publiera de nombreux auteurs.

    Christian Saint-Paul a aussi publié :
    Les peupliers (Jeune Force Poétique Française éd., 1966)
    Les murènes monotones (Jeune Force Poétique Française éd., 1967)
    L’homme de parole (Caractères éd., 1983), préface de Michel Eckhard
    Prélude à la dernière misogynie (De Midi éd., 1984), avant-propos de Jean Rousselot, couverture illustrée par Gil Chevalier et illustrations intérieures de Jean-Pierre Lamon et de Lucie Muller.
    Les murènes noyées (Carnets des Libellules éd., 1985)
    Les murènes monotones (De Midi/Poésie Toute éd., 1987)
    Transgression (Carnets des Libellules éd., 1987), préface de Claude Vigée
    A contre-nuit (La Nouvelle Proue éd., 1988), préface de Jean-Pierre Crespel
    Tendre marcotte (Carnets des Libellules éd., 1988), avant-propos de Michel Eckhart
    Les ciels de pavots (Encres Vives éd., 1991)
    Pour ainsi dire (Encres Vives éd., 1992), préface de Jean Rousselot
    Akelarre, La lande du bouc (Encres Vives éd., collection Lieu N°108, 2000)
    L’essaimeuse (Encres Vives éd., 2001)
    Ton visage apparaît sous la pluie (Encres Vives éd., collection Encres Blanches N°61, 2001), couverture illustrée par Patrick Guallino, postface de Alem Surrre-Garcia
    L’unique saison (Poésies Toutes éd., 2002), préface de Gaston Puel, postface de Monique-Lise Cohen
    Des bris de jours (Encres Vives éd., 2003), couverture illustrée par Christian Verdun, postface de Michel Cosem
    L’enrôleuse (Encres Vives éd., 2006), postface de Georges Cathalo
    Tolosa melhorament (Encres Vives éd., collection Lieu N°184, 2006), édition bilingue occitan/français, postface de l’auteur.
    Entre ta voix et ma voix, la malachite noire de la voix d’une morte (Multiples, 2009)
    Les plus heureuses des pierres (Encres Vives éd. N°361, 2009)
    Vous occuperez l’été (Cardère éditions)
    Hodié mihi, cras tibi (Encres Vives éd., Collection Lieu n°217, 2010)

     

  • Tu t'en vas de Magali Thuillier et Nos parcelles de terrain très très vague de Marlène Tissot

    Tu t’en vas,  de Magali Thuillier, publié en 2004 aux Ed. du Dé Bleu. 


    Tu t’en vas. Un titre qui déjà marque le ton, non pas une injonction, mais un constat. Le constat clinique d’une réalité contre laquelle l’auteur ne peut rien. Tu, c’est la grand-mère de la narratrice et ce livre qui s’adresse à elle, raconte à travers ce dialogue à sens unique, un double départ. Le premier, c’est le faux-départ, mais aussi le plus douloureux, le plus insupportable, je dirais même littéralement le plus dégueulasse. La grand-mère tant aimée ne s’habite plus, elle n’est plus là « Une étrangère s’est glissé dans ton corps. Elle prend ta voix. Elle vit chez toi. Elle me vouvoie. Je ne lui réponds pas. J’attends que tu reviennes. Reviens ». C’est la maladie, l’Alzheimer, jamais citée, mais décrite, à petites touches implacables, presque à contre cœur, comme on évacue un peu de pus d’une plaie pour ne pas que l’infection se propage, envahisse tout, jusqu’à la moindre parcelle d’amour.
    C’est la maladie qui peu à peu voile et vole la grand-mère adorée. « Pas voir les signes de la maladie. Pas les voir. Pas voir. Au revoir. Pas tout de suite. Pas ma grand-mère. Pas toi. Pas moi. Pas ».

    Lire la suite ici : http://www.lacauselitteraire.fr/tu-t-en-vas-de-magali-thuillier.html

    Nos parcelles de terrain très très vague de Marlène Tissot aux Ed. Asphodèle - 7 € Asphodèle-éditions. 

    Marlène Tissot ! J’ai eu la grande joie de publier plusieurs fois dans la revue Nouveaux Délits, la première fois dans le numéro 6 (juillet 2004), et qui sera également dans le numéro 39 (avril 2011). Son écriture, faussement légère, mais véritablement sincère, raconte la vie, la vraie, celle de tous les jours, avec des mots qui tapent au cœur de la cible, c’est-à-dire ton cœur à toi, lectrice-lecteur. Marlène, vous ne la trouverez pas dans les salons, mais plutôt dans la cuisine. Marlène c’est la perle qui tombe d’un paquet de chips, c’est le talent à la fois le plus naturel et le plus discret qui soit. Marlène, c’est à petites touches, une peinture du quotidien, sans fard, sans fioriture, mais avec une maîtrise parfaite de la lumière et une grande lucidité. Derrière ce qui pourrait sembler fragilité, tristesse, il y a une grande force, celle de prendre de front ce qui est, avec un sens aigu de l’observation, et d’en extraire tout le jus pour en tirer un peu de ce sublime nectar de poésie. De quoi nourrir les jours… « Les jours qui s’échouent, avec parfois leur gueule de déchet, sur l’étendue incertaine de nos terrains très très vagues ». Elle a donc publié en 2010, « Nos parcelles de terrain très très vague » aux Ed. Asphodèle dans la très attachante collection Minuscule. A lire et à relire.

     

    Lire la suite ici : http://www.lacauselitteraire.fr/nos-parcelles-de-terrain-tres-tres-vague.html