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  • Lars Henkel

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    BRÈCHE

     J’ai toujours aimé le nom de cette rue du village de mon enfance : rue de la Brèche. J’y pressentais comme une possible échappée, une trouée permettant l’évasion, une faille dans la stricte ordonnance des choses.

     

    cg in Un vanity de vanités (Asphodèle, 2013)

     

     

  • Val Telberg - Untitled, 1948

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    LE DÉBUT DE LA FIN

     

    -        Où es-tu ?

    -        Je suis là.

    -        Tu penses à quoi ?

    -        Je ne pense à rien.

    -        Tu penses à moi ?

    -        Je ne pense à rien.

     

    Pourquoi penser, creuser en vain ? Je ne sais que le chemin qui file là-bas, loin, loin là-bas. Tu ne le vois pas ? Personne ne le voit… Seulement moi peut-être, seulement moi.

     

    -        Tu me regardes ou quoi ?

     

    Je ne te réponds pas. Tu insistes. Je résiste. Le regard qui en dit long, qui ne dit rien, vidé, vidé, vide.

     

    -        Pourquoi tu m’évites ?

     

    Pourquoi je lévite ? Pour éviter ça, l'amour inanimé. Penser, penser, pourquoi penser, penser encore, pour panser quoi ?

    Je cours déjà là bas, sur le chemin qui court comme moi, toujours plus loin, toujours s’éloigner, s’éloigner, ne plus penser, ne plus penser à quoi que ce soit, même pas à soi. Ne plus enchaîner les pensées. Ne plus s'enchaîner à quoi ou qui que ce soit.

     

     

    in Histoires d'amour, histoire d'aimer

     

  • Lars Henkel

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    L’insipide. Je suis l’insipide, la dissolue, l’absente. La béante anéantie.

     

    Je n’ai pas eu le sésame, le code, le passe pour me faire une place en ce monde, alors j’en ai claqué la porte. Toute petite, j’ai appris que seuls les disparus sont aimés, aimés à leur juste démesure. Le trop vif dérange.

     

    J’ai voulu disparaître pour être enfin née. Disparaître pour que dans le seul souvenir, l’amour puisse grandir.

     

     

    cg in Celle qui manque (Asphodèle, 2011)

     

     

     

     

  • Kyle Thompson - Autoportraits

     

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    Jeune photographe autodidacte, Kyle Thompson est né à Chicago le 11 Janvier 1992. Il a commencé à prendre des photos à l'âge de dix-neuf ans après avoir trouvé un intérêt dans des maisons abandonnées de son voisinage. Son travail est principalement composée d'autoportraits surréalistes et bizarre, souvent dans des forêts vides et des maisons abandonnées.

     
  • Jean Ziegler

      

    ***

    Les cartels du crime constituent le stade suprême

    et l'essence même du mode de production capitaliste. 

     

    in Les seigneurs du crime. Les nouvelles mafias contre la démocratie, Seuil 1998

     

    ***

  • Larry Louie - In the Underbelly of Kathmandu

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    Larry Louie, né en 1961 au Canada, est un photographe documentaire socialement engagé qui mène une double carrière. Il dirige une clinique d'optométrie à Edmonton où il travaille activement à titre d'optométriste. La photographie était un sérieux passe-temps, puis en 2005 il a commencé à montrer ses images et voyager à travers le monde. Depuis lors, il a été dans de nombreux pays comme la Tanzanie, le Tibet, le Népal; le Bangladesh et la Turquie. Depuis 2008, il combine la photographie avec son travail en soins oculaires en travaillant avec Seva Canada, une ONG dont la mission est d'éliminer la cécité évitable et traitable à travers le monde. 

     

    http://www.larrylouie.com/

  • Le désespoir des anges d’Henri Kénol

     

     

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    Actes Sud, avril 2013

    326 pages, 21,80 €

     

     

    Ce roman qui se déroule à Haïti est un roman coup de poing, sans concession, qui nous plonge au cœur de la Cité, ces quartiers à la périphérie de Port-au-Prince, ville qui ne sera jamais cité autrement que par le terme de centre-ville, en opposition à ces ghettos tombés entre les mains de gangs d’une violence qui n’a d’équivalent que la misère dont ils sont issus. Peu importe la qualité de la graine, pour survivre dans ce terreau-là, elle ne pourra devenir que mauvaise. Des gangs qui maintiennent leur pouvoir tout en servant, chef après chef, car les têtes tombent vite, le Président et ses sbires, y compris leurs intérêts étrangers, chez qui là aussi, sinon plus, trafic, violence et corruption sont les maîtres mots. Ainsi les gangs fournissent d’innombrables mains sales et promptes à faire parler fusils et machettes, les malheureusement trop fameuses « chimères » d’un président dont le nom ne sera pas cité. Qu’importe, l’histoire se répète à Haïti comme ailleurs. Des hommes de mains pour semer la terreur dans la population, faire taire des opposants et manifestants gênants. En échange, les zotobrés, les notables, ferment les yeux sur les abominations commises dans les territoires-prison qui sont sous contrôle des gangs, ces quartiers miséreux et cette population dont personne ne veut ailleurs, ils y envoient parfois discrètement des bulldozers pour enterrer les morts et cacher les charniers quand ils sont trop nombreux…

     

    Ceci pour le contexte général, mais dans ce roman, narré à la première personne du singulier, il s’agit avant tout d’une histoire au féminin, et principalement celle de la narratrice, dont on ne saura jamais le prénom. Une jeune fille dont la mère travaillait sans relâche au service d’une maison de maîtres, pour permettre à sa fille d’avoir une bien meilleure vie qu’elle, dans un monde où l’on ne peut compter que sur soi et surtout pas sur les hommes. Et c’est aussi ça, le thème principal du roman, la violence et la prédation des mâles. La narratrice était une fille brillante, une élève modèle à l’école, une école côté que Winsor Pierre-Louis avait réussi à créer au cœur même de la cité, à laquelle il avait consacré sa vie, bien avant qu’il ne soit sauvagement assassiné par des enfants devenus grands et violents. C’était le premier et quasi le seul qui avait osé leur tenir tête, sa fin fut atroce. Et les années qui suivirent plus atroces encore.

     

    « Je ne me rappelle pas le jour précis où l’ennemi à investi la Cité.

     

    Ils étaient venus de nulle part, crachés d’une nuit sans lune. À peine plus haut que des enfants, avec des armes plus grandes qu’eux. Certains adultes disaient avoir prédit ce malheur. Ils les avaient vus dans leurs cauchemars des temps d’orage, dans des ténèbres si opaques qu’elles anéantissaient même l’espoir d’un lendemain. (…) Ils avaient grandi sous le soleil et les étoiles sans jamais connaître la douceur d’une berceuse, les murmures de chants d’enfant, encore moins les caresses d’une mère ou la chaleur d’un foyer. »

     

    A ce moment là, notre jeune narratrice, l’élève modèle que Winsor Pierre-Louis appelait son étoile, celle qui se rêvait médecin, était déjà devenue la petite amie de Mario, le Suprême, le chef de ceux qui s’étaient emparés de la Cité et l’avaient fait basculer dans l’horreur et le sang. Elle avait 15 ans et elle aussi fêtera la mort de Winsor Pierre-Louis.

     

    Pour comprendre, il faut remonter à ce viol, dont elle a été victime quelques temps auparavant, un viol ultra violent perpétré par Mr Ronald, le fils des maîtres de la maison dans laquelle sa mère travaille, lui et plusieurs de ses amis. Une scène banale en fait, sur laquelle il faudra poser le silence, pour que sa mère puisse continuer de travailler, pour qu’elle puisse avoir une meilleure vie, devenir médecin… Seulement voilà, de ce viol poussera un enfant, puis une fausse couche à 4 mois lui laissera une longue cicatrice tout au long d’un ventre qui ne pourra plus jamais porter de fruits…. La colère qui naîtra suite à ce viol jamais puni ne quittera pas la narratrice, elle fera définitivement basculer sa vie pour le pire, mais lui donnera aussi suffisamment de rage pour survivre à d’innombrables violences. D’autres viols suivront, elle-même sera complice d’abominations par le fait d’être la « putain » de celui qui fera régner la terreur sur la Cité : Mario, qui lui aussi était il y a longtemps un gentil garçon, aimé de trop près par le curé auquel il faisait confiance, confiance violée également, qui fera de lui un tueur, un tueur qui à son tour sera tué par plus féroce que lui.

     

    Quand Mario tombera, remplacé par Stivans, encore plus fou et bien plus ambitieux, la narratrice devra s’enfuir, se cacher. Une femme l’aidera, Soledad, une « chimère » qu’elle avait déjà rencontrée, qui joue double-jeu et cache des « intouchables », enfants dont les familles ont été exécutées et dont nul ne doit s’occuper, dans l’ancienne maison de la mère de la narratrice. Sa mère morte sans avoir pardonné sa fille, mais en priant pour que dieu l’épargne « quand sa colère balayera toute cette racaille ! ».

     

    Toute la trame du roman est bâtie sur la spirale, forme typique de la littérature haïtienne. Quand la narratrice commence à se remémorer, elle a toutes ces années de violence derrière elle, elle a quitté le bordel de madame Rosie, havre de paix et d’amour comparé à sa vie dans la Cité, et on dirait qu’elle a vécu déjà plusieurs vies, alors qu’elle a à peine 25 ans. Elle travaille pour une famille bourgeoise et sert bien évidemment de maîtresse à l’homme de la maison, ce qu’ignore son épouse qui vit dans un autre monde et qui est bien loin d’imaginer celui d’où vient la narratrice.

     

    « Moi, ton homme, il suffit  qu’il vienne me visiter, rien qu’une fois, et que le tonnerre m’écrase si après ça il a envie de voir ailleurs.

     

    Parce qu’à l’intérieur aussi, je suis marquée. Profond, dans mon ventre labouré toutes ces années par tant de sexes ennemis. Mon corps est le terrain sur lequel des centaines d’hommes m’ont livré bataille sans jamais avoir réussi à me réduire. Ceux qui m’ont possédée s’accordent à dire qu’il y a dans mon ventre des fibres qui décuplent leur plaisir. Ce qui fait qu’à l’époque où je faisais la pute, j’étais considérée comme la meilleure. »

     

    La narratrice, tout au long de cette remémoration, se trouve devant sa patronne, prête à s’entendre dire qu’elle est renvoyée suite à un plateau de verroteries qu’elle a laissé tombé et tout  s’est brisé et c’est là que ça lui remonte. Tout, toute son histoire, celle qu’elle voudrait balancer à la figure de cette femme, pas méchante non, mais dans son rôle légèrement condescendant de patronne bourgeoise, alors qu’en fait la narratrice à bien vu… Elle a vu les marques, elle a vu ce que cette femme cache et qui la relie à elle bien plus profondément que n’importe quoi d’autres : la trace des coups. Les deux femmes viennent de deux univers qui n’ont rien à voir l’un avec  l’autre et pourtant cette violence masculine va les réunir et au final inverser les rôles. Une violence qui balaie toutes frontières, franchit tous les niveaux de la société.

     

    Ce roman se dévore, la crispation au ventre, parfois les larmes aux yeux, mais l’auteur ne joue pas avec l’émotion. C’est du brut, une fiction qui est et a été la réalité d’innombrables filles et femmes dans les bidonvilles de la planète. Cela se passe à Haïti mais l’auteur a réussi à donner une dimension bien plus vaste à ce récit, qui laisse lui aussi après lecture, des traces de coups.

     

     

    Cathy Garcia

     

     

     

     

    Henri Kénol.JPGDiplômé d’Économie Commerciale et de Gestion ainsi de l’École Normale Supérieure en Sciences Sociales, Henry Kénol travaille actuellement en tant que cadre de gestion dans une entreprise haïtienne. Outre Le désespoir des Anges, publié aux Éditions de l’Atelier Jeudi Soir en 2009, Henry Kénol a publié textes et nouvelles dans le cadre de projets collectifs publiés par des éditeurs d’outre-mer, tels que Rives Neuves Continents ou Actes Sud (il signe l’un des textes qui figurent dans Haïti parmi les Vivants, recueil de témoignages paru après le séisme qui ravagea l’île le 12 janvier 2010). Il a aussi produit de nombreux textes, nouvelles ou poèmes pour les cahiers de l’Atelier Jeudi Soir ou pour le journal haïtien « Le Nouvelliste ».

     

     

    Article paru sur : http://www.lacauselitteraire.fr/le-desespoir-des-anges-henri-kenol

  • La Barbacane et Kahel lues par Jacmo pour Décharge

    La revue du mois pour septembre :

    LA BARBACANE n° 95/98 :

    La revue de Max Pons fête ses cinquante ans ! Une paille… Et à tout seigneur tout honneur, l’ouverture de la publication lui est longuement consacrée. La Barbacane est sous-titrée « Revue des pierres et des hommes » et le fait que Max Pons fut guide au château de Bonaguil pendant 38 ans n’y est pas pour rien. A la fois « guide, chercheur, archéologue et historien ». C’est là qu’il organise les « Rencontres de Bonaguil », où il rencontra des poètes aussi importants que Jean Follain ou Pierre Albert-Birot. Ce numéro précisément est dédié à Arlette Albert-Birot disparue récemment. Passionné par l’Espagne, il donne, en outre, une étude intéressante sur Lorca, ainsi distingue-t-il quatre univers dans sa poésie : Un monde réel, un monde céleste, un monde procédant des forces obscures, et un monde d’origine littéraire. Le reste de la livraison est entièrement consacré à des œuvres de création. Et l’on pourrait différencier deux écritures qui font bon ménage au long des pages. Une écriture assez classique, soit dans la forme, soit dans le traitement avec des auteurs comme Paul Placet, Sylvestre Clancier, Francis Denni, Jacques Simonelli, Jean-Yves Masson, ou encore Michel Host, clairement dans la forme choisie : l’onzain (a b a b c c d d e d e), mais avec un contenu sur les jeunes amours nettement moins conventionnel, et même plutôt coquin. De l’autre, une écriture très actuelle avec Cathy Garcia (Ce qui trouble les anges, est-ce un parfum de foudre ou de foutre ?), Louis Bertholom, extrait de son « Bréviaire de sel », Guénane (l’aube shunte l’ombre / goutte à goutte elle suinte / s’insinue dans nos sinus…), ou bien Guy Allix (Il n’est de vrai que la déchirure qui nous relie). Je mettrais à part Colette Davilès et Hugues Labrusse, ni d’un côté ni de l’autre, à mi-chemin peut-être. Un cahier photos rappelle aussi le parcours de ces cinquante années autour de Max Pons avec encore Jean Rousselot et Guillevic, non encore cités. Enfin une revue (imprimée par Le Lérot à Tusson) dont il faut découper les pages, c’est hors norme, de la belle ouvrage décidément. Respect !
    Cette parole d’orfèvre tirée de l’éditorial : « Une revue de poésie – même erratique – est un défi en soi. Que peut-elle être d’autre, sinon une publication touchant quelques centaines d’adeptes et sans doute vouée à l’oublieuse poussière. »

    15 €. Montcabrier – 46700 Puy-L’Évêque.

     

     

    et dans le VRAC

     

    KAHEL n° 1 :

    Une nouvelle revue papier ! Ce n'est plus depuis belle lurette tous les jours que ça arrive ! « Revue littéraire du voyage ». L'édito de Karim Cornali essaie d'expliquer ce qu'il entend par là. On frôle un peu le paradoxe entre « les voyageurs au long cours » et « les promeneurs du dimanche », d'autant qu'il y est de surcroît question de voyage intérieur, de dimension spirituelle et d'élévation. Mais c'est un premier numéro et il faut se lancer sur des bases assez larges quitte à ce qu'elles soient un peu floues à la limite. On pourra rectifier plus tard, si besoin se fait sentir. Au sommaire, on pourra noter une ouverture à des groupes déjà constitués, ainsi venant du site « Recours au poème » Matthieu Baumier et Gwen Garnier-Dupuy, ou bien de Spered Gouez : Marie-Josée Christien, Marilyse Leroux, Eve Lerner ou Louis Bertholom, enfin des revuistes qui donnent leur contribution comme caution : comme Cathy Garcia (Nouveaux délits) ou Patrice Maltaverne (Traction Brabant)... Kahel propose aussi bien des poèmes que des nouvelles ou des récits. Elle sera trimestrielle.

    7 €. 206, avenue de la République – 78500 Sartrouville.

     

     

    Source : http://www.dechargelarevue.com/

     

    Décharge qui en plus d'un site est surtout et avant tout une revue de poésie incontournable et de qualité, à l'esprit curieux, alerte, voire facétieux. Faut dire qu'elle a de la bouteille aussi ! Jacques Morin (alias Jacmo) et Claude Vercey en sont les principaux maîtres d'œuvre.